Haute surveillance
de Jean Genet

critiqué par Alceste, le 9 juillet 2015
(Liège - 62 ans)


La note:  étoiles
L'enfer de l'enfermement
Dans leur cellule, ils sont trois prisonniers : Maurice, adolescent toujours en bagarre avec Jules Lefranc son aîné, tous deux plus ou moins surveillés et amadoués par Yeux-Verts. Leur préoccupation essentielle semble être de vouloir prouver qu’ils sont des « grands caïds », auteurs de crimes comme ceux qui mènent les bagnards dans les galères ou à Cayenne.

A cet égard, le « roi » de la prison est Boule-De-Neige, un Noir d’une autre cellule, dont chacun convoite l’amitié. De plus, Yeux-Verts, condamné à mort pour le meurtre d’une femme et probablement promis à la guillotine, suscite la jalousie de Lefranc, qui n’a commis que de petits délits. Ce dernier cherche sans cesse à le rabaisser, à l’humilier, à le contredire. Ce qu’il souhaite surtout, c’est l’égaler. Et lorsque l’ambiance au sein de la cellule s’envenime, Lefranc profite de l’occasion : il étrangle le troisième occupant, le jeune Maurice, qui ne lui a rien fait, sinon d’avoir la sympathie d’Yeux-Verts. Mais ce crime ne lui servira pas. Yeux-Verts n’accepte pas les circonstances dans lesquelles Lefranc a commis son « grand » crime, et refuse de le considérer comme son égal.


Dans le milieu pénitentiaire, les valeurs changent. Les crimes deviennent motifs de fierté et, une fois mis de côté le poids de la culpabilité, c’est la complexité des rapports humains qui reprend le dessus. Les hommes nouent entre eux des relations d’attirance, et de rivalité ; en l’absence des femmes, ils se partagent les rôles traditionnels de la domination, la soumission, la séduction, la jalousie ou du désir. Les pauvres éléments de l’univers carcéral servent de support à l’expression de ces relations, comme le tatouage que Yeux-Verts exhibe au regard émerveillé de Lefranc, ou les promenades quotidiennes au cours desquelles chacun épie et jauge les autres.

Ecrit par Genet pendant une période d’incarcération et créé en 1949, ce texte âpre, à l’argot parfois savoureux, fait revivre avec vérité mais sans veulerie, un univers clos et étouffant par nature, mais qui recèle une partie de la nature humaine.