Traité du Rebelle, ou le recours aux forêts ; suivi de Polarisations
de Ernst Jünger

critiqué par Vince92, le 28 mai 2016
(Zürich - 46 ans)


La note:  étoiles
Du Rebelle
Dans ce petit livre (120 pages en version poche), Ernst Jünger développe une autre figure archétypale, celle du Rebelle (Waldänger suivant la version originale). Avec celle du Travailleur (der Arbeiter, dans l'ouvrage du même nom-1931) et celle de l'Anarque (apparue dans Eumeswill-1977), le Rebelle constitue une figure centrale du Panthéon jüngerien.

Cet essai est certes court mais d'une incroyable densité, et il faut bien l'admettre, à de nombreuses reprises assez hermétique. Il m'a fallu une semaine pour parvenir à en achever la lecture en revenant parfois à de nombreuses reprises sur certains passages embrouillés et en faisant appel à l'exégèse qu'on peut trouver sur Internet. La traduction d'Henri Plard n'est pas en cause, parfois Jünger, quand il parle de philosophie atteint des sphères qui ne sont pas communes au commun des lecteurs.
Il me faut ici parler de l'histoire éditoriale de cet essai pour signaler que l'amateur de l'oeuvre d'Ernst Jünger a parfois du mal à dénicher ses livres, certains, dont la plupart de ses essais sont désormais introuvables et il faudra débourser largement plus de EUR 100 pour une édition poche cornée de ses livres les plus rares. Ainsi de ce Traité du Rebelle, édité en 1951, paru en 1957 aux Editions du Rocher (compilé avec quatre autres de ses essais sous le titre du recueil L'homme et le Temps), repris par le Seuil en 1986 et réédité par Christian Bourgois (l'éditeur "historique de Jünger en France). Depuis, l'ouvrage n'a pas été réédité malgré sa très grande réputation.

Qui est le Rebelle? "Est Rebelle quiconque est mis par la loi de sa nature en rapport avec la liberté, relation qui l'entraîne dans le Temps à une révolte contre l'automatisme, et à un refus d'en admettre la conséquence éthique: le fatalisme". Dans nos temps de déréliction, le Rebelle est celui qui trouve dans "le recours aux forêts", dans sa citadelle intérieure la force de s'opposer, celle de cocher la case "non" du bulletin électoral lorsque Léviathan fait mine de lui poser la question.
N'est pas Rebelle qui veut, seule une élite, peut-être 1% de la population trouve les ressources pour s'opposer, pour exercer son privilège de liberté.
Afin de vaincre la Peur, cette grande affaire de notre temps, l'homme libre ne doit compter sur rien ni quiconque d'autre que sa propre force pour s'extraire de la masse et s'opposer aux logiques d'écrasement organisées, d'où l'importance du recours aux forêts, lieu symbolique s'il en est dans la culture européenne. Recourir aux forêts comporte un, voire des risques, certains mortels, et c'et pourquoi seules ces minorités pourront trouver la force de s'opposer, il faut tout d'abord qu'ils veuillent se défendre et qu'ensuite, ils produisent les moyens d'exercer leur liberté. Le rebelle doit surmonter cette peur et ce faisant, se faire aider des Eglises par exemples. Mais in fine, il devra décider lui même à adopter sa propre décision en tout domaine afin de parfaire le monde. Car le Rebelle, s'il doit recourir aux forêts s'inscrit dans le Monde et veut agir sur lui, il est hic et nunc.