Matisiwin
de Marie-Christine Bernard

critiqué par Libris québécis, le 4 juillet 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Sur la route des Atikamekw
Les Atikamekw forment une tribu du nord de la Mauricie. Elle comprend les Nehirowisiw auxquels appartient l’héroïne, Sarah-Mikonic Ottawa. C’est une jeune femme de 22 ans, mère d’une fillette de sept ans. Malmenée par la vie, elle sent le besoin de marcher dans les pas de ses ancêtres en écoutant la voix de sa kokom (grand’mère). Avec un groupe, à l’instar de ceux qui vont à Compostelle, elle participe à un moteskano (marche) pour renouer avec les valeurs ancestrales.

La culture de ce peuple s’est perdue avec l’arrivée des blancs qui ont tout fait pour détourner les Amérindiens de leurs us et coutumes. On les a convertis de force au catholicisme, on les a isolés dans des réserves, on a détourné les rivières qui les nourrissaient pour construire des barrages électriques, on a enlevé leurs enfants pour les confier à des orphelinats afin qu’ils perdent leur identité. C’est sans évoquer les sévices physiques et sexuels auxquels ils furent soumis. Les moyens se sont avéré fort efficaces. D’aucuns sont devenus des blancs à leur insu de telle sorte que certains ignorent encore qu’ils sont des autochtones.

L’héroïne cherche à vivre sa féminité au milieu d’un peuple dont la conception de la vie diffère complètement des classifications cartésiennes. « Pêcher, chasser, cueillir, faire l'amour, enseigner aux enfants, prier, tout était mêlé ensemble dans le même élan, tout était spirituel, tu comprends? Il n'y avait pas, comme nous l'enseigne le curé, un temps pour le travail et un temps pour la prière. Tout ce que nous faisions, c'était dans la présence du Créateur. » Perdre cette homogénéité ne peut que semer la confusion dans les esprits. Les séquelles sont troublantes si l’on considère le taux de suicide effarant dans les réserves.

Avec ce roman, l’auteure rend hommage à une tribu qui a terriblement souffert de la soi-disant œuvre civilisatrice de colonisateurs prétentieux. C’est un encouragement à renouer avec le « sauvage » en soi. On entend la voix de J.-J. Rousseau derrière celle de Marie-Christine Bernard. C’est louable de souligner l’injustice dont furent victimes les Atikamekw. Même si c’est bien ficelé, il ne faut pas être allergique aux murmures de l’au-delà et aux manifestations dithyrambiques d’une admiration sans bornes.