Auschwitz et après : Tome 2 : Une connaissance inutile
de Charlotte Delbo

critiqué par Donatien, le 22 juin 2015
(vilvorde - 81 ans)


La note:  étoiles
Amour, mort, souffrance, fraternité...
II. UNE CONNAISSANCE INUTILE

Isbn 978-2-7073-0402-5

Ici, Charlotte Delbo parle d’elle. L’amour et la mort , les souffrances, la fraternité, l’espoir qui s’éteint et renaît..
Elle parle aussi des hommes. «Nous avions pour les hommes une grande tendresse. Nous le leur disions des yeux, jamais des lèvres.
Quelques-unes , qui avaient parmi eux un mari, ne voyaient que lui.. Celles qui n’avaient pas de mari, aimaient tous les hommes sans les connaître.

Son mari, Georges Dudach, avait été fusillé au mois de mai. «Vous ne pouvez pas comprendre , vous qui n’avez pas écouté battre le coeur de celui qui va mourir.
Arrêtés et détenus à la prison de la Santé.Des résistants étaient guillotinés ( 1942), après avoir pu dire adieu à leur compagne pendant quelques minutes.»

«J’ai vu battre des hommes
et j’ai enfin pu penser à lui
lui mort
un jour qu’il était beau encore
mort droit
mort choisie.» (p.35)



Puis de ses compagnes mortes au camp «Yvonne Picard est morte qui avait de si jolis seins. Yvonne Blech est morte qui avait les yeux en amande et des mains qui disaient si bien, Monnette est morte qui avait un si joli teint.Une bouche toute gourmande et un rire si argentin. Aurore est morte qui avait des yeux couleur de mauve.».

Dans «Le ruisseau», occasion miraculeuse d’un bain de quelques minutes lors d’une corvée. «Voyons , la figure, les pieds, les jambes. Il faudrait aussi se laver le derrière.Ma culotte devait être puante. C’est aussi la première fois que je l’enlevais tout à fait depuis soixante-sept jours»!!!!!!!
«Maintenant, je commence par où, la figure ou le derrière? Vite...»

Un chapitre important traite du «voyage», décrivant le transfert vers le camp de Ravensbruck, via Berlin.
Voyage en train extraordinaire, puisqu’il s’agit d’un vrai train, avec des banquettes, un paysage qui se déroule de chaque côté! Sentiment d’étrangeté ressenti par les «voyageuses».
Elles font halte à Berlin et découvrent les quartiers bombardés «Bien fait pour eux!» Ils croisent d’autres trains de transferts mais traversent aussi des gares utilisées par des travailleurs libres, des civils qui menaient leur vie ordinaire, etc
Après une heure de voyage, le camp de Ravensbruck!!

Enfin le départ de Ravensbruck et la prise en charge par la croix-rouge suédoise. La délivrance. Le 23 avril.... le matin de la liberté : »L’homme qui apparaissait à nos yeux était le plus beau que nous ayons vu de notre vie. Il nous regardait. Il regardait ces femmes qui le regardaient , sans savoir que pour elles, il était si parfaitement beau de la beauté humaine.
«Maintenant nous allons en Suède.».

Et je suis revenue
Ainsi vous ne saviez pas,
vous,
qu’on revient de là-bas
et même de plus loin.

Le livre se termine par cette magnifique «Prière aux vivants, Pour leur pardonner d’être vivants.

Vous qui passez
bien habillés de tous vos muscles
etc...............»