Les assiégés de D'Arcy McNickle

Les assiégés de D'Arcy McNickle
( The surrounded)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 26 janvier 2004 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 288ème position).
Visites : 3 789  (depuis Novembre 2007)

Quelque chose aurait changé ?...

Ce livre est rempli d’idées. Des idées, oui, mais aussi empreint d’une nature omniprésente, de personnages durs ou émouvants, aux sentiments multiples. Mais de quelle désespérance aussi !… Nous sommes dans une tragédie grecque au sein de laquelle nous savons de suite que le destin est tout tracé : il n’y a pas d’issues pour les Indiens en général, pas plus pour ceux qui le sont et tenteraient de sortir du cercle infernal, quelles que soient leurs qualités.

Archilde, le plus jeune fils de Max Leon, un immigrant espagnol, et de Catherine la Fidèle, la fille d’un chef indien Shalish, rentre chez lui après une année passée à jouer du violon à Portland. Max Leon a construit un vaste domaine et, qui plus est, prospère. De ses nombreux frères, il ne reste à Archilde que Louis, un voleur de chevaux en fuite dans les montagnes. Les autres ne valaient guère mieux et ont tous connu des fins brutales et peu glorieuses.

Max Leon vit dans sa grande maison, avec sa fille et ses deux enfants d’un mari décédé, alors que Catherine n’occupe qu’une vielle cabane au fond du jardin et cela depuis des années. Pourquoi cette séparation totale ?… Pourquoi Max est-il aussi dur ? Pourquoi Archilde craint-il autant son père et est-il incapable de lui répondre, alors qu’il est tout à fait indépendant et gagne sa vie ?…

Une seule personne trouve grâce aux yeux de Max : le père jésuite Grépilloux, missionnaire français, qui s’installa un des premiers dans la région et y bâtit l’église. Ce sont les Salish qui ont fait venir les « robes noires » aux deux bâtons croisés en forme de croix. Ils ont été les chercher à Saint-Louis avec la certitude qu’ils allaient leur apporter le bonheur.

Etonnante cette amitié si profonde entre les deux hommes, alors que le père Grépilloux comprend et aime tellement les Indiens. Avant de mourir, il écrit ses mémoires et raconte ses premiers contacts avec eux, ses réussites et ses échecs. Max, lui, n’a pour eux que mépris au même titre qu’il traite ses fils en disant : « Sept fils ! Autant avoir engendré sept chiens ! »

Quant à leur mère, Catherine la Fidèle, elle peut comprendre que ses fils soient des voleurs, des menteurs et des bons à rien, mais elle ne comprend pas qu’ils ne la respectent plus. Elle trouve le monde bien changé !…Mais le vieux chef Modeste va préciser les choses : « Vous, les vieilles, vous oubliez que nos enfants ne sont pas responsables de ce qu’ils sont maintenant. Tout cela a commencé avant qu’ils ne soient nés. » Avec le recul, que leurs ont apporté la religion et les blancs ?… A propos, pourquoi ce nom de Catherine la Fidèle ? Parce qu' elle fut la première Indienne à être convertie, à quatorze ans, et que jamais elle ne varia…

Archilde ne compte rester que bien peu de temps chez ses parents, mais va céder à ce qu’il estime pourtant être une folie. Le dernier désir de sa vieille mère, quasiment aveugle et sourde, est de se rendre encore une fois dans la montagne pour y sentir le vent, y humer l’odeur du gibier et celle de la liberté perdue. Les voilà donc partis à cheval, gravissant les sentiers et traversant les ruisseaux. Ils vont tomber sur Louis, fougueux et écervelé, qui se cache dans la montagne poursuivi par le shérif Quigley, opiniâtre et peu compréhensif envers les Indiens. C’est là que le drame va éclater !…

Archilde, outre ses problèmes personnels va prendre conscience de tout le problème des rapports entre les Indiens et les blancs. Ces derniers ont supprimé les vieilles coutumes qui fonctionnaient très bien en disant qu’ils les remplaceraient par de nouvelles lois. Une fois encore, le chef Modeste constate : « Eh bien, nous avons eu ces nouvelles lois et maintenant plus personne ne va plus dans le droit chemin. Personne ne veut plus avouer et personne ne veut aller voir le juge blanc… Voilà quelle est la situation, à présent ; on a oublié la loi ancienne et on se moque pas mal de la nouvelle. J’en suis désolé ; les jeunes gens ne respectent ni l’une ni l’autre. »

Et les blancs ne voient même pas que ce peuple est entré en désespérance tant il n’est plus que l’ombre de lui-même ayant perdu toute identité et toute fierté…

Je ne connais pas le reste de l’œuvre de McNickle, Indien du peuple Salish lui-même, et décédé en 1977. Mais, dans ce livre, ses qualités littéraires et la profondeur de sa réflexion font que je me demande : « Mais pourquoi n’a-t-il pas pris place parmi les grands comme Faulkner, Hemingway ou d’autres ?… » Je ne vois à première vue qu’une seule raison : le problème indien n’intéressait personne !… Pire !… Personne, à l’époque, ne voulait le voir ou le connaître ! Cela n’a que bien peu changé !…

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Le peuple invisible

10 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans) - 4 octobre 2010

Archilde Leon est de retour chez les siens après une année passée à de Portland, à jouer du violon. Il souhaite saluer ses parents avant de repartir pour des lieux moins étouffants que la réserve au sein de laquelle il pense ne pas avoir sa place. Il retrouve sa mère Indienne qui loge depuis plusieurs années dans une vieille masure non loin de la maison familiale. Elle vit seule en pensant sans cesse à ses vauriens d'enfants qui n'ont pour elle aucune compassion ni respect. Le contact avec son père espagnol est plus rude comme cela a toujours été le cas. Max est un homme qui domine son monde par son caractère volontaire et dur, jamais il n'est parvenu à saisir pleinement les mentalités des individus qu'ils soient blancs ou indiens à l'exception peut-être du père jésuite Grépilloux, pour lequel il nourrit une profonde affection.

Le père Grépilloux est venu, il y a très longtemps, s'installer dans la réserve Salish. Au cours de toutes ces années il a manifesté son intérêt pour les indiens en faisant preuve de compassion et surtout de compréhension envers eux. Il a toujours su que rien ne serait plus jamais pareil pour ce peuple envahi par les blancs et qu'il était faux de vouloir prétendre que ces derniers leur apporteraient plus d'humanité qu'ils n'en n'avaient déjà. Bien au contraire, il était parfaitement conscient de tout ce qui résulterait de ce simulacre d'acculturation, la disparition inexorable d'un peuple avec ses richesses culturelles, spirituelles et son sens de l'humanité qui n'avait rien à envier à celle des blancs.

Archilde, bien que décidé à partir au plus vite, s'attarde parmi les siens, il participe, à contrecœur, aux cérémonies traditionnelles organisées par sa mère. Tout cela lui semble appartenir à une époque révolue que seuls les anciens s'entêtent à vouloir perpétrer. Les relations avec son père se révèlent, au fil des jours, plus faciles. Lors d'un entretien avec le père Grépilloux, Archilde finit par envisager la possibilité de rester. Vient le jour où sa mère lui demande avec insistance de l'emmener à une partie de chasse. Aussi accepte t-il, ignorant que ce voyage initiatique va modifier le cours de son existence.

A travers le destin d'Archilde, l'auteur analyse le malaise d'une génération coincée entre deux mondes, celui des anciens de la réserve dépositaires des derniers fragments d'une culture anéantie et celui des blancs qui ont profondément modifié l'existence et l'environnement des Indiens. Un récit magnifique sur la condition des Indiens, écrit dans les années 1930, qui dépeint avec justesse les sentiments des personnages déracinés et sans espoir d'avenir autre que celui prémédité par les blancs. Comme le dit l'agent de la réserve à la fin du récit : "Petits imbéciles ! Jusqu'où pensent-ils aller comme ça ? Toi et les tiens, vous n'apprendrez donc jamais que vous ne pouvez pas vous échapper. Tant pis…c'est pathétique…"

Reconnaissance de la littérature amérindienne

10 étoiles

Critique de Folfaerie (, Inscrite le 4 novembre 2002, 55 ans) - 27 janvier 2004

Bravo Jules pour cette belle critique, très complète ! Je suis bien contente que tu aies aimé ce magnifique roman, qui est important à plus d'un titre pour la littérature américaine. D'abord, même s'il n'est pas vraiment le premier, on peut dire de McNickle qu'il est l'un des pionniers de la littérature amérindienne. Au yeux de jeunes auteurs comme Sherman Alexie il fait figure de mythe.
Ensuite, parce qu'il est né dans le Montana, où l'action du roman se situe si je ne m'abuse, il est également l'un des précurseurs que cette "école du Montana" si prolifique et si talentueuse.
McNickle a beaucoup fait pour la littérature amérindienne et je ne peux que regretter que ce seul roman ait été traduit. Il a écrit des nouvelles, un ouvrage sur la bataille de la Little Big Horn et plusieurs romans dont le très beau Wind from an enemy sky, hélas pas encore traduit.
Malheureusement, l'auteur n'aura jamais la place qu'il mérite au panthéon des grands écrivains américains, parce qu'il était indien d'abord, et parce qu'il traitait de sujets dérangeants, hélas toujours d'actualité. Je ne sais même pas s'il a obtenu un prix pour ce roman.

En tout cas, il faut lire absolument le superbe roman de ce formidable auteur, très peu connu en France. (Mais ça va changer maintenant... ;-))

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