Kane (Tome 1): L'intégrale
de Karl Edward Wagner

critiqué par Nabu, le 14 juin 2015
(Paris - 38 ans)


La note:  étoiles
La vieille fantasy des 70 a encore son mot à dire.
Kane est une œuvre de fantasy écrite par Karl Edward Wagner dans les années 70. L’auteur se voulait nihiliste, cela se ressent avec son personnage de son œuvre principale : Kane. A noter que l’auteur est mort d’alcoolisme à l’âge de 48 ans.

Kane apparaît donc chez Folio SF dans des intégrales. Celui que je vous critique est le tome 1 et regroupe les romans « La Pierre de sang » et « La croisade des ténèbres ». Les deux autres intégrales regroupent 15 nouvelles et des poèmes où Kane apparaît.

Bref, pourquoi ressent-on ce nihilisme chez Kane et dans l’œuvre éponyme ? Car ce mec immortel, savant, sorcier et super guerrier veut asservir l’humanité et prendre les humains pour ses pions. Il est blasé de tout, ne connait pas l’amitié et de manière générale connaît peu de sentiments.

Kane est une œuvre de fantasy loin d’être inintéressante. On sort des sentiers battus avec un homme qui a déjà acquis une puissance énorme et dont le but unique est de diriger l’humanité à très grande échelle.

Kane est donc un général hors pair, un combattant exceptionnel, un érudit avisé mais Kane est aussi un mec chiant à crever et c’est là que le bât blesse. L’auteur se détache bien de la concurrence de l’époque en ne construisant pas son personnage comme les autres écrivains, à savoir « X était un jeune bûcheron/soldat/barbare et il s’engage dans la quête Y pour devenir une légende Z ».

Le concept est plutôt intéressant. Par contre, le fait qu’il n’ait pas d’égal conduit au fait qu’il ne rencontre que très peu d’adversité et on se retrouve donc vite à se faire chier. Personne ne trouve grâce à ses yeux, il ne construit aucune amitié et quand il le fait, celle-ci n’est jamais décrite. C’est d’ailleurs assez troublant car les personnages secondaires sont très mal dépeints contrairement aux situations et aux contextes qui eux, prennent vraiment vie dans notre esprit grâce à la plume fine de Karl Edward Wagner.

En bref, Kane est un livre que je suis content d’avoir lu car il apporte un point de vue différent à cette fantasy des années 70 mais il ne restera pas un souvenir mémorable. Je reste néanmoins agréablement surpris par la qualité d’écriture. Les 750 pages ont été très digestes bien que longues, il est juste dommage que l’auteur n’ait pas réussi à intégrer une dimension de fun et d’épique.

Je remarque que plus je lis des romans de fantasy des années 70-80, plus je m’aperçois qu’il y manquait certaines choses (fun, violence, développement de personnages secondaires…). Mais la qualité de l’écriture était toujours au rendez-vous. C’était mieux avant ? Je ne pense pas mais les exigences sur la qualité d’écriture étaient peut-être plus hautes ou bien les livres moins bien écrits ont disparu de la circulation.
Un mélange des genres particulier 7 étoiles

Ce premier opus de l'intégrale des œuvres de Karl Edward Wagner comporte deux romans : La pierre de sang éditée en 1975 et La croisade des ténèbres qui est sortie en 1976.

Dans le premier roman, Kane, le héros, joue un double jeu en dressant deux royaumes l'un contre l'autre dans le but de s'emparer des terres à son profit. Après avoir trouvé une bague ancienne qui lui permet de manipuler les représentants dégénérés d'une race ancienne qui dominait dans le passé une terre pré-humaine, mais aussi de contrôler apparemment une Intelligence Artificielle d'origine extra-terrestre, il va s'attaquer aux deux royaumes après qu'ils aient eux même livré bataille. Mais Kane ne se rend pas compte que c'est l'AI qui le contrôle mais non l'inverse.

Un premier récit au carrefour de la Sword and Sorcery et de la science fantasy où l'affrontement entre la magie et la technique n'est pas inintéressant malgré certaines longueurs qui ne sont pas toujours directement en relation avec l'intrigue elle-même.

Le deuxième roman de ce premier tome des aventures de Kane, hormis sa présence,est totalement indépendant du premier opus de l'intégrale.

Grâce aux sympathies de la population, un ancien pillard dirige la cité d'Ingoldi sous le nom d'Ortéde Ak-Ceddi prophète du culte démoniaque de Sataki une divinité maléfique qui fait régner la terreur dans le royaume. Kane suite à une intrigue de palais doit fuir Sandotnéri où il occupait le poste de général des armées. Pour se venger du nouveau général Jarvo, il propose à Ortéde ses services pour créer une véritable armée pour conquérir les terres du sud. Une proposition qui n'est pas totalement désintéressée car une fois de plus il voudrait s'emparer des terres conquises et renverser Ortéde, mais tout ne va pas se passer comme il le prévoyait.

Cette deuxième histoire est plus classique que la première et s'approche plus de l'héroïc-fantasy que de la Sword and Sorcery même si les démons sont bien présents dans ce récit matinée d'une touche lovecraftienne. Ici le rythme est plus rapide, les combats fort bien maîtrisés, les renversements de situation plus nombreux et les différents protagonistes de premier plan tous aussi fourbes que le héros. L'ambiance de cauchemar totalitaire du culte sataniste est fort bien rendue, pesante à souhait. Si tout comme dans le premier récit, les trahisons et les coups de théâtre sont nombreux et spectaculaires, la galerie de personnages est moins fournie, le destin du général Jarvo et les démêlés de Kane avec le prophète de Sataki sont plus plaisants à suivre car il y a moins de longueurs. Ce récit plus direct et les nombreux combats de masse qui s'y déroulent donnent une dynamique de lecture plus nerveuse.

Kane est un héros qui tranche considérablement avec les héros d'Howard et de Leiber qui combattent le mal. Il se rapproche à de nombreux détails près du personnage de Moorcock, totalement immoral il veut toujours être le meilleur n'hésitant pas à employer n'importe quels moyens et pactisant même avec le chaos pour y parvenir.

Dans ces deux premiers opus les personnages de premier plan se révèlent majoritairement tout aussi diaboliques que le héros. On est dans une fantasy vieillissante et hormis ceux ayant un rôle primordial dans le récit, les personnages secondaires sont peu développés au plan psychologique et ne sont là que pour mettre en valeur un héros, si l'on peut vraiment le considérer de cette manière.

L’écriture est très riche, utilisant des termes peu usités de nos jours tirés du moyen-âge, ce qui pourrait gêner certains lecteurs. Le style de l'auteur s'avère très descriptif on n’échappe pas à quelques longueurs parfois légèrement indigestes dans les moments où l'action n'est pas présente.

Au final, à l'instar des grands noms des précurseurs de la fantasy, l’œuvre de Karl Edward Wagner est magistrale : elle est à découvrir pour les plus mordus de la fantasy, mais pourra toutefois rebuter les lecteurs moins passionnés du mélange des genres.

Goupilpm - La Baronnie - 67 ans - 20 février 2018