Les Saints vont en enfer de Gilbert Cesbron

Les Saints vont en enfer de Gilbert Cesbron

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Fanou03, le 8 juin 2015 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 48 ans)
La note : 6 étoiles
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Une saison à Sagny

Pierre, un jeune prêtre ouvrier, est nommé au sein d’une mission d’un quartier pauvre de la ville de Sagny, dans la banlieue parisienne des années 1950. Après son travail à l’usine, il épaule le père Bernard dans l’aide apportée aux habitants du quartier et à tous les hôtes de passages: trouver un logement pour une ou plusieurs nuits, obtenir un travail pour un père de famille depuis trop longtemps au chômage, offrir un repas modeste mais réconfortant. Mais bientôt, usé par ces tâches quotidiennes qui ne paraissent pas avoir de fin et qui l’éloignent de sa relation à Dieu, le père Bernard annonce à Pierre qu’il va quitter la mission.

Assurément Dieu et les hommes sont au cœur du sujet des Saints vont en enfer. Cesbron brosse tout d’abord à ce titre un portrait plein de justesse des prêtres ouvriers, mettant en avant à la fois leur force et leur fragilité. Chargés de faire découvrir Dieu aux habitants les plus défavorisés de la ville, leur intégration complète dans la « vraie » vie de tous les jours (par leur travail à l’usine notamment) ainsi que l’aide apportée à tous ceux frappant à leur porte se fait en effet au détriment de leur mission évangélique. Ne trahissent-ils pas ainsi leur vocation première, qui est avant tout de diffuser la Parole de Jésus-Christ ? C’est une des questions centrales, récurrentes, qui se pose tout au long du récit.

Les Saints vont en enfer est donc un roman de la foi et du doute, mais de façon plus large on peut dire que c’est aussi un roman de l’engagement. Henri, le farouche militant communiste, personnifie cet engagement idéologique, qui fait le pendant à la foi religieuse des prêtres ouvriers. Ces hommes d'action, partagés entre enthousiasme et abattement, s'interrogent constamment sur leur capacité à changer le monde et sur l'utilité de leurs combats.

Le roman est aussi une sorte de chronique sociale, portant sur la frange d’une France délaissée par le développement économique. Les baraquements sordides que décrit Cesbron (et loués par ce qu’on appellerait aujourd’hui sans doute des « marchands de sommeil ») ne sont pas très loin de faire penser aux bidonvilles bien connus à l’époque. Les prêtres y rencontrent un concentré des maux qui s’abattent sur le Quart-Monde : enfance battue, alcoolisme, prostitution, chômage.

La littérature de Cesbron n’est pas exempt de défaut, Les Saints vont en enfer en montrent un certain nombre. On pourra trouver entre autre que les personnages, dans leur représentation, sont assez archétypaux (le prêtre, le militant communiste, l’enfant battu, le chômeur...). De même, les effets utilisés par Cesbron pourront paraître parfois faciles (par exemple les prénoms, lourds de symboles chrétiens, donnés aux personnages principaux : Pierre, Madeleine, Étienne, Jean...).

Mais cela n’affecte en rien la débordante et lumineuse humanité de Cesbron. Il se dégage en effet une tendresse, une empathie immense pour les hommes et les femmes dépeints dans Les Saints vont en enfer. Cesbron ne fait certes pas abstraction de leurs défauts et de leurs faiblesses. Il met l’accent sur leur détresse, en appelle à la solidarité, à la fraternité, à l’espoir, mais aussi à la révolte. L’auteur catholique en profite pour se positionner clairement du côté d’une Église débarrassée de son organisation, d’une Église au plus près de la vie. Le style des Les Saints vont en enfer s’avère quant à lui d’une grande fluidité, grâce aux dialogues, dialogues de confrontation, vifs, enlevés ou dialogues faisant la part belle à l’émotion.

Dans mon parcours de lecteur, Gilbert Cesbron tient une place particulière. L’œuvre de cet auteur m’a en effet profondément marqué à l’époque où j’ai croisé sa route, notamment à travers Les Saints vont en enfer. C’est peu dire que j’étais plutôt inquiet de le relire tant d’années après. Si j’ai été parfois agacé, comme je l’ai dit, par les effets un peu faciles et par une prose qui peut paraître désuète, il émane encore du roman une très grande force, qui fait sans doute des Saints vont en enfer une des œuvres majeures de Gilbert Cesbron.

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