L'année dernière à Marienbad de Alain Robbe-Grillet

L'année dernière à Marienbad de Alain Robbe-Grillet

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par B1p, le 22 janvier 2004 (Inscrit le 4 janvier 2004, 50 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 083ème position).
Visites : 4 365  (depuis Novembre 2007)

émotions irréelles

Le long de couloirs vides, de salons, de portes, de salons, de salles, de corridors, ils déambulent. Etait-ce il y a un an, ou était-ce avant encore ? Elle lui avait dit d'attendre. Elle ne pouvait partir. Pas encore. Elle avait peur peut-être. Etait-ce dans les jardins ou le long de couloirs vides, de salons, de portes ? Etait-ce à Frederiksbad, ou peut-être Marienbad ? Elle avait reculé et refusé de quitter celui qu'elle semblait accompagner, son mari peut-être... Mais maintenant, il est temps, même si elle refuse de se rappeler de la rencontre et de la promesse. Ce soir, à minuit, ils s'en vont, loin des couloirs, des salons, des portes de cet étrange hôtel, et de son énigmatique jardin.

Livre un peu particulier que cet "Année Dernière à Marienbad", peut-être simplement parce que ce n'est pas un roman : c'est un roman-scénario-storyboard destiné à la réalisation du film éponyme. Alain Resnais a suivi assez scrupuleusement ce texte pour réaliser un drame pour automates, un film alangui où Delphine Seyrig semble s'étioler dans les couloirs rococos d'un hôtel énigmatique.

Cette particularité rend ardue la lecture car descriptions et dialogues sont interrompus sans cesse pour décrire les mouvements de caméra, la musique,... mais si l'on passe au dessus de cette difficulté (sans essayer de se représenter la mise en scène), on découvre une oeuvre envoûtante, faite de répétitions, de mystères, de personnages qui se croisent sans savoir s'ils se sont jamais rencontrés et s'ils se sont jamais échangé quelque serment que ce soit.

Ce qui fait la particularité de l'oeuvre est que tout semble irréel : les personnages qui n'ont pas de nom, les dialogues, les attitudes figées suggérées dans le livre. Tout se passe comme si les personnages n'étaient que des coquilles vides sur lesquels s'engouffre le temps qui a bien du mal à s'extraire de leur enveloppe et retourne en arrière ou avance en rafale sans que jamais rien ne soit dit sur sa vitesse et son écoulement.

L'Année Dernière à Marienbad est un bouquin hypnotique fait de répétitions incessantes, qui pourraient lasser mais qui curieusement élèvent le livre vers l'irréalité et subjuguent plus qu'elles n'agacent.

Evidemment, c'est peut-être parce qu'on s'investit dans les personnages que le livre trouve son intérêt. Tout insaisissables qu'ils soient, les personnages acquièrent imperceptiblement une réalité, une enveloppe charnelle qui nous rappelle la nôtre et on ne peut s'empêcher de leur attribuer des sentiments et émotions qu'on n'imagine a priori pas derrière leurs masques de statues de cire, jusqu'à aboutir à un dénouement qui, bizarrement, bouleverse.

Le paradoxe du livre est de présenter un drame irréel qui arrive à cristalliser les émotions réelles du lecteur. Un sacré tour de force réalisé par Alain Robbe-Grillet.

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Souvenirs et affabulation

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 29 janvier 2021

Un grand et bel hôtel aux allures lunaires par ses longs couloirs, ses beaux et vastes salons abrite des clients nantis investissant les lieux d'une ambiance compassée à un point qu'ils en deviennent quasi-spectraux ou fantomatiques.
Dans ce cadre lénifiant, un homme aborde une dame, persuadé qu'il l'a rencontrée l'année dernière en ces lieux, ce dont elle ne garde aucun souvenir. Qui invente ou simule ? Où se trouve la vérité de cette éventuelle rencontre et de ce qui s'est passé ou non l'été dernier ? C'est tout le mystère substantiel de cette oeuvre, en sus de celui formel de cet endroit qui ressemble lui-même à un songe.

Ce quasi-scénario déconcerte par sa forme elle-même et permet de découvrir comment s'agence ce type d'écrit. L'histoire nimbée d'une incompréhension déconcerte, l'atmosphère générale faisant écho au fond de l'histoire et au malaise qui nimbe le malentendu, volontaire ou non.
Fortement déconcertante, cette oeuvre fait réfléchir sur le fonctionnement de la mémoire, de la relation à autrui, des processus éventuels de harcèlement et de mépris affiché.

Le film d'Alain Resnais de 1961, avec Delphine Seyrig, retranscrit fort bien l'ambiance générale du livre.

Lu à l'automne 1995, relu pour l'occasion.

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