Cannisses de Marcus Malte

Cannisses de Marcus Malte

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Malic, le 11 mai 2015 (Inscrit le 9 décembre 2005, 82 ans)
La note : 10 étoiles
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Le coucou (Policiers et thrillers)

Sa femme vient de mourir d’un cancer ; il reste seul dans sa maisonnette, avec ses deux petits garçons. A travers les canisses qui clôturent le jardin, il observe, il épie la maison d’en face, de l’autre côté de la rue. Une maison semblable à la sienne, occupée par une famille semblable elle aussi : un jeune couple avec une petite fille, un bonheur semblable à ce qu’était le sien.

Ce narrateur, dont on ne connaîtra jamais le nom, est rongé de chagrin, mais aussi de jalousie et de révolte contre le destin : pourquoi est-ce sa famille qui a été frappée et non pas celle d’en face ? Il en vient à penser que son malheur est lié à sa maison, atmosphère délétère (peut-être que les canisses sont cancérigènes ?) ou malédiction. Mais on est bien dans un roman noir, très noir, et non pas fantastique.

Obsédé par cette idée et par le bonheur indu des gens d’en face, l’homme va saisir la première occasion pour leur voler une clé et s’introduire chez eux pendant qu’ils sont au travail, vivre dans leur maison, avec ses garçons, une vie de fantasme, s’imaginant « chez lui », les autres n’étant que des intrus. Rapidement, il sombre dans une forme de folie, mais une folie tranquille qui se donne toutes les apparences du bons sens et qui suit sa logique aberrante, mais imparable et implacable. Tout ce qu’il fait, c’est pour rétablir la justice, pour ses enfants, pour sa femme (« Nadine aurait approuvé » répète-t-il) Ce comportement de coucou investissant le nid d’autrui apparaît comme une façon de phagocyter le bonheur de la famille d’en face, de refaire l’histoire en niant son propre malheur.

On est à la fois bouleversé par la douleur du personnage et fasciné par sa monstruosité « innocente », anxieux de voir jusqu’où il ira.

Le style est simple, des phrases courtes qui nous plongent toujours plus loin dans le « délire logique », le déni de réalité et le malaise qu’il provoque en nous.

Si ce roman, malgré l’éventuelle malédiction frappant la maison, ne fait pas appel au surnaturel, en revanche sans doute peut-on parler de « fantastique social » (notion au demeurant assez floue) illustrant certaines caractéristiques de la vie moderne : idée du « droit au bonheur », individualisme forcené, repliement sur le couple et sur la famille au sens le plus étroit.

L'auteur évite toute scène de violence physique. Deux péripéties qui en auraient été l’occasion donnent lieu à de surprenantes ellipses, qui ne font que donner davantage de force à l’histoire et à son malheureux héros.

En bref, j’ai eu un gros coup de cœur pour ce très court roman de 80 pages. Je ne connaissais Marcus Malte que de nom, mais je ne tarderai sûrement pas à revenir vers lui. Au début la situation de ce roman m’a rappelé « Dernier désir » d’Olivier Bordaçarre, que j'avais beaucoup aimé, mais je trouve «Cannisses » encore meilleur.

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