Créatures d'un jour
de Irvin D. Yalom

critiqué par Myrco, le 27 juillet 2015
(village de l'Orne - 74 ans)


La note:  étoiles
Mieux appréhender la perspective de sa mort...
Irvin Yalom est avant tout psychothérapeute même si sa renommée internationale doit beaucoup à son travail d'écrivain.
Il nous offre dans ce dernier recueil dix histoires, dix cas de psychothérapie puisés dans sa propre expérience. Cet ouvrage n'a sans doute pas la même ambition ni la même originalité que les grands romans qui ont fait la notoriété de leur auteur, tels "Et Nietzsche a pleuré" ou "Le problème Spinoza" pour ne citer que ceux-là; néanmoins, on retrouvera là encore des références philosophiques qui ont, semble-t-il, toujours nourri sa réflexion et accompagné sa pratique. Ainsi le présent recueil est placé sous l'influence de cette pensée de Marc Aurèle qui figure en exergue: "Nous sommes tous créatures d'un jour (...). Aie toujours à l'esprit que bientôt tu ne seras plus rien, ni nulle part", pensée qui induit une certaine philosophie de la vie sur laquelle Yalom nous invite à méditer, sur la voie de la recherche du bonheur.

Chacun pourra trouver ici le miroir de ses propres problèmes ou angoisses. Les patients évoqués sont en effet assez souvent confrontés à des questions existentielles: donner un sens à sa vie ou faire face à l'idée d'"être mort pour toujours" par exemple. Yalom aborde cette dernière préoccupation avec d'autant plus de lucidité et de compréhension qu'il s'y trouve lui-même confronté de manière imminente en raison de son âge et de ses convictions athées. Il ne prétend aucunement nous apporter des clés inédites mais nous rappeler quelques vérités plus ou moins évidentes que l'on a parfois trop tendance à perdre de vue.

Le ton adopté est familier, celui avec lequel on raconte les histoires; le parti pris de l'auteur, celui de nous faire pénétrer dans l'intimité de ses séances avec ses patients, restituant à la fois les dialogues et ses réflexions personnelles au cours de ces échanges même si la retranscription a dû en être très largement remaniée pour les besoins de la narration. Il faudra en effet parvenir à s'abstraire du fait que le thérapeute met toujours un peu trop rapidement le doigt sur "là où ça fait mal" sans doute pour ne pas égarer le lecteur dans les tâtonnements probables hors de la ligne de cheminement qui conduit le patient à la prise de conscience.
Il n'en reste pas moins qu'il parvient à nous transmettre une part de ses difficultés, de ses doutes, voire de ses faux pas et comment parfois, échappant à sa maîtrise, le hasard fait bien les choses.

L'approche thérapeutique de Yalom s'avère intéressante par son humanisme, son ouverture d'esprit, son refus de se laisser enfermer dans des schémas codifiés, dogmatiques, son rejet de catégorisations réductrices et l'importance primordiale qu'il accorde à la qualité de la relation thérapeute/patient. En ce sens, son livre s'adresse également à ses futurs confrères et dénonce un certain enseignement de sa discipline.

Si j'ai été un peu agacée par les références récurrentes à ses propres ouvrages, j'ai par contre beaucoup apprécié chez cet homme tant ce que l'on sent être une sincère implication au service de ses patients qu'une certaine humilité sous-jacente à sa démarche.
Je dois avouer que j'ai toujours entretenu, vis à vis de la gent psy en général, une certaine défiance et c'est d'ailleurs par un cheminement un peu bizarre et fortuit que ce livre est tombé entre mes mains. Yalom aura donc largement œuvré sur la voie d'une réhabilitation de sa profession (ou du moins d'une partie) en ce qui me concerne.
Quant à cet ouvrage, s'il a à voir avec ce qu'on appelle aujourd'hui le "développement personnel", il ne saurait être assimilé à nombre de publications souvent proches du charlatanisme qui fleurissent dans ce domaine.
Irv 8 étoiles

Irvin Yalom me séduira toujours par la finesse de ses propos.
Cette fois il a 83 ans et continue de pratiquer ses psychothérapies pour un cercle plus restreint de patientèle.
Toutes ses histoires, ses vies de patients sont en relation avec la mort. Cette mort tant redoutée !

« Lorsqu’il y a quarante ans, dit Irvin Yalom, je commençai à travailler avec des patients en phase terminale d’un cancer, des bouffées d’angoisse par rapport à la mort et de fréquents cauchemars m’assaillirent. En quête de réconfort, je passai au crible les souvenirs de ma propre psychothérapie – une psychanalyse de sept cents heures menée pendant mon internat en psychiatrie. Je fus frappé de découvrir que pas une fois au cours de ces sept cents heures le thème de la mort n’avait été évoqué. Incroyable ! Mon anéantissement suprême – l’événement le plus terrifiant de ma vie – passé à la trappe, pas une seule et unique fois abordé au cours de cette longue analyse. (Peut-être mon analyste, qui approchait alors les quatre-vingts ans, se protégeait-elle de sa propre angoisse de la mort.) Je compris que, si je devais suivre ce type de patients, il me fallait faire un travail personnel sur mes propres peurs. »

« Dans le groupe de malades cancéreux avec lequel j’ai commencé, j’ai essayé de toutes mes forces de réconforter, semaine après semaine, une femme qui était au plus mal. J’ai oublié son nom, mais je me souviens de sa personne, et je revois encore très nettement l’expression déprimée de ses traits creusés de rides profondes et ses yeux gris tristes qu’elle gardait baissés. Un jour elle surprit tout le monde dans le groupe en arrivant radieuse et emplie de vitalité. Elle annonça : « J’ai pris cette semaine une décision importante. Je veux être un modèle pour mes enfants – un modèle face à la mort ! » Et effectivement, jusqu’à la fin, elle fut un modèle de grâce et de dignité, non seulement pour ses enfants mais également pour l’ensemble du groupe et pour tous ceux qu’elle a alors croisés. Vouloir montrer l’exemple devant la mort demande et donne en retour une force incroyable»

Nous sommes tous créatures d’un jour, ne l'oublions jamais. Et celui qui se souvient, est l’objet du souvenir. Tout est éphémère. Et le fait de se souvenir, et ce dont on se souvient. Aie toujours à l’esprit que bientôt tu ne seras plus rien, ni nulle part. » Et cette phrase ci : « Très vite le souvenir de toutes choses est enseveli pour l’éternité. sic Marc Aurèle deuxième siècle après JC.

Irvin Yalom écrivit de grands romans, tous en liaison avec un rapport étroit au psyché : Et Nietzsche a pleuré, Mensonges sur le divan, La Méthode Schopenhauer et Le Problème Spinoza... ses quatre ouvres les plus célèbres furent écrites entre 2005 et 2012. Elles engendrèrent un succès immense.

Ce grand humaniste mérite par son extraordinaire sens de l'analyse, sa douceur et sa délicatesse, bien des égards.
J'ai donc lu ce livre en me régalant, conscient que le sujet n'inspire que peu de lecteurs.
Un très belle expérience.

Monocle - tournai - 64 ans - 1 septembre 2022


Savourez-le 9 étoiles

"Créatures d'un jour " d'Irving Yalom (274P)
Ed. Le Livre de Poche.

Bonjour les fous de lectures ...
Irv ( comme il se fait appeler par ses patients ) nous présente 10 nouvelles, 10 souvenirs de thérapie, 10 leçons de vie.
Le fil conducteur de ces nouvelles est notre rapport à la mort.
Ne sommes-nous pas tous des créatures d'un jour ?
Tous étant éphémère, évitons les pièges de la rivalité, du déni de soi, de la souffrance et de l'angoisse de la mort.
C'est brillant, c'est profond, cela se savoure... Il n'y a rien de plus à dire.

Faby de Caparica - - 62 ans - 5 septembre 2019