Bioy
de Diego Trelles Paz

critiqué par Killing79, le 12 avril 2015
(Chamalieres - 44 ans)


La note:  étoiles
Violence péruvienne
Présentation de l'éditeur
Lima, années 80. Alors que l'Etat et la guérilla du Sentier Lumineux se livrent une guerre sans merci, Elsa, une jeune militante communiste, est soumise aux viols et à la torture des militaires. Parmi eux, Bioy, jeune caporal tétanisé par ce déchaînement de violence.
Lima, années 2000. Bioy est désormais à la tête d un des gangs les plus violents de la ville, au service des cartels de la drogue et du crime organisé. Ses anciens collègues de l'armée sont en prison ou en fuite aux Etas-Unis.
Vingt ans se sont écoulés qui ont plongé le Pérou dans l'abîme, et c'est le récit de cette chute que ce roman nous livre à travers les destins croisés de Bioy, d'Elsa, d'un flic infiltré et d'un étrange garçon assoiffé de vengeance.
Intrigue tentaculaire, récit à la chronologie chaotique qui mêle le passé au présent et emprunte à des formes aussi diverses que l'écriture cinématographique ou le blog, Bioy forme un puzzle romanesque qui déploie toutes les facettes de la violence, de l'horreur et la déchéance humaine et tente sans relâche de répondre à cette question : l'idée même de rédemption a-t-elle encore un sens ?
En plaçant la violence et la question de la banalisation du mal au coeur de son livre, Trelles Paz s'affirme comme l'une des voix latino-américaine les plus prometteuses du roman noir .


« Bioy » est un roman puzzle. Diego Trelles Paz nous balade d’une époque à l’autre, de personnage en personnage grâce à des angles de vue variés. La ville de Lima au Pérou est le seul point commun à tous les chapitres du livre. On découvre les dessous de cette ville entre les années 80 et les années 2000. Successivement l’auteur utilise une narration à la première personne, une narration à la troisième personne, une narration cinématographique, une narration épistolaire et une narration sous forme de blog. Tous ces modes narratifs, qui semblent indépendants au premier abord, ne sont en fait que les différentes pièces du casse-tête. Parfois déstabilisantes, elles prennent tout leur sens au fil des pages. Ainsi imbriquées, elles relatent avec justesse l’histoire de ce pays. La puissance des cartels de nos jours et la guerre entre l’Etat et les communistes vingt ans auparavant deviennent alors une réalité tragique. On plonge dans les bas-fonds de la violence à outrance. L’auteur nous dévoile les conséquences de la folie et des plus bas instincts.
Pour moi, le scénario du roman n’a finalement pas vraiment d’intérêt et m’a paru plutôt comme un alibi pour pouvoir entrer dans le système vérolé et banalisé afin de l’exposer aux yeux des privilégiés. Diego Trelles Paz a une plume exigeante qui m’a beaucoup plu. Mise au service de la rédaction déstructurée, j’ai ressenti avec authenticité toute l’animosité et le point critique atteint par la violence dans cette partie du monde. Certaines scènes sont d’ailleurs malsaines à la limite du supportable et ne sont donc pas à mettre entre les mains des plus sensibles.
J’ai eu le plaisir de rencontrer Mr Trellez Paz aux « Quais du Polar » à Lyon. Il est extrêmement sympathique et particulièrement avenant, tout l’inverse de ce qu’il m’a raconté de sa ville d’origine. Belle découverte qui en appellera d’autres.