Scènes de la vie d'un jeune garçon
de John Maxwell Coetzee

critiqué par Vigno, le 18 janvier 2004
( - - ans)


La note:  étoiles
Problèmes identitaires
« L’enfance, dit L’Encyclopédie des enfants, est une période de joie innocente qu’on doit passer dans les prairies parmi les boutons d’or et les petits lapins ou au coin du feu plongé dans des livres d’histoire. » (cité dans le roman)

L’enfance est rarement toute innocence. C’est, bien entendu, une période d’apprentissage, mais aussi une période où l’on définit ses appartenances. Ce peut être tout simple. Rien de tel chez John Michael Coetze, du moins si on s’en tient à son récit autobiographique Scènes de la vie d’un jeune garçon.

Commençons par sa famille. Aux dires du jeune John, le pivot de la famille, c’est la mère. Ancienne institutrice, c’est une femme très forte, qui ne craint pas de défier les conventions, ce que certains ne lui pardonnent pas. En fait, elle est son seul point de repère solide dans sa vie, non pas à cause de ses allégeances, mais en raison de l’amour sans faille qu’elle lui porte. Elle le traite « comme le prince de la maison », elle le protège du père et de sa famille, elle accepte ses caprices, bref c’est la mère dévouée-dévorante Même s’il l’adore, il comprend qu’il doit établir une distance avec elle, et il manifeste souvent de l’impatience à son égard. Le père, un ancien avocat, est un être faible, que tout le monde manipule, ce qui met sa famille dans l’embarras. Il finira alcoolique. « Il n’a jamais réussi à comprendre la place que tient son père dans leur famille. En fait, il n’est pas du tout évident pour lui de quel droit son père se trouve même là. » Enfin, il y a le frère, le concurrent, un pâle concurrent à vrai dire, car plutôt à l’image du père. Cette famille ne va pas de soi. Le jeune John trouve qu’il y manque une certaine normalité. En plus d’être dirigée par la mère, qui récuse toute violence dans l’éducation des enfants (ce qu’il déplore), il y a aussi le fait que les parents sont anglophiles malgré leurs origines afrikaners, et athées alors que presque tout le monde autour est protestant. Bref aussitôt qu’il quitte le cocon familial, le jeune John se sent perdu.

Au gré des déménagements (à cause de l’incurie du père), l’école devient pour lui un véritable supplice. Il est un élève brillant mais pas tellement intéressé, docile, effacé, peu apprécié par ses copains. En fait, il est toujours sur ses gardes, ne se liant à personne. Ce qu’il craint par-dessus tout, c’est qu’on le force à quitter son école anglaise pour une école afrikaner à cause de ses origines. L’école et la cour d’école sont donc à l’image de la société sud-africaine : tendues, racistes.

Peut-être à cause de sa famille qui n’est pas campée dans une identité bien définie, il se sent désarmé devant la complexité de la société sud-africaine : il y a les Noirs, les Métis, les Boers, les Anglais et quelques autres Européens, les Asiatiques et les Juifs. Certains sont catholiques, d’autres protestants… Tout ce beau monde garde bien son rang, s’assure que l’autre en fasse autant. La violence et la discrimination sont latentes. Quant à lui, il doit taire ses allégeances : il préfère les Russes aux Américains, il déteste les Boers, même s’il admire son grand-père, il est très anglophile mais déteste le comportement des Anglais qui le regardent de haut, il a de la sympathie pour les Noirs et les Métis malgré le discours ambiant).

En fait, son autre attachement indéfectible, c’est à la ferme de son grand-père paternel qu’il le voue, ferme reprise par l’un de ses oncles. « On est à la ferme : aucun malheur ne peut arriver ici. » Ici existe une certaine permanence, une certaine continuité. Même les familles métisses en font partie, sans tension. C’est aussi ici qu’il rencontre sa cousine Agnès et que, pour la première fois, il découvre un être avec qui il peut être complètement lui-même.

Pour terminer, disons un mot du style de l’auteur : il utilise la troisième personne du singulier et le présent de l’indicatif, ce qui crée une distance entre le narrateur et l’enfant qu’il fut. On a le sentiment d’assister aux faits et gestes du jeune John, mais rapportés et filtrés par une conscience supérieure. Bref, une autobiographie présentée comme une biographie.
Autoportrait timide 6 étoiles

Pour un roman autobiographique j’ai trouvé bizarre l’utilisation de la troisième personne. D’autant plus qu’il s’agit d’une étude de l’intériorité des personnages et non un travail d’observation. L’évocation de l’enfance est très réussie via de petits moments qui respirent l’authenticité. Mais, au final, aucun des thèmes n’est vraiment exploré à fond.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 10 octobre 2013


Manque de mordant 3 étoiles

Beau portrait de l'Afrique du Sud des années cinquante, avec une belle écriture, mais j’ai eu de la difficulté à m’intéresser au récit. C’est honnête, ça ne fait pas d’étalage, mais il y a rien de marquant. Il n’y a aucun passage qui s’est imprimé dans ma mémoire. À part ce livre-ci, je n’ai encore rien lu de ce nobélisé, il faudrait que je regarde du côté de ses oeuvres majeures.

Nance - - - ans - 8 août 2008


Un bon aperçu 7 étoiles

Un bon aperçu de la société Sud-africaine des années 40. Après avoir passé un mois dans ce pays superbe, je suis très heureuse d’avoir fait connaissance de cet auteur. Il dépeint de façon touchante son enfance entre sa mère qu’il adore et son père qu’il abhorre. Il nous fait naviguer dans ce contraste fort de la plupart des pays « colonisés » : la difficile possibilité d’assumer ses racines dans un pays multi race et multiculturel, surtout si on se veut différent. Le tout décrit par une belle plume.

Clo31 - - 65 ans - 21 octobre 2005


Grandir en Afrique du sud 8 étoiles

Vigno a très bien résumé cet ouvrage.
L’enfance d’un écrivain sud-africain, à la fin des années quarante, retracée en 19 séquences. Le bonheur à la ferme familiale, l’amour de l’école mais le sentiment de ne pas faire partie du même monde que ses camarades.
Seule la lecture (et plus tard l’écriture) lui permettra d’échapper à cette situation à laquelle il ne comprend décidément rien. Un livre attachant de sincérité. On y ressent avec force la passion, les déchirements, les interrogations et surtout l'incompréhension d'un enfant face au monde qui l'entoure.

Sahkti - Genève - 50 ans - 15 juin 2004