Je suis faite comme ça
de Juliette Gréco

critiqué par Nathafi, le 29 mars 2015
(SAINT-SOUPLET - 57 ans)


La note:  étoiles
Pour l'amour des mots
Madame Gréco nous raconte sa vie, de sa petite enfance dans le Bordelais à ces dernières années.

La petite Juliette grandit chez ses grands-parents. Issue d'une famille bourgeoise, délaissée par son père, ignorée par sa mère, elle s'accroche à sa soeur Charlotte, de trois ans son aînée, et adore son grand-père. La mort de ce dernier lui provoque un grand choc. Peu causante, enfant rebelle et déjà très indépendante, elle subit le retour près de sa mère, obligée de reprendre ses filles, la grand-mère n'ayant plus tous ses esprits. Arrive la guerre, l'emprisonnement, les camps pour Charlotte et sa mère. Juliette sort de Fresnes et se réfugie chez une amie comédienne, qui saura la réconforter et retrouver la joie de vivre.

Ce parcours difficile forge le caractère de la jeune fille. La Muse de Saint-Germain-des-Prés rencontre une multitude d'artistes, écrivains, poètes, chanteurs, peintres... Ce monde lui plaît, les soirées enivrées la charment, elle ne reprendra jamais la danse qu'elle avait apprise enfant, mais elle sait que ce monde est le sien. Graine de comédienne, elle fait ses premiers pas. Puis est remarquée, incitée à chanter par Jean-Paul Sartre, qui lui propose une chanson, d'autres suivent, jusqu'à de jeunes compositeurs ces dernières années.

Ce livre est riche de détails, toutes les rencontres de Juliette ont été bénéfiques, sa vie est jalonnée de hasards et de collaborations magiques.

En filigrane, toujours, sa grande indépendance, Gréco n'appartient à personne, fait ce qui lui plaît, choisit les textes qu'on lui propose, avec ce besoin de s'identifier aux mots, d'ingurgiter la chanson et d'en faire sienne, pour un instant, l'instant précieux du partage au public. Elle fait l'impasse sur le cinéma qui pourtant lui propose de beaux rôles, ce n'est pas un métier qui lui plaît, elle a l'impression de perdre son temps. Ce qu'elle veut, c'est la scène, dans sa longue robe noire, avec, pour taches blanches, son visage et ses mains, qui s'expriment, au-delà de la voix. C'est pour cela qu'elle vit, qu'elle respire, partager les mots, s'enivrer de poésie, faire passer des messages dans ses chansons, toucher les gens, de par le monde. Boudée en France en 1980, elle se produit beaucoup à l'étranger, puis constate un nouvel attrait de la jeune génération française en 1990.

Un beau livre pour qui est fan de la Gréco, la grande dame se dévoile, mais pas trop, un peu à l'instar de sa chanson "Déshabillez-moi", tout en pudeur, avec une trop rare émotion toutefois, par petites touches, quand elle évoque son grand-père, par exemple.