Petite Voleuse
de Michael Cho

critiqué par Blue Boy, le 18 mars 2015
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Voler pour s'envoler
A New York, Corrina Park bosse depuis cinq ans dans une agence de pub où elle ne se sent pas vraiment à sa place. A la base, c’était pour payer ses études de Lettres, pas pour rédiger des slogans publicitaires pour du parfum pour fillettes. De plus, la jeune femme supporte de moins en moins la solitude et cette timidité qui l’empêche de rencontrer l’âme sœur. Recluse dans son appartement, elle trompe l’ennui entre son chat ingrat et la télécommande de son téléviseur. Sa seule source d’excitation, voler des magazines dans la supérette du coin. Mais le vrai rêve de Corrina, c’est d’écrire un jour des livres dans une cabane en bord de mer, comme ont pu le faire les mythiques écrivains qu’elle vénère. Devra-t-elle pour cela attendre que le salut vienne frapper à sa porte ?

Présenté comme le jeune prodige de la BD américaine, Michael Cho signe ici une fable subtile sur la quête de bonheur d’une jeune femme se débattant dans l’immensité déshumanisante de la mégapole new-yorkaise, à la recherche d’une porte de sortie. De son trait très graphique empreint de la tradition Comics US, l’auteur dresse également un portrait intimiste de Big Apple, avec des pleines pages saisissant parfaitement le paradoxe d’une ville toute en angles implacables mais qui sait se faire accueillante quand on s’y sent à sa place… Le choix d’une bichromie rouge et noire correspond plutôt bien aux codes de sobriété du roman graphique.

A travers la solitude et le mal-être de Corrina, Michael Cho délivre une critique douce-amère de notre monde moderne vampirisé par la publicité. Mais ce qu’il veut surtout raconter, c’est le passage à l’âge adulte d’une jeune femme qui, par manque de confiance, hésite à réaliser son rêve de devenir écrivain. Le déclic arrivera de façon tout à fait inattendue, sous la forme d’une rencontre fortuite et en trompe l’œil du « prince charmant ». Une fois le livre refermé, ce récit simple et fluide continue à faire résonner en nous sa petite musique, celle que chacun a entendue ou entendra au moins une fois au cours de sa vie : l’impérieuse nécessité de dépasser ses propres limites pour enfin conquérir sa liberté.