Santa Evita
de Tomás Eloy Martínez

critiqué par Pucksimberg, le 28 mars 2015
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Les pérégrinations du cadavre d'Evita
Le personnage principal de roman est le cadavre d'Evita ! Eh oui, à sa mort, son pauvre corps embaumé a été enlevé et ballotté à travers le monde, sans compter que deux copies en cire auraient été faites, baladées un peu de partout et auraient semé le trouble tant le résultat était fidèle au véritable corps. Tomas Eloy Martinez, journaliste et écrivain argentin, s'est intéressé de près à cette affaire. Il s'est richement documenté, a rencontré la plupart des acteurs de cette disparition qui a marqué l'esprit du peuple argentin et retranscrit fidèlement le résultat de son enquête tout en offrant un lecteur un roman et non un simple texte informatif. Ce corps mort s'est quand même promené pendant plus de quinze ans ! Cela semble difficilement concevable. Ce roman se focalise sur cet épisode tout en évoquant le passé du couple de Perón, la jeunesse de d'Eva Duarte, le regard des artistes sur cette période ( Borgès et bien d'autres ), les réflexions de l'écrivain qui s'interroge sur son travail et sur la direction que prend son roman.

Ce texte est bien une fiction ancrée dans le réel. On peut très bien le lire comme un roman, ou comme un témoignage ou une enquête. Que l'on s'intéresse ou pas au personnage d'Evita, la relation qui l'unissait à son peuple reste fascinante, elle est une sainte aux yeux de certains, une "jument" détestable aux yeux d'autres. Certains voudraient prier près du cercueil de la défunte, d'autres dissoudre son cadavre dans de l'acide ou le violenter ( physiquement ou sexuellement ). Elle a déchaîné les foules, même morte elle ne laisse pas indifférent. Le titre "Santa Evita" résonne comme une louange faite à cette femme, quand on lit le roman, l'on est moins sûr de cette interprétation. Evita est démystifiée dans ce roman, le lecteur voit ses failles, son caractère colérique, sa maladie, son manque de culture, son expression écrite approximative. L'on en vient même à se demander comment elle a pu galvaniser les foules. Et en même temps, on voit l'aura qu'elle avait et combien son charisme a pu faire d'elle une figure féminine forte et encensée.

Ce roman se lit avec plaisir car l'on y découvre surtout les secrets du pouvoir, les alliances et les tensions souterraines. Et puis que dire de ce cercueil que l'on promène dans le monde entier ! Cette histoire est quasiment rocambolesque, et pourtant bien vraie !

Cet ouvrage est le roman argentin le plus traduit dans le monde et Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, a dit à son sujet :« Il faut interdire ce roman, ou le lire toute affaire cessante. »