Banquette arrière
de Claude Brisebois

critiqué par Libris québécis, le 14 mars 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un chauffeur de taxi de Montréal
D’un recueil de nouvelles érotiques oublié dans un taxi à Montréal, on passe aisément à la recherche d’une enfant donnée en adoption. Le projet littéraire de la romancière, qui en est à ses premières armes, semble saugrenu. Pourtant elle a relevé avec brio le défi de souder deux plans narratifs, à première vue inconciliables, sans compter qu’elle greffe tout naturellement les nouvelles les plus lascives aux doubles éléments déclencheurs.

D’abord, une avocate laisse par mégarde son bouquin sur la banquette arrière d’un taxi. Le chauffeur le fait circuler parmi ses fidèles clients, qui profitent de l’occasion pour savourer les aventures coquines que contient le recueil. À la mort de sa femme Gloria survenue sur ces entrefaites, il découvre, parmi ses papiers secrets, la copie par laquelle elle habilite les autorités compétentes à choisir des parents adoptifs pour sa fille née alors qu’elle était adolescente. La nouvelle ébranle cet homme bon qui, aussitôt, tente de retracer l’enfant avec l’aide d’une amie d’enfance de Gloria. Il s’active à ce projet entre ses courses à travers Montréal sans négliger les clients à qui il a prêté le recueil de nouvelles. Il parvient même à les réunir afin de former un club de lecture que tous apprécient suffisamment pour se recevoir chaque mois à tour de rôle.

Il faut attendre 400 pages avant de savoir comment ces lecteurs vont se joindre à l’enfant adoptive âgée maintenant de 37 ans. L’auteure sait boucler sa boucle de façon très imprévisible. Elle a choisi une structure des plus complexe pour un premier roman. Sur ce plan, c’est une réussite totale.

On ne peut en dire autant du reste. Pourtant les premières pages sont ensorcelantes tellement le début se fait sur les chapeaux de roues. Petit à petit, la magie tombe au profit des habitudes branchées des personnages, dont certains habitent le quartier du Plateau Mont-Royal reconnu pour le genre. C’est la longue description des vêtements que l’on porte et des mets que l’on sert quand on se reçoit sans compter les détails d’un quotidien fastidieux. Ce sont des personnages raffinés ou qui se raffinent aux contacts de ceux qui le sont déjà. On joue à la personne cultivée qui ne carbure pas au menu fretin.

Heureusement le profil psychologique est bien exploité, mais il faut ajouter qu’il emprunte le sentier des sentiments minaudiers. Bref, le roman s’adresse à un vaste public qui peut être séduit par le don de conteuse de l’auteure, mais dont l’écriture ne porte pas une marque distinctive.