Un mari idéal
de Oscar Wilde

critiqué par Sorcius, le 10 janvier 2004
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
Où ça, où ça???
Cette pièce est plus étoffée que l'Importance d'être constant et l'Eventail de Lady Windermere, et l'intrigue plus développée.

Cinq personnages principaux animent cette pièce exquise.

Il y a d'abord Sir Robert Chiltren et sa sainte épouse, Lady Chiltren, qui voient leur vie sans remous bouleversée par un odieux chantage. Lui est un politicien pétri d'ambition et promis à un superbe avenir ; elle est un pur produit de la société londonienne de l'époque, parfaite en tous points et persuadée qu'elle a épousé le mari idéal.
Ensuite, il y a Mrs. Cheveley, une femme sans scrupule et avide, auteur du chantage.
Lord Goring est, quant à lui, le meilleur ami de Sir Robert, mais également un ancien ami de Mrs. Cheveley. Il représente une belle caricature de tout ce que la société victorienne de la fin du XIXe siècle compte de mieux comme dandy: superficiel, oisif, vaniteux, narcissique à souhait !
Et pourtant… peut-être n'est-ce qu'une façade ?
Et puis vient Miss Mabel Chiltren, la jolie et pétillante jeune sœur de Robert Chiltren, qui anime la pièce en flirtant sans vergogne avec Lord Goring.

Oscar Wilde ne manque pas quelques petits clins d'œil sur la politique de temps en temps, mais le principal sujet reste son analyse extraordinaire de la société qui l'entoure.
L'histoire est bien construite, avec des personnages en relief et de l'humour sombre, encore et toujours.
M'a fait rire 8 étoiles

Sir Robert Chiltern est un politicien à la réputation d’homme vertueux, un mari idéal (idéalisé ?) aux yeux de sa femme sans reproche. Lors d’une de leurs réceptions, une femme mystérieuse surgie et fait chanter l’homme. Il est prêt à payer le prix qui faut, mais l’argent ne l’intéresse pas.

« Même vous, Sir Robert, vous n’êtes pas assez riche pour racheter votre passé. Personne ne l’est. »

Il doit accepter publiquement ce qu’il sait pertinemment être une escroquerie.

Du chantage, de vieilles rancunes, des idéaux brisés, de l’amour, de la haine, mais aussi beaucoup d’humour wildien et une quantité industrielle d’aphorismes (comme c’est toujours le cas avec l’auteur) qui sont tout à fait délicieux, en particulier ceux de Lord Goring, l’image du dandy, ami oisif et fainéant des Chiltern, mais prêt à tout pour défendre ceux qu’il aime :

« Les autres sont tout à fait épouvantables. La seule personne fréquentable, c’est soi-même. »

« S’aimer soi-même est le début d’une histoire d’amour qui durera toute une vie. »

Mon édition (GF Flammarion, 1189) était très complète (bilingue, notes, dossiers, présentation), que je conseillerais à ceux qui veulent en faire l’étude. Personnellement, j’ai arrêté de me référer aux notes car ça nuisait à ma lecture, mais j’ai bien aimé lire les dossiers à la fin.

La pièce n’avait pas vraiment de secrets pour moi qui avais vu (et revu plusieurs fois) l’adaptation de 1999 avec Jeremy Northam, Rupert Everett, Julianne Moore, Minnie Driver et Cate Blanchett. Le film est assez fidèle, avec quelques retournements en plus, une bonne petite comédie.

C’est toujours un plaisir renouvelé de lire Wilde. Il y a cependant quelque chose qui m’a égratigné, c’est les pointes contres les femmes, un brin misogyne parfois sans le vouloir (la vie des femmes ne valent pas autant de celle des hommes, elles n’ont pas d’aussi hautes ambitions, elles sont guidés par leurs émotions...), mais puisqu’il tape un peu sur tout le monde, j’ai passé par-dessus.

J’aime et je recommande !

Nance - - - ans - 7 novembre 2011


Bah, que dire de plus ? 9 étoiles

Tout a été dit, du plaisir que l'on a à lire cette pièce, des critiques toujours acerbes de Wilde, de la qualité de l'écriture, ...
Maintenant, je sais pourquoi j'aime O. Wilde encore plus.

Nouillade - - 32 ans - 2 janvier 2009


Politique 6 étoiles

C'est marrant pour moi le sujet central EST la politique. Elle est au coeur de tout. La pieuvre qui se déploie autour de passés encombrants, mensonges, carriérisme, ambitions, chantages, scandales, finances opaques, troubles etc...

Mais tout se paye un jour ou l'autre ! Et la facture peut être lourde; envoyant carrière et mariage au bord du précipice...

C'est l'une des pièces les mieux agencées d'Oscar Wilde, complexe, avec des intrigues qui s'insèrent les unes dans les autres telles des poupées russes, un retournement final surprenant et pourtant... Des répliques assez prévisibles, impression de déjà lu / entendu, quelques longueurs inutiles et plombantes... Au final on se dit qu'on a lu mieux !

Oburoni - Waltham Cross - 41 ans - 5 novembre 2008


Tout à fait abordable et agréable 8 étoiles

Quand j'ai décidé de lire une oeuvre d'Oscar Wilde, on m'a dit (et je le craignais aussi) qu'il allait falloir que je m'accroche car la lecture n'allait pas être aisée.

Et finalement, ce ne fut que plaisir ! Je ne sais si c'est parce que j'ai lu une version retravaillée (par Pierre Laville) et allégée en personnages mais en tout cas, je n'ai peiné à aucun moment dans la lecture de cette pièce.

J'ai trouvé l'intrigue tout à fait intéressante et originale, les rebondissements inattendus (pas de Vaudeville ou de burlesque) et l'écriture très agréable.

On s'imprègne tant de l'ambiance, des personnages et de l'histoire qu'on finit par ne même plus lire le nom des personnages avant chaque réplique tant il est évident que c'est untel ou untel qui parle.

Maylany - - 43 ans - 29 janvier 2008


An ideal husband 9 étoiles

Ne tenant pas à alimenter la polémique de doublons, je place ici en critique éclair, bien que l’édition que j’ai lue soit différente. Je me suis délecté de la version bilingue (ISBN: 2-08-071189-X).

An ideal husband

Sur les traces d’Oscar Wilde, après quelques nouvelles, je me suis trouvé face à “An ideal husband”. J’ai beaucoup hésité. Une pièce de théâtre? Lisibilité, visibilité, didascalies… j’avais tort de m’inquiéter, Wilde maîtrise. Cette pièce (la première eut lieu en 1895 au Haymarket de Londres) n’a pas seulement été écrite pour être jouée, mais aussi pour être lue. Wilde disait lui-même “ Je crois que c’est celle de mes pièces qui se lit le mieux”.

Le mari idéal, Sir Robert Chiltern, baronnet, sous-secrétaire d’État au Foreign Office, distingué, perspicace, ambitieux, mène une vie enviée aux côtés de sa femme, personne d’esprit, ravissante, vertueuse et rigoureuse. Ce bel équilibre familial sera rompu lorsque la perfide Mrs Cheveley fera chanter Sir Chiltern avec une sombre histoire politico-financière exhumée du passé du Lord, si celui-ci n’accepte pas de la soutenir à la Chambre des Lords, dans un projet où elle a des investissements considérables.

La structure de la pièce est classique: présentation du contexte et des personnages, élément perturbateur (Mrs Cheveley), péripéties, dénouement heureux et retour au statu quo. Les outils de l’animation de cette machine théâtrale sont deux lettres (l’une dont se sert la machiavélique Mrs Cheveley pour faire chanter Chiltern, l’autre écrite par Lady Chiltern à Lord Goring, meilleur ami du couple et Dandy impeccable) et une broche. Mais ce ne sont pas là seulement trois accessoires. Ils propulsent la pièce vers ses dénouements, prenant parfois un rôle inattendu.

Wilde ayant plus d’une corde à son arc ne se serait pas contenté d’un vaudeville. Il signe là l’un de ses jeux favoris: la satire de la société victorienne, de ses conventions puritaines. Il y dépeint aussi les craintes de l’aristocratie de voir disparaître les frontières sociales au nom de la mixité des populations.
Critique aussi de l’institution du mariage, présentée par Wilde comme “une institution fondée sur une éthique frauduleuse destinée à renforcer le sens de propriété et à confirmer le pouvoir des hommes sur les femmes”.
Analyse de la condition de la femme en opposant deux systèmes. L’un confinant la femme en un rôle de soumission, épouse aimante et procréatrice, l’autre lui offrant un rôle bourgeois de liberté relative, de “New Woman”.
Étude des relations tendues entre un père (incarné par Lord Caversham) et un fils (Lord Goring). Le père symbolisant la morale, la droiture mais aussi la froideur, l’inconsistance, voire le mépris envers son fils. Le fils au rôle alternatif de “bon” et “mauvais”. Mauvais dans son attitude oisive, superficielle, et bon dans son abnégation à son ami Sir Robert Chiltern.
De la différence qu’il y a entre la façon dont un homme aime une femme et celle dont une femme aime un homme, Wilde parle ainsi: “la passion qu’éprouvent les femmes à se fabriquer des idéaux (ce qui est leur faiblesse) et la faiblesse d’un homme qui n’ose pas montrer ses imperfections à l’être qu’il aime”. C’est, dans la pièce, un élément essentiel qui précipitera le couple dans la complexité, donnant toute sa substance à l’histoire.
Ajoutons enfin le coup de projecteur sur le contexte politique de l’époque opposant l’Angleterre à l’Irlande. Selon Wilde, “il s’agit moins de désangliciser les Irlandais que de ‘déconstruire’ les Anglais”. La hautaine morale anglaise critiquée avec audace par Lord Goring dans cet extrait: “[ … ] en Angleterre, un homme qui ne peut pas parler de morale deux fois par semaine à un vaste public, immoral et populaire, n’a plus aucune chance de faire une carrière politique sérieuse”.

La multiplicité des lectures, voilà sans doute ce qui fait l’originalité de cette pièce très lisible, très visible. Un défi relevé par l’auteur qui voulait aussi qu’elle soit lue. Plaisir que ces épigrammes émaillées de mots d’esprit, tel:
(Lord Goring cerchant à se débarrasser de la visite importune de son père)
Lord Goring: De nos jours, la moindre personne que l’on croise est un paradoxe. C’est affreusement ennuyeux. Cela rend la société si transparente.
Lord Coversham: (regardant son fils par-dessous ses sourcils broussailleux): Comprenez-vous toujours vraiment ce que vous dites, Monsieur?
Lord Goring (après une légère hésitation): Oui, père, si j’écoute attentivement.

Allez, un petit dernier:
(Lord Goring demandant en mariage la sœur de Robert Chiltern, Mabel Chiltern)
Lord Goring (après une légère hésitation): Et… j’ai un tout petit plus de trente ans.
Mabel Chiltern: Mon chéri, on vous donnerait quelques semaines de moins.

Assurément, un bon moment de lecture.

Lincoln - - 65 ans - 13 avril 2007


Qui en veut encore plus ?... 9 étoiles

En effet, ici, on ne rate personne ! L'humour est toujours présent, mais il grince tant et plus ! Les personnages en prennent plein la tronche et la société dans son ensemble encore plus ! Certaines répliques sont faciles et prévisibles mais, dans l'ensemble, le tout est formidablement bien enlevé.
Que Gertrude Chiltern soit une des rares personnes à rester constante et bien dans cette affaire n'étonne pas. Par contre, au fil des événements, le lecteur ne peut qu'être surpris par le comportement d'Arthur Goring. Rien ne nous permettait de nous attendre à cela de la part d'un personnage qui semblait être une véritable carricature du "beau monde" , de la légèreté et de l'insouciance.

Une pièce très enlevée et qui frappe juste !

Jules - Bruxelles - 79 ans - 17 mai 2005