Universal War One - Intégrale T1 à T6
de Denis Bajram

critiqué par Blue Boy, le 22 février 2015
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Chef d'oeuvre SF incontournable
Seconde moitié du XXIème siècle : le système solaire a été entièrement conquis par les CIC (Compagnies industrielles de colonisation), provoquant un boom économique sans précédent dans l’histoire de l’humanité. La Fédération des Terres unies (ex-ONU) est quant à elle chargée d’attribuer les concessions pour l’exploitation des planètes, mais les CIC, devenues extrêmement riches et puissantes, cherchent à s’émanciper de sa tutelle. Seraient-elles impliquées dans l’apparition de cet immense mur sombre et mystérieux qui est apparu entre Jupiter et Saturne ?

Universal War One (UW1), aujourd’hui largement reconnue comme un classique de la BD de SF française, est extrêmement aboutie à (quasiment) tout point de vue, et tout cela sous la main d’un seul homme, j’ai nommé Denis Bajram. Un dessin réaliste au trait fin et assuré, allié à une mise en couleur flamboyante, vient servir un scénario très original. L’histoire, qui effectue constamment des va-et-vient temporels entre plusieurs époques, a nécessité, selon les dires de l’auteur lui-même, de nombreux schémas et tableaux permettant de maintenir la cohérence de l’intrigue. Car il aurait été sans doute très facile de se laisser engloutir par un projet aussi ambitieux.

Mais grâce à son shaker magique, l’auteur sait faire apprécier sa potion, rendant le récit accessible et fluide aux moins scientifiques de ses lecteurs. Même si on a parfois l’impression d’être largué à propos de certaines considérations scientifiques (l’espace temps, les wormholes…), en particulier dans les premiers tomes, on ne perd jamais vraiment le fil. Pas besoin donc d’avoir de grandes connaissances en physique pour apprécier la série. L’aspect politico-économique n’est pas en reste et devrait combler les amateurs de géopolitique. On voit comment les CIC, devenues extrêmement puissantes avec l’exploitation des ressources du système solaire, décident un jour de défier les institutions politiques internationales. On peut même y voir une sorte de mise en garde adressée aux citoyens de notre époque : que se passerait-il si un jour les multinationales prenaient l’ascendant sur les gouvernements, aujourd’hui déjà largement soumis aux diktats de la finance mondialisée ?

L’auteur va jusqu’à créer une mythologie propre à la série, rythmée par les extraits d’une mystérieuse « Bible de Canaan », ce qui ravira les plus mystiques. La noirceur de certains personnages (tous très bien campés) confère par ailleurs à ce chef d’œuvre une dimension shakespearienne.

Quelques petits bémols toutefois : une entrée en matière un brin longuette, si prenante soit-elle, heureusement compensée par un point d’orgue spectaculaire au milieu de la série. Autre source de perplexité : la question écologique, totalement éludée. Quant à l’arme des CIC, elle est véritablement terrifiante. Une arme d’un nouveau genre utilisant la gravitation, sorte de gigantesque fil à couper le beurre capable de découper en tranches des planètes entières, mille fois plus redoutable que l’Etoile noire de Star Wars ! Une véritable innovation dans un ouvrage de SF, qui, espérons-le, restera cantonnée à l’imagination de conteurs tels que Bajram, mais s’imposera à coup sûr comme l’image forte de cette puissante saga.