La guerre à outrances : Comment la presse nous a désinformés sur l'Irak
de Alain Hertoghe

critiqué par Nothingman, le 9 janvier 2004
(Marche-en- Famenne - 44 ans)


La note:  étoiles
La désinformation de la presse écrite française
C'était le 9 avril 2003 à Bagdad. Une foule en liesse piétinait la statue d'un dangereux dictateur et un régime de terreur vieux de 25 ans, celui de Saddam Hussein. La coalition américano-britannique venait de remporter la seconde guerre du Golfe.
Cette guerre, bien que déclenchée sans l'aval des Nations-Unies trois semaines plus tôt, a néanmoins permis la fin d'un régime dictatorial atroce. Cette guerre, rappelons-nous, a fait couler beaucoup d'encre. Si au début on pouvait légitimement s'opposer à cette guerre; une fois qu'elle fut déclenchée, on ne pouvait souhaiter qu'une chose, c'est qu'elle se termine par la chute du tyran et ce, le plus vite possible.
Alain Hertoghe a analysé la couverture médiatique de 5 quotidiens français de presse écrite (Le Monde, Le Figaro, Libération, La Croix, Ouest France) durant les trois semaines du conflit. Pour lui, au vu des résultats récoltés, le public français n'aurait logiquement pas pu comprendre la victoire rapide américano-britannique avec la couverture qui en a été faite par ces 5 journaux. Il y voit même désinformation.
Une désinformation résumée en trois temps.
Au début les journaux français annoncent une guerre éclair au vu des forces en présence. Et ce, alors que les autorités américaines n'ont jamais annoncé le moindre agenda. Tout juste prévoyaient-elles une guerre rapide, mais certainement pas éclair.
Deuxième temps: Quatre jours après le déclenchement des hostilités, les différents quotidiens prévoient un enlisement des troupes U.S. comparable à celui du Viet-Nam. Nouvelle erreur car les soldats américains avancent plein-pot sur Bagdad créant beaucoup de dégâts matériels et psychologiques dans l'armée irakienne. De plus, durant le conflit vietnamien, il avait fallu trois ans au journalistes américains avant de crier à un enlisement. Ici, après quatre jours, les journalistes français commencent déjà à en parler.
Troisième temps: La conquête de Bagdad a été annoncée par beaucoup comme un nouveau Stalingrad. On annonçait des combats rapprochés et sanglants dans les rues étroites de Bagdad, un soulèvement de la population irakienne en soutien à Saddam Hussein. Au lieu de ce sombre tableau, les Américains sont rentrés très facilement dans la la cité mésopotamienne.
Comment expliquer cet aveuglement de la presse française?
Selon l'auteur, il y aurait trois explications principales. Tout d'abord, l'anti-américanisme ambiant qui s'est répandu en France durant cette période. Deuxièmement, la France venait de retrouver une position internationale forte en marquant sa ferme opposition à la guerre et les journaux francais ont eu du mal à s'en démarquer . Troisièmement l'arabophilie de l'état français.

Ce livre est très intéressant si on veut mieux comprendre ce conflit. Il est inquiétant aussi, car il est difficile d'imaginer que des quotidiens sérieux, censés rendre compte honnêtement de fait se sont laissés emporter à ce point par les événements, jouant notamment souvent à Madame Soleil. "Pourquoi vouloir toujours annoncer ce qui va se passer alors qu'il n'est déjà pas facile de bien rendre compte de ce qui s'est déjà produit?". Surprenant aussi car au final, on remarque que cette guerre a été mieux couverte que la première guerre du Golfe. La présence de journalistes embarqués sur le front, les chaînes arabes (Al Jazeera,...) jouant le rôle de contre-poids face à l'ogre CNN,... ont considérablement aidé à la compréhension de ce conflit.

Alain Hertoghe était rédacteur en chef adjoint du site internet de la Croix. La publication de ce livre volontiers polémique lui a valu de perdre son emploi. Le journal La Croix n'a en effet pas apprécié que son journaliste mette en cause la crédibilité du journal. Alors que, si il n'avait pas analysé la couverture des événements par son journal dans ce document, c'est lui qui y aurait perdu en crédibilité...