Le monde selon Billy Boy
de Gilles Leroy

critiqué par Killing79, le 7 février 2015
(Chamalieres - 44 ans)


La note:  étoiles
Ses origines
"Qui aurais-je été, moi, si Éliane m’avait eu d’un autre homme? Si elle m’avait conçu avec ce lieutenant Delor, j’aurais été un homme doux, sans doute, et posé comme lui. J’essayais de me représenter physiquement : de taille moyenne, voire petit, de corpulence fine et sèche, j’avais la peau brune, des cheveux noirs frisés, denses et brillants – plus rien à voir, enfin, avec cette plaie de rouquin à la peau trop fragile. Mon imagination s’arrêtait là et le commencement de fiction s’éventait aussitôt, aporétique et sans issue, puisqu’on ne récrit pas l’histoire, celle de son corps encore moins que celle des hommes."

L’œuvre de Gilles Leroy oscille entre des biographies de femmes illustres et des romans aux inspirations autobiographiques. Avec « Le monde selon Billy Boy », il revient sur un thème qu’il a déjà abordé et qui lui tient à cœur : Il nous fait entrer dans l’intimité de sa mère. Il nous raconte le changement de trajectoire du destin de cette femme, le jour où elle a rencontré le père de son enfant. Pour ce faire, il associe des faits réels à des éléments romancés pour fluidifier le récit et pour s’approcher au plus près de la réalité vécue par sa famille. Grâce à la qualité de l’écriture de Gilles Leroy, on devient alors partie intégrante du corps d’Eliane et on ressent ses hésitations, ses doutes, ses blessures mais aussi ses joies. Les sentiments et les sensations corporelles de cette fille, abandonnée de tous, sont parfaitement retranscrits.
C’est un texte plein d’amour et de tendresse mais qui pâtit des défauts inhérents aux autobiographies. Il agit comme un exutoire pour l’auteur. C’est une manière de s’interroger lui-même sur ses origines. Il semble vouloir se rassurer sur le fait qu’être un enfant non désiré ne fait pas forcément de lui un être mal aimé. Et que malgré les obstacles, l’amour d’une mère est plus fort que tout. En dépit d’un très beau style d’écriture, cette histoire somme toute ordinaire me parait donc plus indispensable à Gilles Leroy qu’à ses lecteurs.
Une jeunesse difficile dans les années cinquante 8 étoiles

Billy Boy, c'est l'auteur ; la quatrième de couverture nous en informe ; personnellement je n'y avais pas prêté attention.
Le roman commence par ses parents qui se rencontrent très jeunes, 17 et 20 ans ; elle se retrouve enceinte, refuse l'avortement, est rejetée par sa mère, abandonnée par son amoureux. C'est la galère pour elle dans ce pays qui se relève tout juste de la dernière guerre et peine à nourrir ses habitants.

Le style est simple, sans prétention, ce qui procure un réel plaisir de lecture. L'auteur ne fait pas la morale, n'explique pas ce qu'il faut penser mais, à demi-mot, incite le lecteur à réfléchir sur quelques problèmes actuels, aujourd'hui encore : avortement bien sûr, relations père-fils et mère-fille, enfance handicapée, fin de vie... Quelques expressions un peu pompeuses sont de trop peut-être, mais c'est un détail. On y trouve aussi quelques allusions sur l'actualité de ces années cinquante, en demi-teinte : St Germain des Prés, guerre d'Algérie, libéralisation des mœurs timide...

Un bon roman !

Tanneguy - Paris - 84 ans - 15 février 2015