Eloge de la folie
de Érasme

critiqué par Pendragon, le 3 janvier 2004
(Liernu - 53 ans)


La note:  étoiles
La "Moria" est à l'honneur...
J’ai enfin lu ce livre dont on entend tant parler sur les bancs de l’école !

C’est une courte étude qui défend, de manière subtile et tout en nuances, la Folie et l’Intelligence qui se cache derrière ! En effet, Erasme démontre, mathématiquement, que la Folie prévaut dans tous les domaines puisque c’est elle et personne d’autre qui régit le monde des hommes. Cela fait d’elle la seule manière de vivre intelligente qui soit, en ce sens qu’elle ouvre les portes de toute sagesse.

Comme vous le constatez, Erasme s’amuse beaucoup de ces contradictions, il en fait un jeu, mathématique, subtil, en même temps qu’un règlement de comptes avec l’ordre établi.

Attaque satirique discrète sur un peu tous les domaines, ce livre peut également être lu comme une fable truculente qui fait sourire à plus d’un titre tant la logique de la démonstration est imparable, mais faite de tant de syllogismes qu’elle en devient … absurde !?

Bref, une centaine de pages à lire… culture oblige…
« critiquer les mœurs des hommes sans attaquer personne nominativement » 8 étoiles

Trois motifs m’ont fait lire l’Eloge de la folie : c’est un « classique » auquel certains auteurs passés ou contemporains se réfèrent ; il est d’ailleurs cité dans La nouvelle politique de François Géré comme un livre majeur sur la thématique de la géopolitique, avec celui de Thomas More, l’ami d’Erasme, L’utopie ; il est disponible gratuitement et légalement en ebook via l’excellent site http://classiques.uqac.ca.

Pour le lien avec la géopolitique, on repassera. J’ai trouvé effectivement deux minis paragraphes qui parlent de la guerre, ce qui constitue en tout et pour tout 3 phrases, soit à peu près ce que la moitié des livres, romans compris, doivent contenir en moyenne sur ce sujet.

En fait, Erasme critique ici de manière satirique différents aspects de la société, et l’interventionnisme militaire n’y échappe pas, mais il ne se focalise pas non plus là-dessus. Il s’agit plutôt pour lui, comme il nous le précise en introduction, de « critiquer les mœurs des hommes sans attaquer personne nominativement », alors qu’il s’ennuie lors d’un voyage à cheval et qu’il lui faut une occupation pas trop coûteuse intellectuellement. C’est son ami Thomas More qui lui inspira le livre, car More vient de morus en latin, qui signifie folie (cela aussi, on l’apprend par Erasme). Selon Erasme, ou plutôt, selon la Folie elle-même, puisqu’il lui fait prendre la parole, mieux, l’argumentaire, la Folie est le constituant de base de nos comportements.

Les références mythologiques et bibliques abondent, et c’est amusant d’essayer de retrouver à quoi elles renvoient, même si c’est souvent difficile.

La dissertation de la Folie repose en fait sur des sophismes assez gros mais intéressants à découvrir. Voici mon préféré, qui, je trouve, donne bien le ton de cet ouvrage agréable et vite lu:
« Quels objets vaut-il mieux mettre sous clef ? Ceux qui sont précieux ou ceux qui n’ont ni rareté, ni valeur ? Vous vous taisez. Si vous n’avez point d’avis, ce proverbe répondra pour vous : « La cruche reste à la porte », et, pour le faire accepter, je cite qui le rapporte ; c’est Aristote, dieu de nos docteurs. Est-il parmi vous quelqu’un d’assez absurde pour laisser sur le grand chemin ses bijoux et son or ? Personne assurément. Vous les serrez au plus secret de la maison, aux coins les plus retirés et dans les cassettes les mieux fermées ; vous laissez sur la voie publique les ordures. Or, si ce qu’on a de plus précieux est tenu caché, et ce qu’on a de plus vil abandonné au jour, la Sagesse, que l’on défend de cacher, n’est-elle pas de toute évidence moins précieuse que la Folie, qu’on recommande de dissimuler ? »

Elya - Savoie - 34 ans - 15 septembre 2013