La promesse
de Michèle Ouimet

critiqué par Libris québécis, le 22 janvier 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
De Kaboul à Montréal
À l'emploi du journal La Presse, Michèle Ouimet est un reporter qui se rend où sévissent les conflits. Une foule d’histoires, toutes plus éprouvantes les unes que les autres, l’ont marquée. Pour son premier roman, elle a retenu sa rencontre à Kaboul avec Soraya, une jeune Afghane de douze ans obligée de marier une brute crainte par son père.

Le roman circonscrit son travail sur le terrain à travers Louise Durand, qui veut connaître à tout prix cette adolescente. C’est par Farida qu’elle parvient à voir Soraya, victime d’une estafilade depuis que son mari l’eut frappée avec un objet contondant. La première tient un refuge secret pour les femmes ayant subi des sévices que s’autorisent les hommes en vertu d’une tradition qui leur confère le pouvoir de vie ou de mort sur la gent féminine. Émue par son histoire, Louise lui fait la promesse (d’où le titre) de la faire venir à Montréal.

La sortie de l’enfer ne conduit pas à la porte de l’empyrée. Loin de là, surtout quand on a le malheur de naître femme, comme l’a dit Simone de Beauvoir. Soraya joint une famille d’accueil afghane à Brossard en banlieue de Montréal. On peut fuir un pays, mais sa culture poursuit les exilés. En peu de temps, on lui désigne contre son gré un vieil oncle comme mari. On fait fi de l’amour. La célibataire étant considérée comme une gourgandine, le mariage s’érige en principe absolu pour maintenir l’honneur familial ou patriotique.

En fait, l’auteure s’est servie d’un exemple extrême pour rappeler les haruspices qui défavorisent la femme afghane. Qu’en est-il de sa consœur heureusement née en occident ? Le devin de l’antiquité l’aurait-il épargnée en lisant dans ses entrailles ? Pas sûr ! À l’ouest, les défis sont aussi éprouvants. Lutte acharnée pour défendre sa place au soleil. Les hommes jouissent d’une hégémonie qu’il est parfois possible de mettre en péril en tirant avantage de leur libido impérative. D’une manière ou d’une autre, les femmes occidentales sont condamnées à bien manœuvrer les ficelles de leur métier pour rivaliser avec des bonzes assoiffés de pouvoir comme le démontre le roman en suivant l’élection à la mairie de Montréal. Sur le plan affectif, elles sont souvent inféodées. La vie de couple n’est pas sujette à une garantie de pérennité.

Contrairement au titre, la moitié de l’humanité ne doit pas s’attendre à un jardin de roses, hormis les épines. Pas facile d’assurer son intégrité comme femme. La trahison fait presque partie des mœurs. Battue, violée, abandonnée, déclassée, il faut être une battante pour survivre. L’auteure l’affirme sans ambages. Elle ne mâche pas ses mots. Son héroïne, née dans le quartier le plus pauvre de Montréal, a été formée au combat avec le langage de son milieu. Les jurons ne lui pèsent pas sur le bout de la langue. Elle crache le morceau sans se faire d’illusions. Même si Louise porte des brassières (soutien-gorge) en dentelles de 300 $, l’écriture évite la fioriture. C’est net, fret, sec (c’est direct). C’est du rock. Pour entendre du violon, il faut aller ailleurs.