Tereza Batista de Jorge Amado, Calasans Neto (Dessin)

Tereza Batista de Jorge Amado, Calasans Neto (Dessin)
(Tereza Batista, cansada de guerra)

Catégorie(s) : Littérature => Sud-américaine

Critiqué par Cyclo, le 9 août 2015 (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 4 422 

encore un chef-d'oeuvre du romancier brésilien

On suit dans ce long roman la vie de Tereza Batista, vendue à onze ans par sa mère et bientôt violée par le Capitão, qui porte en collier les anneaux de toutes les filles qu'il a déflorées de force, et à qui elle sert longtemps d'esclave dans le Nordeste brésilien. Poussée à bout, elle le tue. Elle connaît alors le bordel, la prison, la peste noire (combattue principalement par les putes, plus que par les médecins qui ont fui la contagion potentielle !), participe à la grande grève des prostituées de Bahia. Elle est ensuite entretenue par un homme riche et aimant, qui se mêle de politique, mais "se contenta d'administrer honnêtement", et dont la carrière fut, de ce fait, très courte, et qui meurt dans ses bras. À aucun moment, Tereza ne désespère de trouver un amour sincère et romantique : elle le trouve dans un marin de passage, "mulâtre tanné, brûlé du vent de la mer, pauvre et de peu d’instruction".
"Tereza Batista" est un roman comme on n'en fait plus, plein de bruit et de fureur, de rires et de larmes, un roman populaire d'une grande richesse verbale, d'une construction savante, qu'on suit passionnément. Tereza est une héroïne au grand cœur, dans une histoire qui mêle le sublime au grotesque, le quotidien le plus sordide aux aspirations les plus hautes, sans jamais tomber dans le pathos et le larmoyant. Amado est un grand auteur populaire du Brésil ; il décrit le peuple, son métissage, ses misères, sa force aussi bien que son inertie. Amado est un conteur sublime, qui a pâti de ses prises de position politiques. Il est pourtant aussi un artiste qui a renouvelé constamment son art. Et qui fait passer sa critique de la société tout en finesse.
J'ai trouvé "Tereza Batista" dans la bibliothèque du cargo où je naviguais, je l'ai lu sous les Tropiques, et j'ai pu vérifier cette phrase de l'auteur : "ah ! la mer est un chemin sans fin, elle possède une force indomptable, un pouvoir de tempête, une douceur d’amoureuse quand elle devient écume sur le sable". Roman truculent et drôle, tragique et pathétique, cruel et satirique ("Imaginez, mon vieux, ces gens en bonne santé et sachant lire, quel danger !"), aux personnages nombreux et toujours bien typés, qui nous propose une vraie tranche sociologique de la vie des misérables (c'est un roman hugolien) du Brésil de l'époque. Parfois Jorge Amado change le point de vue de narration, et pourtant, à aucun moment on n'est perdu. Oui, on peut s'émerveiller, se révolter aussi ("Quelqu'un qui bat une femme, persécute un enfant, est une fleur qui sent mauvais, approuva le géant"), devant le spectacle de la violence, des inégalités flagrantes et de la misère, telles que racontées de main de maître par le grand romancier brésilien.
Une vraie réussite, d'une grande maîtrise narrative. Impossible de le lâcher, quand on l'a commencé. Ou alors, c'est pour faire durer le plaisir et retarder la fin !

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