Mon beau cheval noir
de Zhang Chengzhi

critiqué par Myrco, le 31 janvier 2015
(village de l'Orne - 74 ans)


La note:  étoiles
Ballade mélancolique
"Dans une steppe sans limites, immense océan d'herbes, un homme sur un cheval s'avance lentement solitaire (...). Il est rongé par le remords, les espoirs inassouvis, et les blessures intérieures (...). Entre ciel et terre, depuis des temps immémoriaux, ici on ne voit que cette verdure à perte de vue, qui subit une longue et perpétuelle transformation, affligée par le froid et la chaleur, durant des siècles et des siècles. Les hommes deviennent durs et truculents, sauvages et réservés (...). Pourtant l'âme de ces êtres humains existe bel et bien."
C'est à la rencontre de cette âme que nous convie ZHANG Chengzhi, au travers du récit nostalgique et douloureux de ce cavalier qui parcourt la steppe, cette âme dont la mélancolie trouve parfois un exutoire dans ces chants mongols, transmis de génération en génération, dont le titre est souvent lié à ces chevaux, compagnons indissociables de l'homme dans ces immensités.

"Mon beau cheval noir", c'est effectivement le titre d'une de ces vieilles ballades mongoles dont les paroles ont pris corps dans la réalité de Baiyinbaolige, le narrateur:"c'(est) l'histoire d'un garçon chevauchant un cheval noir d'une beauté sans égale à la recherche de sa sœur" à l'image de celui qui de retour au pays natal après neuf ans d'absence s'élance, entraîné par le magnifique Ganga-Hala, autrefois poulain miraculé, sur les traces de celle qu'il n'a pu oublier. Au terme de sa quête, les dernières paroles de la chanson, qu'il n'avait jamais comprises lorsqu'il était enfant , lui révéleront leur signification.

"Mon beau cheval noir", c'est donc avant tout une belle, simple et triste histoire d'amour, qui nous conduit des jeux purs et innocents de l'enfance aux résignations amères de la maturité en passant par les éblouissements des aubes merveilleuses de la jeunesse qui se lèvent sur un avenir plein de promesses. Dans cet environnement rude et immuable, le poids de la tradition perdure et finit par avoir raison de " tout ce qui est beau tout ce qui est fragile". L'homme qui a choisi d'échapper à son destin pour répondre aux sirènes d'une "civilisation" décevante et n'a pas accompli les devoirs qui lui étaient dévolus est sévèrement jugé, y compris par lui-même; quant aux femmes, elles subissent passives et résignées "la loi inexorable" qui les condamne à endosser le rôle que le destin leur assigne. Ainsi va la vie...

Je dois dire qu'en abordant ce texte, je pensais me trouver en présence d'une ode à ces paysages superbes de la Mongolie intérieure, d'une sorte de célébration du rapport intime entre l'homme et l'animal, attentes sans doute induites par le titre et la 4ème de couverture. Ces éléments existent au travers de quelques belles descriptions ou notations mais demeurent à l'arrière-plan d'un récit essentiellement centré sur l'histoire sentimentale.
Pour autant, je ne regrette pas, bien au contraire, la lecture de ce récit dont sourd beaucoup d'émotion contenue et de sensibilité profonde à l'instar sans doute de la mélodie de la fameuse ballade, sans jamais tomber dans la mièvrerie.

P.S: ZHANG, né en 1948 est un écrivain chinois, issu de la minorité Hui de religion musulmane. Il a beaucoup séjourné dans ces régions pour diverses raisons, notamment ses travaux d'archéologie et d'ethnologie. Il est donné comme un écrivain majeur de la Chine actuelle.