Un logique nommé Joe
de Murray Leinster

critiqué par AmauryWatremez, le 13 janvier 2015
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
dyschronique du Net
Je suis tombé sur cette collection par hasard en furetant au hasard parmi les étagères d'une librairie toulousaine, « Ombres Blanches ». Je rappelle au lecteur non spécialiste de la littérature dite « de genre » qu'une dystopie est une anti-utopie. La collection « dyschroniques » reprend des œuvres d'auteurs un peu oubliés et les rééditent avec une traduction revue ainsi qu'un appareil critique augmenté. Je trouve cette collection très sympathique car commercialement condamnée, ce genre d'écrits ne va pas à l'époque, celle-ci comprend seulement le premier degré, ignore la dérision ou la satire dont relèvent aussi les dystopies.

Les écrivains de « genre » dont celui de la Science-Fiction sont généralement de grands pessimistes à moins qu'ils ne soient tout simplement lucides. Philip K. Dick n'écrit au fond que cela, Norman Spinrad aussi, ou John Brunner auteur de « Tous à Zanzibar », ou enfin Ray Bradbury, de manière plus poétique. Étrangement, les anti-utopies de Science-Fiction des -bons- auteurs se révèlent ressembler de plus en plus à notre réalité sociale et politique. Je les préfère à Arthur C. Clarke et sa confiance aveugle dans les progrès de la science ou Asimov et son amour des robots meilleurs que les hommes.

Il est amusant de voir ce genre de littérature, imprimé sur du papier pelure de mauvaise qualité, infiniment plus perspicace et douée de beaucoup plus d'acuité sur les travers de notre monde que bien des « pensums » doctes et académiques sur papier glacé.

Dans « Un logique nommé Joe », Murray Leinster décrit en 1946 un réseau informatique mondial capable de répondre à la moindre question de ses utilisateurs à la suite d'un dysfonctionnement d'un ordinateur personnel ici appelé « logique » et devenu vivant. A l'époque de l'auteur les ordinateurs tenaient sur trois-cent mètres carrés et avaient une puissance de calcul d'une toute petite calculette. Cela prouve sa capacité d'imagination et surtout son sens quasiment prophétique des conséquences de ce que nous appelons maintenant le « Web », toile d'araignée géante dans laquelle nous sommes tous pris. Grâce aux « logiques » n'importe qui peut demander n'importe quoi : commettre le crime parfait, dévaliser efficacement une banque, prendre le pouvoir, fabriquer une bombe...

Le narrateur de l'histoire par peur de la destruction de la civilisation et surtout par peur de la révélation de son infidélité par sa maîtresse à l'aide du logique « Joe », éteint « Joe » et croit mettre fin au problème. La fin de la nouvelle contredit grandement son optimisme.
Incroyable anticipation ! 8 étoiles

En 1946 Murray Leinster écrit cette petite nouvelle dans laquelle il imagine "un réservoir" qui contient toutes les données existantes et dans lequel des machines (qu'il appelle "des logiques") vont puiser pour y trouver toutes les réponses aux questions que peut se poser tout un chacun.

Dans cette nouvelle le système se dérègle légèrement, et les techniciens font le constat qu'arrêter n'est pas une option, car le monde entier tourne en fonction du "réservoir" : les transports, les logiciels d'entreprises, les ascenseurs,.. voila qui donne à réfléchir au conséquences de notre monde hyper-connecté.

En 1946 on peut dire que l'auteur avait anticipé l'Internet tel qu'on le connait, internet qui est né en 1969 lorsque son ancêtre, le projet ARPANET, fut créé.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 17 octobre 2016