L'Enfant du peuple ancien de Anouar Benmalek

L'Enfant du peuple ancien de Anouar Benmalek

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 2 janvier 2004 (Liernu, Inscrite le 1 avril 2001, 56 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 719ème position).
Visites : 5 505  (depuis Novembre 2007)

Livre dur, à l’image du génocide des aborigènes

Ce livre violent est l’histoire de la rencontre de trois personnages, trois prisonniers, à bord d’un bateau, de leur évasion, de leur combat pour la survie. Ce livre est surtout la dénonciation de ce que l’auteur appelle « un génocide parfait », celui des Aborigènes de Tasmanie : « sans mémoire pour les victimes, sans opprobre pour les assassins ». Fort heureusement, le prologue (qui, chronologiquement, se situe à la fin de l’histoire) nous indique que les protagonistes vont survivre aux atrocités qu’ils auront à subir. On est donc averti que d’une manière ou d’une autre, l’espoir d’une survie n’aura pas été vain. Mais avant cela, que d’horreurs !…

Kader est originaire du sud de l’Algérie. En 1871, la révolte contre les colons français s’organise, finit par éclater, Kader est capturé et déporté en Nouvelle-Calédonie. Dans la prison qui l’accueille, les bagnards sont attachés deux par deux, par une chaîne autour de cheville. Rogg, le criminel auquel Kader est relié depuis deux jours, veut s’évader. Il a d’ailleurs tout organisé. Kader ne peut que suivre. Et c’est là que tout dérape. Rogg tue un gardien. Puis, au moment de grimper dans la barque cachée pour les mener vers un bateau australien, il veut s’en prendre à Kader, compagnon encombrant. Kader se défend, et le tue… Le voilà livré à lui-même, avec quelques morceaux de pain et un peu d’argent, à bord de la barque.

Tridarir est le dernier enfant aborigène de Tasmanie. Ses parents et lui se sont échappés de la réserve malgré les risques énormes de se faire capturer ou tuer par les colons australiens. Le père de Tridarir se fait vieux et n’est plus très bon à la chasse. Affamés, le père et la mère se rue sur des sacs de nourriture trouvés dans une cabane abandonnée. Tridarir qui vient de se disputer avec eux, boude dans son coin. Quand il revient pour s’excuser, il les trouve agonisants : la nourriture était empoisonnée… L’enfant, complètement perdu, s’enfuit juste à temps pour ne pas être capturé par les chasseurs. Mais il reste dans les parages et assiste aux ignominies subies par les corps de ses parents. Là encore, il s’enfuit. Puis revient. Et se fait capturer.

Lislei vit en France et est fait prisonnière lors de la tourmente de la Commune. Elle aussi est condamnée à la déportation en Nouvelle-Calédonie. En semi-liberté, elle découvre Kader lors d’une promenade. Il lui parle du bateau australien, de l’argent qui doit servir à amadouer le capitaine. Elle y voit l’espoir d’une évasion. Le capitaine acceptera de les prendre à bord, le voyage de Kader étant payé. Quant à Lislei, elle devra payer en nature… Elle se pliera à cette volonté, car elle sait qu’il n’y aura pas d’autre occasion de fuir. Pendant la traversée qui doit les mener en Australie, l’homme et la femme, enfermés dans la même cale, sont chacun témoin des vilenies de l’autre : Kader est un assassin et Lislei se prostitue. Ils profiteront d’un moment où le bateau est désert pour sortir de leur trou noir. Effarés, ils découvriront Tridarir, ligoté et coincé entre deux caisses qu’il ne veut pas quitter.

Ils arriveront à délivrer Tridarir et à filer entre les doigts du capitaine et de ses hommes, mais comment survivre dans cette Australie où tout est disproportionné ? L’enfant aborigène est rejeté partout où ils vont, les mettant dans des situations inextricables. L’abandonneront-ils ?

Après un tel résumé, il est évident que ce livre n’est pas « gai » à lire. Jusqu’à la dernière ligne, il s’agit d’un récit poignant. Pour un tel sujet, je trouve que Benmalek a trouvé le bon ton : les atrocités sont mentionnées, parfois décrites mais l’auteur ne donne pas dans les détails morbides. Il évite aussi la caricature : Kader et Lislei ne sont pas les « bons qui sauvent le petit », ils ont aussi leurs faiblesses. J’ai apprécié l’astuce du prologue qui nous rassure tout au long de la lecture : le lecteur sait que les trois personnages survivront.

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Le chemin des rêves !

10 étoiles

Critique de Frunny (PARIS, Inscrit le 28 décembre 2009, 58 ans) - 8 novembre 2010

Emouvant et puissant témoignage sur l'extermination des aborigènes d'Australie ( et de Tasmanie ) au travers l'histoire de ces 3 personnages .
Je ne reviendrai pas sur le résumé très détaillé de St-Germain-des-Prés qui reprends les grandes phases du roman .
L'histoire est forte ,dure .

L'auteur nous conduit sur les " chemins des rêves " aborigènes , aux frontières mouvantes de la réalité et des croyances .
Le choix des personnages est judicieux ; Kader ( l'algérien ) , Lislei ( la française communarde exilée ) et Tridarir ( l'enfant aborigène déracinée de sa Tasmanie natale ) sont des étrangers qui - quoi qu'ils fassent - restent des étrangers .
On ressent , au fil du roman, le poids de ce fardeau .

Cet ouvrage m'a pris aux tripes .Je pense qu'on ne peut rester indifférent à sa lecture .
La construction des chapitres ( surtout le prologue ) est judicieuse et permet de nous maintenir en haleine tout en sachant que les personnages clés seront encore en vie à la fin .

Il s'en dégage un savant mélange de sensibilité et de dureté qui en font une oeuvre de grande qualité .

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