Mémoires, précédé de La conjuration du comte de Fiesque
de cardinal de Retz

critiqué par Cédelor, le 1 janvier 2015
(Paris - 52 ans)


La note:  étoiles
Des Mémoires impressionnants, dont on se souviendra !
Les mémoires d'un cardinal du 17ème siècle... Toute une vie, un monde, une époque, qu'il nous fait découvrir, avec une rare puissance d'évocation. Le mieux encore, pour vous rendre compte de sa haute valeur et du plaisir que j'ai eu à le lire de bout en bout (3 mois pour ces 1200 pages, page après page, jour après jour, avec patience, mais cela en valait la peine), c'est de retranscrire ici la 4ème de couverture :

Paul de Gondi, cardinal de Retz, a cru avoir rendez-vous avec l'Histoire. C'était avec la Littérature. À titre posthume. Il redoutait par-dessus tout l'indifférence et l'oubli. Il a gagné : il divise la postérité, comme il avait divisé ses contemporains. Sa personnalité flamboyante, tapageuse, éveille encore aujourd'hui des réactions très vives, contrastées. Autant qu'à l'acteur de la Fronde, elles s'adressent à l'auteur des Mémoires les plus irrévérencieux et les plus séduisants qui soient.
Peinture haute en couleur d'une société que n'a pas encore policée et assagie la main de fer du Roi-Soleil, catéchisme de politique politicienne et bréviaire de subversion, retour sur soi d'un vaincu nostalgique de son rêve héroïque foudroyé, victoire de l'intelligence sur le réel qu'elle maîtrise pour le disséquer, ultime revendication de liberté chez un homme au seuil de la mort - liberté de la pensée, du ton, du style : l'œuvre est si riche et si diverse que chacun peut y trouver son bien.
Ce récit touffu, qui nous introduit comme par effraction dans un monde peu familier, n'est pas d'accès facile. Simone Bertière, la plus autorisée des spécialistes, lui a joint une introduction, des notes, un glossaire et des index qui, dans un esprit de soumission au texte, loin de toute érudition superflue, visent simplement à en rendre la lecture plus aisée et plus agréable, pour que se fasse mieux entendre la voix d'un des écrivains majeurs de notre littérature.


La conjuration du Comte Jean-Louis de Fiesque

Dans cette édition qui rapporte les Mémoires du Cardinal de Retz, peut se lire également, en guise d’apéritif, un petit texte du mémorialiste, qu’il avait écrit dans sa jeunesse, à l’aube de sa vie d’adulte, avant qu’il ne devienne le personnage célèbre et controversé qu’il sera, le flamboyant intrigant politique de la Fronde, que ses Mémoires nous feront connaître dans toute sa personnelle et subjective étendue.
Ce court texte, que l’auteur veut nous faire croire l’avoir écrit à 18 ans, alors que dans l’introduction des Mémoires, dans un chapitre consacré à la Conjuration, il est dit que les recherches sur les manuscrits font dater sa rédaction à un âge probablement plus avancé, entre 25 et 28 ans, montre déjà toute la capacité intellectuelle qu’il déployait alors, avant qu’il ne devienne coadjuteur puis cardinal, étant alors encore simplement abbé de Retz.
Il relate ainsi la conjuration du comte Jean-Louis de Fiesque, dans la Gênes de 1547, en butte aux Doria qui étaient alors maîtres absolus de cette république italienne. Il chercha à les renverser et aurait pu y parvenir, si…
C’est écrit dans un style bien particulier, celui du 17ème siècle, et plus encore, celui des Mémoires, bien propre à Retz. C’est une langue qu’il est plaisant de lire, pas du tout le style fade qu’on peut lire dans bien des romans d’aujourd’hui. Surtout il y est développé des analyses politiques et des considérations psychologiques à la Machiavel qui peuvent paraître étonnantes de la part d’un auteur si jeune. On a du génie ou on n’en a pas ! Richelieu lui-même a lu cette Conjuration, qui lui a fait dire, de Retz, que « voilà un dangereux esprit». L’Histoire a montré qu’il ne s’était pas trompé.
Des intrigues témoignant de l'histoire 7 étoiles

Un religieux français du XVIIème siècle intrigue pendant la Régence où il se lie à la Fronde, tout en essayant de garder les sympathies de la Reine et des deux Cardinaux qui se succèdent à la tête du gouvernement. De Parlement en gouvernement et d'Eglise en politique, il négocie, tente de se placer, arrive à être désigné comme cardinal, mais est vite démasqué pour ce qu'il est. Le personnage inspire mépris, voire répugne, mais son témoignage apporte un éclairage très important sur le fonctionnement des arcanes du pouvoir national sous l'Ancien régime et d'une lassitude, voire d'une révolte, au sein de la cour de voir la monarchie se maintenir dans l'absolutisme.
Quant au style en effet, certes un tantinet pédant, il érige bien cette oeuvre en une fort belle pièce littéraire.

Dans l'épopée du prince de Fiesque, aristocrate génois, le même auteur montre la volonté de certains nobles de donner une respiration au jeu des alliances et puissances habituelles, la France et Charles Quint se mêlant des affaires de cette petite République italienne.

Ces deux oeuvres expliquent avec moult détails les questions politiques d'une époque, dans une langue remarquable. Elles constituent un beau témoignage, même si l'auteur laisse songeur sur ses intentions personnelles.

Veneziano - Paris - 46 ans - 20 juillet 2019