Port de Mer de Luc Mercure

Port de Mer de Luc Mercure

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 30 décembre 2014 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 6 étoiles
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Étudiant en quête de l'âme frère

En amorce au court roman Port de mer de Luc Mercure, on pourrait reproduire le poème de Charles Baudelaire qui débute les Fleurs du mal, en particulier cette strophe :

C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

Le héros de cette œuvre ne renierait pas ce passage. En quête d’un viatique afin de se sortir du mauvais pas qui l’a conduit au Port de mer, double tour d’habitations de Longueuil, située en face de l’île de Montréal, il aurait aimé résister aux charmes du chemin de l’enfer. Étudiant en littérature, il expérimente bien naïvement son orientation uraniste. Il fréquente les bars gays du centre-ville de Montréal où, un soir, un homme bien sous tous rapports l’invite à son appartement du Port de mer. Il accepte l’invitation d’autant plus qu’il habite avec sa mère à Longueuil. Que craindrait-il ? Pourtant il était au fait de l’intention.de son hôte d’un soir, qui lui avait précisé qu’il voulait lui « péter la gueule ».

Malheureusement, l’expression devait s’entendre au premier degré. Le roman s’ouvre avec une séance de sadomasochisme sans cacher, au lecteur, la cruauté de la bestialité qu’elle comporte. Le pauvre jeune homme s’en tire avec les effets physiques d’un ébat violent et les séquelles psychologiques qui en découlent. Comment se sent-on comme victime d’outrages sexuels ? Se juger comme une ordure n’entretient pas l’estime de soi. Pour sauver les apparences, il imite le comportement de l’autruche. Le silence s’offre comme solution à la honte du héros, qui tente malgré tout de mener une vie normale avec ses pairs. Il espère rencontrer l’âme frère, dont l’amour, croit-il, le guérirait de ses maux. Hadrien est mort depuis l’antiquité et Cupidon est bien radin par les temps qui courent, d’autant plus que l’engagement n’est plus une valeur très priorisée. Il ne peut non plus compter sur l’aide de ses parents divorcés. Sa mère vit en couple avec une lesbienne, et son père a coupé les ponts depuis qu’il s’est dirigé en lettres. Devant l’incapacité de redorer son blason pour répondre à l’urgence de sa situation, il songe à se jeter en bas du pont Jacques-Cartier qui relie Montréal à Longueuil.

Aucune virgule ne retient le souffle du lecteur. Il faut courir à un rythme effréné vers le dénouement pour savoir si le chemin de Damas se transformera en sentier lumineux ou apocalyptique. Ce roman de 101 pages ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis. Il s’en tient, sans préjugés et sans clichés, au vécu d’un étudiant qui ne parvient pas à rencontrer son Hadrien pour suivre son orientation sexuelle en toute sérénité. Il est à espérer que la force soit avec lui, selon l’expression culte de Star Wars car ce roman est inspiré de la vie de l’auteur. Bref, cette œuvre est un simple témoignage, qui ne se donne pas comme référence pour les psys quoiqu’il y ait matière à analyse.

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