Extra pure: Voyage dans l'économie de la cocaïne
de Roberto Saviano

critiqué par Nav33, le 18 décembre 2014
( - 76 ans)


La note:  étoiles
Une enquête courageuse , foisonnante , universelle et intime dans la guerre de la cocaïne
Roberto Saviano nous raconte comment le Mexique est devenu le centre nerveux du trafic mondial de cocaïne. Pour les cartels, la distribution de la cocaïne, comme dans toute filière économique, est infiniment plus lucrative que sa production. La Colombie ne joue plus à ce titre qu’un rôle second, bien que pas innocent. En bout de filière on peut ajouter le blanchiment et le recyclage des profits dans l'économie légale et singulièrement le renflouement de banques américaines en manque de liquidités après la crise des subprimes. Par ailleurs la cocaïne est la drogue de la performance (avant de devenir pour chaque addict celle de la déchéance) et elle constitue donc un énorme marché dans notre monde où la compétition est reine. On comprend donc rapidement que se soit créé ce monstre ultime selon une logique d’efficacité qui balaie toute considération morale et toute résistance. Les Etats Unis et, malgré la corruption, le gouvernement mexicain, ont entrepris une véritable guerre. mettant en oeuvre des moyens énormes qui ont conduit à gagner des batailles, Hélas l’hydre se reconstitue toujours. Des coups très rudes sont portés grâce à des infiltrations héroïques jusqu’au sommet des cartels et de leurs complicités policières et politiques. Parfois il s’agit de narcos repentis. Dans tous les cas le sort réservé aux "traîtres" est effroyable. RS nous avoue son empathie avec tous ceux qui comme lui sont condamnés à vivre en marge de la vie, dans l’incertitude du lendemain, dans une errance et coupée de toute relation humaine normale. Le trafic de cocaïne est devenu pour lui une obsession, et il finit regarder le monde comme un "narco" (ainsi s’il regarde une plage il l’imaginera comme un lieu possible de débarquement.
On se perd un peu parfois dans la complexité de toutes les affaires et la multiplicité des acteurs .Mais ceci ne doit pas décourager d aller jusqu' au bout de cette oeuvre unique, quitte à lire quelques passages en diagonale. Vouloir retenir toutes les affaires en détail équivaudrait à devenir soi même un spécialiste des narcotrafics. Lire l’ouvrage entier nous conduit en revanche à découvrir toutes les facettes historiques, politiques, sociologiques, financières, psychologiques et philosophiques de cette tragédie, qui loin du Mexique avec ses 70000 morts en six ans, nous concerne, à travers ses infinies ramifications, de plus près que nous le soupçonnons habituellement. Bravo encore une fois à Roberto Saviano pour son courage et ses talents de journaliste et d’écrivain.
Décapant 10 étoiles

Merci à R.Saviano pour cette-ces, plutôt, d'ailleurs- enquête(s) courageuse(s) nous rappelant, surtout, combien nous sommes ignorants de cet "autre monde" qu'est celui de "l'or blanc", "une farine dans laquelle nous sombrons, un or blanc dans lequel le monde se reflète" et combien il est aisé de comprendre l'auteur lorsqu'il écrit que "L'abîme du narcotrafic s'ouvre sur un monde qui fonctionne, qui est efficace, qui a des règles.Un monde qui possède un sens." et qu'il souligne que "(dès lors) tu ne fais plus confiance à personne.".

A lire absolument.

Provisette1 - - 11 ans - 27 juillet 2018


Cocaïne : face noire de la mondialisation 6 étoiles

Dans ce livre, qui se situe aux confins du journalisme d’investigation et de la littérature, Roberto Saviano poursuit son exploration de la dimension criminelle du capitalisme contemporain. Si dans Gomorra, son livre précédent, l’écrivain italien partait du particulier de la réalité locale de sa région natale, la Campanie, gangrenée par l’activité des familles mafieuses de la Camorra, pour s’élever au général du fonctionnement de l’économie italienne (trafic de migrants et de drogues, travail au noir), Extra pure, à l’inverse, se situe d’emblée au niveau du général pour opérer ensuite un retour vers les formes particulières et concrètes que prend aujourd’hui l’économie mondialisée de la cocaïne. L’ambition de Saviano est donc grande : décrire et explorer la totalité des aspects de celle-ci, de la production à la consommation en passant par tous les acteurs de la chaine (trafiquants, mules, brokers, banquiers, etc.).
Pour l’auteur en effet, la cocaïne est plus qu’une drogue. Elle est une sorte de métaphore de la modernité, un résumé de l’Esprit d’un monde, marqué par la compétition généralisée et la concurrence la plus féroce. La cocaïne n’est-elle pas la drogue de la performance consommée aussi bien par les cadres stressés que les fêtards branchés, une sorte de fait social total ? De plus, en l’espace d’une trentaine d’années, la cocaïne est devenue également un symbole de la mondialisation, son trafic touchant la totalité des continents de la planète et épousant les grandes voies du commerce mondial. Pour Saviano, la cocaïne est une sorte de passagère clandestine du monde global, au sens figuré comme au sens propre, d’ailleurs, puisqu’elle est inextricablement mêlée aux grands flux de marchandises légales et de capitaux blanchis par de grandes institutions financières ayant pignon sur rue. Ainsi, Saviano entraîne le lecteur du Mexique à la Russie en passant par la Colombie, l’Afrique de l’Ouest et l’Italie pour décrire les flux de la cocaïne et, surtout les organisations criminelles et les individus qui les animent.
Dans ce voyage, pour reprendre le sous-titre du livre, il apparaît que le Mexique joue un rôle déterminant, pas seulement comme lieu de transit de la cocaïne destinée au marché nord-américain, mais, là aussi, comme miroir grossissant de la cruauté engendrée par la concurrence la plus sauvage, dont le trafic de cocaïne n’est finalement qu’une caricature. Car, pour Saviano, notre monde globalisé ne saurait se résumer à la mondialisation heureuse du développement économique de la Chine, de l’Inde, du Brésil ou de la Russie, les fameux BRICS. La globalisation c’est aussi le Mexique avec ses cartels, qui fonctionnent sur le modèle des multinationales, ses homicides, sa corruption, pays qui est devenu une sorte d’envers du décor de la mondialisation. Le Mexique d’où, d’une certaine manière, tout part puisque Saviano rappelle que la politique de la « guerre à la drogue », largement discutée aujourd’hui, lancée par Richard Nixon, il y a plus de quarante ans, était destinée à arrêter les flux de marijuana et d’héroïne en provenance du Sinaloa. Car ce livre est aussi un livre d’histoire, qui revient notamment sur l’origine des organisations criminelles mexicaines nées de l’éclatement du cartel de Guadalajara à la fin des années 1980, le développement du para-militarisme colombien sur les ruines du cartel de Medellin ou la montée en puissance des familles calabraises de la ‘NDrangheta. Une des forces du livre tient dans la volonté de l’auteur d’incarner et donner chair aux processus criminels qu’il décrit. L’ouvrage constitue en effet une saisissante galerie de portraits d’hommes et de femmes pris dans les rouages du trafic. D’Enrique Camarena Salazar, le policier infiltré de la DEA, enlevé, séquestré, torturé et exécuté en 1985 par des membres du cartel de Guadalaraja à Salvatore Mancuso, un des chefs des AUC (Autodéfenses unies de Colombie) en passant des figures moins connues, comme Semen Judkovic Mogilevic de la mafia russe ou Griselda, une des rares femmes à avoir dirigé un réseau colombien d’exportation de cocaïne, le livre montre combien l’économie de la cocaïne est une machine à broyer les âmes et les corps.
Cependant, fasciné par son objet, Saviano perd parfois le sens de la mesure. Ainsi, il exagère largement le rôle de l’économie de la cocaïne dans le fonctionnement du capitalisme moderne ou surestime grandement les prévalences de consommation dans le monde. Expliquer comme il le fait − ce qui risque de peiner la Banque centrale américaine − que l’argent engendré par le trafic aurait rien moins que sauvé le système financier mondial ébranlé par la crise de 2008, est tout simplement faux, ou dire encore que l’usage de cocaïne explose partout dans le monde alors que la consommation chute depuis dix ans aux États-Unis et amorce une baisse en Europe témoigne d’une certaine méconnaissance d’un certain nombre de données élémentaires, laquelle vient affaiblir un livre au demeurant intéressant.

Michel Gandilhon - - 61 ans - 28 juillet 2017


L’or blanc, puissance mondiale 7 étoiles

Roberto Saviano est un journaliste et écrivain qui est condamné à mort par la mafia italienne depuis son ouvrage « Gomorra ». Il a une réputation d’obstiné. Quand cet auteur se lance dans un projet, il y consacre tout son temps, tout son esprit et se retrouve comme habité par le thème. Et le moins que l’on puisse dire c’est que pour s’attaquer à la cocaïne, il a une nouvelle fois déployé une énergie folle. Il a voyagé dans le monde entier, a rencontré un grand nombre de protagonistes, a recensé tous les chiffres, dans le but de nous faire entrer dans l’univers des stupéfiants.

Lorsque j’imaginais le trafic de cocaïne, je résumais ça au dealer colombien vendant sa marchandise à des pauvres drogués dans des rues sombres. Mais à la fermeture de ce livre, ma vision s’est vraiment élargie et le plan d’ensemble que j’ai découvert, est plutôt effrayant. En effet, pour parvenir à ses fins, Roberto Saviano m’a entraîné dans les différentes strates de ce commerce.
On débute par un voyage en Amérique du Sud dans les champs de coca. On y côtoie les producteurs, les narcotrafiquants célèbres et leurs cartels meurtriers. En Afrique et en Europe, on fait aussi connaissance avec les brokers, pourvoyeurs du virus sur toute la planète. En Russie, on rencontre la Mafija, nouvel acteur important. On termine notre périple avec les consommateurs finals et les organisations policières chargées de mener la chasse. Aux détours des paragraphes, on découvre aussi des détails un peu plus techniques : comment se fabrique la substance, comment elle est transportée incognito, comment l’argent est blanchi, comment les banques et les femmes jouent des rôles prépondérants, comment les chiens renifleurs sont entraînés… et j’en oublie, le thème est tellement vaste.

Sur la forme, le style choisi par l’auteur est un peu déstabilisant. Les chapitres ne sont pas datés, ils n’ont pas de liens entre eux et font intervenir une multitude de personnages. Certains textes sont parfois un peu répétitifs mais ils constituent un tableau qui décrit un pan particulièrement important de la criminalité internationale et surtout de l’économie mondiale.

Grâce à une enquête exigeante et des portraits souvent dramatiques, Roberto Saviano remplit à merveille son rôle de dénonciateur du système, même s’il sait très bien que la cause paraît vaine tant la machine semble intarissable et inarrêtable.

En conclusion, cet essai est essentiel pour se faire une véritable idée du pouvoir de l’or blanc !

Killing79 - Chamalieres - 44 ans - 20 mars 2016


Coke en stock 9 étoiles

Voyage au pays de la coke.
Roberto Saviano nous entraîne en "voyage" en Amérique du sud, Mexique, Colombie... au travers de ses cartels.
Guerre entre cartels, policiers pourris, chefs de cartel sanguinaire, de l'argent à gogo (pour vous donner une idée un cartel dépense plus de 2000 euros par jours pour l'achat d'élastiques qui maintiennent les liasses de billets issu de l'argent de la drogue).
On apprend plein de trucs intéressants, sur le transport à travers les frontière ( camions, avions bien sûr, mais aussi par sous-marin ou par souterrain qui relie deux endroits. Sur le surnom de la coke à travers les pays, et même sur la fabrication (breaking bad).
Bref cette enquête m'a bien plu; et je vais me jeter sur "Gomorra" son précédent bouquin sur la mafia.

Free_s4 - Dans le Sud-Ouest - 49 ans - 4 février 2015