Les moissons du futur
de Marie-Monique Robin

critiqué par Fotso, le 14 décembre 2014
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Les moissons de notre (votre) futur.
TINA ! (There is no alternative !) clamait en 1980 Margaret Thatcher, encore locataire du 10 Downing Street.
Dans la même ligne du TINA, , le 21 février 2011 sur France 2, Bruno Le Maire, Ministre Français de l’Agriculture : « Ne faisons pas croire aux Français que l'on pourra cultiver des pommes, des poires ou des fruits sans aucun pesticide : ça a toujours existé et ça continuera d'exister. » Au cours de cette même émission, voici que Jean-René Buisson, Président de l'Association nationale (Française) des industries agroalimentaires (Ania) s’écrie : « Il faut rappeler qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de solution totalement alternative aux pesticides. Je vous rappelle les chiffres : si on fait des produits absolument sans pesticides, c'est 40% de production en moins, 50 % de coûts en plus. »
Suite à ces déclarations publiques condamnant sans appel toute forme d’essai de recherche d’alternative quant aux problèmes agricoles et alimentaires mondiaux, Marie-Monique ROBIN a mis tout en œuvre pour tenter de clarifier ce qui lui semblait beaucoup trop simpliste pour être l’expression de l’entière vérité. Ce livre est né de cette recherche.
Comme écrit l’auteur page 13 : « Que le lecteur soit rassuré : les alternatives existent, ainsi que le prouvent les nombreuses pratiques agroécologiques que j’ai pu observer dans les neufs pays où je me suis rendue (Mexique, Etats-Unis, Kenya, Malawi, Sénégal, Allemagne, France, Inde, Japon). Oui, on peut nourrir le monde, si on pratique une agriculture biologique à hauteur d’homme. »

Destiné à tous et à toutes, consommateurs, producteurs, commerçants et négociants, acteurs intermédiaires, écologistes ou sceptiques, car tout le monde est concerné par les enjeux abordés par Marie-Monique ROBIN. A titre d’information, ARTE commercialise un DVD "Les moissons du futurs" (ASIN: B008IEGHS4) et le 16 octobre 2012 était diffusé cette vidéo, encore disponible en replay sur internet.
Nombreuses sont les voix qui s’élèvent contre le fonctionnement actuel de l’agriculture mondiale conventionnelle et libérale, soumise à de puissants conglomérats industriels et financiers. Jacques Chirac ne s’écriait-il pas « La maison brûle mais ils regardent ailleurs ! » au sommet de la Terre de Johannesburg le 02 septembre 2002 !
Un rappel : le 08 mars 2011, Olivier de Schutter (Rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation à l’ONU) a présenté son rapport “Agroécologie et droit à l’alimentation”. Fondé sur l’examen approfondi des plus récentes recherches scientifiques, ce rapport démontre que l’agroécologie peut résoudre les fléaux principaux qui menacent notre monde, à savoir l’insuffisance alimentaire, la misère, le réchauffement climatique, la dépendance aux intrants agricoles.

En résumé personnel, voici les promesses principales qu’apporte l’agroécologie :
1 –L’agroécologie peut être hautement productive à l’hectare au point d’obtenir des rendements spectaculaires dans certaines régions par rapport à l’agriculture conventionnelle (chimique).
2 – l’agroécologie est une des meilleures réponses contre la misère, en favorisant une agriculture à taille humaine, en freinant l’exode rural et l’accroissement urbain incontrôlé.
3 – l’agroécologie est la meilleure solution contre le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, la soumission agricole aux aléas négatifs climatiques en général.
4 – l’agroécologie, de par la forte réduction des intrants coûteux, permet une indépendance accrue des producteurs et une sécurité économique plus importante.
5 – l’agroécologie apporte une qualité intrinsèque des produits agricoles et alimentaires supérieure ce qui favorise préventivement la diminution de plusieurs affections humaines, au niveau des consommateurs.
6 – l’agroécologie permet une transmission sécurisée des terres agricoles, saines et non saturées de matières toxiques. Elle sécurise les conditions de travail des ouvriers et techniciens agricoles, non soumis par contact et en utilisation aux nombreux produits toxiques conventionnels.
7 – l’agroécologie favorise la recherche scientifique et agronomique. Elle permet également une meilleure compréhension et considération du monde vivant global dont l’humain est un composant. Elle participe directement au maintien et à l’accroissement de la biodiversité dans son ensemble.

Le livre est fortement garni de références, de renvois et complète très largement le documentaire télévisé. Cependant je suis resté sur ma faim, le sujet est tellement vaste et important qu’il serait nécessaire de produire une centaine de livres sur ce même sujet avant que l’on obtienne une précision complète des questions essentielles : comment faire, avec qui, quand et avec quels moyens.
Oui, l’agroécologie est assez bien décrite dans cet ouvrage mais il ne s’agit pas d’un traité sur cette pratique qui reste à découvrir et à approfondir réellement sur la planète entière qui comporte autant de conditions différentes que de micro-climats !
Je considère ce livre comme essentiel car il permet au plus grand nombre un éveil sur des pratiques agroécologiques que beaucoup de personnes mal informées ne connaissent que très peu. Ce livre a l’avantage aussi de remettre les priorités à leurs places respectives : l’agriculture qui nous nourrit est plus importante que toutes les autres activités industrielles ou même énergétiques. L’image de l’agriculture devrait aussi être changée, de même que les activités manuelles en général, et ce livre s’y emploi.
Dans le monde agricole, il ne s’agit pas d’être sceptique ou convaincu, la seule chose qui soit décisive est de résoudre cette équation : apporter des solutions aux agriculteurs du monde entier afin qu’ils puissent produire dans de bonnes conditions et durablement, à un coût faible, des produits de bonne qualité qui seront vendus à des consommateurs nombreux et affamés et disposant de peu de revenus. Pour des raisons climatiques, économiques, sociales et techniques, il est aujourd’hui impossible de poursuivre dans la lancée des "révolutions vertes" à l’Indienne et de l’agriculture conventionnelle et chimique. Par conséquent, que l’agriculteur soit convaincu ou sceptique, la force des choses l’obligera à modifier et faire évoluer en permanence ses techniques et méthodes de productions.

En guise de conclusion, j’aimerais citer l’agroécologiste Pierre Rabhi : « L’agroécologie ne se résumera pas à un catalogue de "bonne pratiques agricoles" mais elle recherchera, parmi les savoirs anciens et nouveaux, comment intervenir dans le sens du respect du vivant et de la création d’humus. » Extrait de la page 40 de l’ouvrage suivant : Pierre Rabhi, "Le manuel des jardins agroécologiques : Soigner la terre mieux nourrir les hommes", Editions Actes Sud, 2012, ISBN-13: 978-2742798940.
Je recommande particulièrement "Les moissons du futur" qui, je l’espère, saura animer suffisamment de débats à l’avenir pour faire avancer la réflexion qui, je le répète, nous concerne tous et toutes.