Gueusaille
de Lise Demers

critiqué par Libris québécis, le 9 décembre 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Pauvreté au féminin
Les femmes abandonnées de leurs maris parcourent souvent les rues de la ville, en l’occurrence Montréal, à la recherche de ce qui pourrait les retenir à l’existence. C’est le cas de Denise, une femme de 45 ans.

Dans la noirceur de la marginalité, cette pauvresse, une « gueusaille », projette son ombre dans les ruelles et les parcs, où elle dissimule sa présence, devenue trop lourde à porter devant des amies plus fortunées. La grisaille de sa vie ne résulte pas d’un manque de fréquentation scolaire. Au contraire, son curriculum vitae effraierait un éventuel employeur.

Le destin place heureusement sur sa route une âme sœur qui l’accompagne dans son malheur. Olga, une vieille émigrée de Russie, réconforte l’héroïne, mais, surtout, l’initie à des pratiques pour protéger sa dignité. Avec un instinct aguerri par les conflits armés de son pays d’origine, elle lui enseigne à identifier ce qui rend l’adversité moins déprimante. Les deux femmes ne sont pas des sans-abri. Elles sont victimes d’hommes qui leur ont laissé la pauvreté en héritage. Le dénouement ne s’aligne pas sur une rédemption pécuniaire. Au-delà de l’avoir, l’auteur met de l’avant les accents de solidarité qui sauvent l’âme de la déroute, comme l’amitié déterminante d’un sans-abri qui vit dans son auto.

Cette critique sociale sonne l’alarme. Avec un réalisme à l’écart de la sensiblerie et dans un style dépouillé, l’auteure parcourt les couloirs de l’indigence, qui conduisent aux abords de l’abîme.