Le Voyage improbable - Première Partie
de Turf

critiqué par Blue Boy, le 8 décembre 2014
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Huis-clos dans l’espace
Alors que des fouilles archéologiques sont conduites au pied d’un phare, un gisement de gaz explose suite à l’allumage malencontreux d’un cigare. Le phare est propulsé dans l’espace avec une partie de son socle rocheux. A son bord, deux scientifiques, deux étudiantes, un escroc et le gardien du phare, réunis pour un voyage imprévu et mouvementé, dont le retour semble loin d’être assuré.

A elle seule, la couverture, avec ce phare aux couleurs de la fusée d’ « On a marché sur la lune », constitue une véritable invitation au voyage. Mais à la différence d’Hergé, c’est un voyage basé non pas sur une certaine approche scientifique mais sur la seule fantaisie d’un dessinateur, Turf, auteur de la cultissime série « La Nef des fous ». Et si la fantaisie des plus loufoques est bel et bien présente, le paradoxe consistant à revisiter le thème du huis-clos avec ce phare-fusée filant à travers l’espace infini démontre encore une fois l’esprit hyper créatif de l’auteur. Cependant, d’un point de vue graphique, l’environnement reste le même tout au long de l’album, ce qui tranche nettement avec la diversité des paysages et des ambiances que l’on peut admirer dans la série précitée. Le trait aussi semble plus enfantin, dans un esprit franco-belge un peu vieillot, moins féerique, avec malgré tout des couleurs assez pétillantes. Ainsi, Turf semble avoir compensé avec des dialogues plus abondants, entre l’absurde et l’oiseux, hélas jamais vraiment drôles, ce qui leste quelque peu un récit assez peu captivant, à l’image des personnages qui ne semblent pas affectés par les lois de l’apesanteur. Un peu comme s’ils n’avaient jamais quitté la Terre. Et nous lecteurs avec, car en définitive, ça ne décolle pas beaucoup malgré quelques trouvailles (la découverte de la chienne Laïka dans le Spoutnik qui aboie « en russe dans le texte »). En fait, on peine à voir où l’auteur veut en venir avant d’atteindre les dernières pages qui, tout compte fait, relancent l’intérêt pour cette histoire.

Pour se faire une idée définitive, il faudra probablement attendre la seconde partie de ce diptyque, dont l’adage en deux mots qui parvient à s’extirper de cette logorrhée verbale serait Carpe Diem. Adage simpliste et essentiel, toujours utile à rappeler comme le fait Schnaps, le scientifique débonnaire, à l’attention de Fruchttück, l’escroc anxieux persuadé que l’issue du voyage sera tragique : « Vivez tant que vous êtes vivant ! Profitez de l’instant présent ! Ne pourrissez pas votre existence à craindre un événement qui de toute manière arrivera ! ». Un conseil fort avisé pour nos destins improbables sur une planète à la dérive.