Deep Winter de Samuel W. Gailey

Deep Winter de Samuel W. Gailey
(Deep winter)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Reginalda, le 18 novembre 2014 (lyon, Inscrite le 6 juin 2006, 57 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 610ème position).
Visites : 3 222 

Une chasse à l'homme entre thriller et conte merveilleux

Ce livre raconte une chasse à l'homme dans une campagne perdue de Pennsylvanie. La jolie Mindy a été assassinée, et tout le monde croit que le meurtrier n'est autre que Danny, un attardé mental qu'on retrouve sur les lieux du crime. Danny parvient à s'enfuir et tout le village se lance à ses trousses. Mais Danny n'y est pour rien (je ne dévoile aucune information, on le sait dès le début). L'enjeu, c'est de savoir s'il va en réchapper et la mesure du changement que cette traque va provoquer dans le village.
Entre indifférence égoïste et soif de sang, la population locale a du mal à se montrer digne et humaine, et paradoxalement, sans que cela apparaisse forcé, Danny est le seul à manifester une affection sincère et désintéressée. Cela étant, il n'y a aucun simplisme chez Samuel W. Gailey, chacun est traité équitablement, à hauteur de ses mérites, avec ses failles, ses faiblesses, mais aussi ses circonstances atténuantes. Derrière la noirceur impitoyable de son regard, l'auteur ne se départit pourtant jamais d'une certaine tendresse, qu'il manifeste de façon très originale, grâce à un merveilleux tout droit sorti de l'univers des contes.
Ce premier roman, s'il a la chance d'être suivi un jour par un deuxième, laisse présager de bien belles choses.

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Une claque monumentale.

10 étoiles

Critique de Ayor (, Inscrit le 31 janvier 2005, 51 ans) - 5 février 2022

Ce roman noir est absolument parfait, n'ayant qu'une envie à chaque interruption, celle de m'y replonger, c'est donc me concernant un véritable coup de cœur.

Cette histoire est extrêmement violente, fait preuve d'un tel réalisme qu'elle en devient glaçante. L'auteur dénonce avec un grand talent la misère sociale, la pauvreté intellectuelle, les addictions diverses à la défonce et finalement toute cette violence inhérente et coûteuse en vies.

L'ambiance est glauque, glaciale, et l'hiver rude de cette modeste bourgade de Pennsylvanie n'épargne personne, tant dans sur le plan physique que psychologique, ajoutant ainsi une dose de noirceur supplémentaire.

Les profils sont juste parfaits, ciselés et hyper intéressants. Le désœuvrement de certains est exploité par la perversité d'autres, la majeure partie d'entre eux cherchant l'oubli dans cette violence omniprésente et les paradis artificiels.

Quelle claque !!

Un sale hiver

7 étoiles

Critique de Jean56 (, Inscrit le 19 novembre 2011, 67 ans) - 25 septembre 2016

Roman splendide que celui-ci, un premier roman qui plus est, c’est à peine croyable.

L’auteur plante son intrigue au nord-est de l’état de Pennsylvanie, dans une petite ville rurale qui l’a vu grandir. Wyalusing, tel est le nom de cette minuscule bourgade. Nous sommes en plein hiver et les hivers sont de vrais hivers, rudes, longs, agrémentés de tempêtes de neige, de brouillard et de températures sibériennes. Un drame tel qu’on ne pouvait en attendre frappe de plein fouet la petite communauté : Mindy, serveuse au Friedenshutten, fête ses quarante ans ; fêter est un bien grand mot car se retrouver seule dans son mobil-home à contempler la chair excédentaire de son ventre n’a rien de festif ; à la compagnie des femmes, Mindy a toujours préféré celle des hommes sans avoir jamais trouvé un type assez bien pour se caser et envisager une autre vie que celle qu’elle mène depuis une vingtaine d’années. Ce soir-là, c’est son cadavre ensanglanté et à moitié nu que Lester, le shérif, alerté par son adjoint Mike Sokowski, découvre à l’intérieur du mobil-home.

Il ne faut pas chercher très loin le meurtrier puisqu’il est assis près du cadavre, pleurant à chaudes larmes. Lui, c’est Danny Bedford, le simplet de Wyalusing ; alors qu’il n’était qu’un garçonnet, la glace de l’étang sur lequel il patinait a cédé et son trop long séjour dans l’eau glaciale a privé son cerveau de l’oxygène indispensable et entraîné des lésions irréversibles. Ses deux parents sont morts en voulant lui porter secours. Élevé par son oncle à coups de ceinturon, en proie aux brimades et le plus souvent la risée de ses condisciples à l’école, Danny est devenu un homme ; il travaille dans le Wash ‘N Dry dont les époux Bennet lui ont confié le nettoyage et la surveillance, il reçoit quelques dollars et dort dans une chambre au-dessus de la laverie.

Mais pourquoi Danny aurait-il tué Mindy, son amie, pratiquement la seule personne qui lui ait témoigné autre chose de que la condescendance ou de la pitié ? Sans doute parce qu’on ne peut vraiment savoir ce qui se passe dans un esprit attardé et dérangé. Et pourtant…

Mike Sokowski a décroché son badge d’adjoint parce que son père a supplié Lester et ce dernier a voulu voir dans Mike le gars capable de ramener le calme dans une bagarre et de désamorcer des situations délicates. La vérité est tout autre : Mike Sokowski est l’incarnation de la violence brutale et imbécile. Fortement alcoolisé la majeure partie du temps, les joints et la coke font partie de son quotidien. Il est toujours flanqué de Carl, son acolyte, un pauvre type, son souffre-douleur, le mec prêt à faire toutes les conneries pour glaner un peu d’estime ou pire, croire gagner un éclair de considération en se comportant tel un chien aux yeux de son maître.

Il y a aussi le policier d’État, Bill Taggart, appelé en renfort, qui trimbale son alcoolisme dans ses flasques qu’il appelle familièrement Starsky et Hutch, une façon de déculpabiliser un petit peu tout en se mentant davantage à lui-même.

Lors de son interpellation et malgré la présence du shérif Lester, Danny s’est vu fracasser la mâchoire par les bottes à coques en métal de Mike Sokowski. Transporté au cabinet du médecin de Wyalusing, il s’en échappe par la fenêtre et après avoir franchi les champs de maïs recouverts d’une épaisse couche de neige, s’enfonce dans l’immense forêt où la voix dans sa tête lui murmure : Encore un peu plus loin. Après, tu pourras te reposer. Danny ne s’est pas enfui pour se soustraire à la justice des hommes, il ne sait pas ce que le mot justice veut dire ; mais il sent confusément qu’il n’a pas envie d’être accusé de quelque chose qu’il n’a pas fait et «…Il n’aurait jamais rien fait à Mindy. Rien du tout. C’était son amie ».

Commence alors la traque qui s’avérera sanglante de la plus inoffensive des créatures, du plus innocent des fugitifs au travers d’une écriture magnifique, qui m’a touché en plein cœur et m’a arraché des larmes, Danny est bouleversant. Extraits :

« …Sa mâchoire pendait, ouverte comme la porte cassée d’une boîte aux lettres – ça faisait trop mal d’essayer de la refermer. Et sa langue, à présent épaisse et boursouflée, emplissait sa bouche comme une saucisse gonflée. A chacun de ses pas, il sentait bouger quelques dents. Le vent soufflait plutôt fort dans les sous-bois, Danny courbait les épaules en se frayant un chemin dans la neige… »

« …Danny tomba à genoux, écrasa la neige sous lui et se mit à pleurer. Ses larges épaules tressautèrent, agitées de violents frissons lorsqu’il laissa échapper ses sanglots. Il pleura pour la douleur qu’il éprouvait à la mâchoire. Il pleura pour Mindy, à jamais disparue. Il pleura d’être lent et idiot et différent des autres. Il ne voulait plus être là. Pas seulement à Wyalusing, mais sur terre, là où il se passait tant de choses horribles. Il aurait aimé être à nouveau avec ses parents. Au paradis, où on était censé être en sécurité et heureux, avec tous les autres anges. »

La nature superbement magnifiée s’impose comme un personnage à part entière, hostile et salvatrice. Extrait :

« …Le vent se mit à hurler, comme si on avait appuyé sur un interrupteur. Son pantalon claquait fort contre ses jambes et lui picotait la peau. Danny s’arrêta une seconde pour ramasser une poignée de neige et presser le tas de cristaux gelés contre ses lèvres. Il essaya de le lécher, mais sa langue le faisait trop souffrir. Il pencha la tête en arrière et laissa tomber quelques morceaux de neige glacée qu’il fit fondre au fond de sa gorge. »

Vous haïrez certains personnages, vous en aimerez d’autres parce que vous ne pourrez pas faire autrement mais jamais au grand jamais vous ne resterez indifférents. Entre la bêtise et la cruauté incarnées par Mike Sokowski et l’innocence personnifiée par Danny, vous côtoierez d’autres personnages très attachants ; je pense ici au shérif Lester, un homme qui commence systématiquement ses phrases par « Bon sang » et les termine par « fiston », une figure paternelle, bienveillante et au policier d’État, Bill Taggart, qui illustre formidablement le combat qu’il mène ou ne mène pas contre l’alcool. Sans oublier la biche à trois pattes, superbe métaphore de la fragilité de la vie et de la volonté farouche de s’y accrocher.

En choisissant le roman choral, l’auteur donne une vitalité extraordinaire à son récit. Il nous permet de découvrir les personnages de l’intérieur, leurs réflexions intimes, leurs peurs, leurs faiblesses, leurs regrets, leurs remords.

Pour conclure, un mot à propos de l’auteur : Samuel W. Gailey est un producteur et scénariste réputé, il a conçu des séries télévisées, entre autres pour la Fox, avant d’entamer sa carrière de romancier. Son expérience dans le cinéma se retrouve dans la force implacable de son récit et dans son habileté à tenir en haleine ses lecteurs. Il vit à Los Angeles avec sa fille et sa femme, Ayn Carrilo-Gailey, également écrivain.

Saluons au passage la remarquable traduction de Laura Derajinski.

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