Jean Vanier - Portrait d'un homme libre
de Anne-Sophie Constant

critiqué par Christian Palvadeau, le 10 novembre 2014
( - 59 ans)


La note:  étoiles
Portrait d'un juste
Le Canadien Jean Vanier s’engage à 13 ans dans la Marine de guerre, nous sommes en 1942. Lors d’une escale à New-York en 1950, il se précipite à Harlem pour se rendre à la Maison de l’amitié, une communauté de pauvres, un lieu dont il a appris l’existence un peu plus tôt. Il est subjugué par la joie de vivre qui y règne. Il a 22 ans et décide d’abandonner une carrière prometteuse de militaire pour devenir prêtre.

Pour y réfléchir, il s’installe d’abord près de Paris, à l’Eau vive, une communauté d’étudiants, où il aura pour père spirituel le père Thomas Philippe. Sa formation théologique progresse mais le père Thomas n’est pas apprécié du Vatican, on lui retire la direction de l’Eau vive, lui interdit d’enseigner, de célébrer la messe et de dispenser aussi tous les autres sacrements. Vanier prend la direction de l’Eau vive en 1952, à 24 ans, mais sa fidélité au père Thomas lui vaut d’être éjecté à son tour, pire les portes de la prêtrise lui sont désormais fermées.

Jean Vanier est de nouveau dans l’errance tandis que son père (génétique cette fois) est nommé Gouverneur général du Canada en 1959 et devient le plus haut personnage du pays ! Vanier vit en ermite, heureux de sa solitude puis il soutient, à Paris, sa thèse « Le Bonheur comme principe et fin de l’éthique aristotélicienne ». Il est nommé docteur en théologie en 1962. A 35 ans le voilà professeur dans les universités canadiennes. Le père Thomas, quant à lui, a retrouvé ses droits et devient aumônier du Val fleuri dans l’Oise, une communauté d’une trentaine de personnes handicapées mentales.

Lors de sa première visite, Vanier prend peur. Puis il visite des hôpitaux psychiatriques, est profondément remué par ce qu’il voit et prend la décision de sa vie. Il achète une bien modeste maison sans WC ni salle de bains, renonce à toute carrière et, en août 1964, extrait de l’hôpital psychiatrique Philippe Seux et Raphaël Simi pour vivre pauvrement avec eux dans le partage. C’est le début de l’Arche qui se développera rapidement par la suite et se répandra à travers le monde.

J’ai appris l’existence de Jean Vanier il y a une trentaine d’années, ce grand bonhomme (pas que par la taille) m’avait alors bouleversé et je suis toujours aujourd’hui sidéré par l’homme, son incroyable parcours, ses choix de vie, son intelligence, son amour des humains, la beauté de ses attitudes. Agé désormais de 86 ans, cette biographie profonde et pertinente lui rend vraiment un bel hommage à l’occasion des 50 ans de l’Arche. C’est surprenant d’ailleurs qu’il ne soit pas aussi connu que l’Abbé Pierre et Sœur Emmanuelle, sans doute faut-il y voir, malgré ses deux mètres de haut, un don pour l’effacement.