Le Fils du fils prodigue de Soma Morgenstern

Le Fils du fils prodigue de Soma Morgenstern
(Das vermachtnis des verlorenen sohnes)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Sentinelle, le 10 novembre 2014 (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans)
La note : 10 étoiles
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Le retour de la brebis égarée

Quelques mots d’abord sur l’auteur : Soma Morgenstern (Galicie orientale, 1890 - New York, 1976) était un écrivain juif de langue allemande. Cet ami de Joseph Roth, Robert Musil et Stefan Zweig fut un des témoins des grands soubresauts de son siècle, dont la fin de l'empire austro-hongrois, la première guerre mondiale, la montée de l'antisémitisme et du nazisme.

Censuré par Goebbels, il faudra attendre longtemps avant que l’Allemagne reconnaisse Soma Morgenstern comme un des grands auteurs de langue allemande de ce siècle. Et ce ne sera qu’en 1994 que sera publié pour la première fois l’intégralité de sa trilogie « Etincelles dans l’abîme », dont « Le Fils du fils prodigue » constitue le premier volet.

Le Fils du fils prodigue de Soma Morgenstern fait évidemment référence à la parabole du fils prodigue de Jésus de Nazareth, qui mettait en scène un fils lassé des commandements de son père et parti à la découverte du monde, avant de retourner chez les siens. C’est l’histoire du retour de la brebis égarée sauf qu’il ne s’agit pas ici du fils mais bien du Fils du fils prodigue ! Mais commençons d’abord par le commencement :

Nous sommes en 1928, en Galicie Orientale, une région de l’Europe de l’Est qui avait appartenu à l’empire austro-hongrois avant de devenir polonaise de 1918 à 1939.

Le grand propriétaire terrien et très pieux Welwel Mohylewski doit se rendre à Vienne afin de participer au deuxième congrès mondial des « juifs fidèles à la Loi ». Il s’y rend accompagné de son fidèle régisseur Jankel, vieil homme toujours doté d’un sacré tempérament.

Vienne est une ville que Welwel n’aime pas, et ce pour plusieurs raisons : il y avait passé quatre années de sa vie comme réfugié de guerre et il y avait vécu la désagrégation de son foyer, tous décédés par maladie. Mais Vienne est aussi la ville de la veuve de son unique frère, le renégat Joseph, mort également à la guerre avant d’avoir pu se réconcilier avec sa famille, laissant derrière lui un fils aujourd’hui âgé d’une vingtaine d’années.

Veuf, sans héritier mais riche, Welwel se met à rêver : et s’il pouvait ramener son neveu, étranger à son peuple, baptisé par sa mère, élevé loin de sa communauté, vers ses origines et la terre de ses ancêtres ? Mais un juif religieux peut-il se permettre de se soucier du fils d’un renégat ?

« La honte qui avait frappé la famille une génération plus tôt n’était pas de celles qui s’effacent. La tache resterait éternellement. Ne pas le reconnaître eût été insensé. Son frère s’étant égaré, la considération d’une grande lignée d’hommes pieux était perdue, la fierté brisée, et finie la cohésion de la famille. Il ne pouvait s’ensuivre qu’une déchéance. Que vinssent de nouvelles générations, même meilleures et plus fortes que les précédentes - mais c’était déjà un péché de penser que de telles générations pussent encore venir - elles ne pourraient jamais réparer ce qui avait été une fois commis… »

Welwel se met à douter de son projet. Mais c’était sans compter son impétueux régisseur Jankel, qui compte bien mettre la main sur ce seul héritier pour en faire un bon agriculteur et le meilleur exploitant du domaine qui soit lorsque l’heure de prendre la relève de Welwel viendra…

Comme tous les auteurs de la Mitteleuropa, Soma Morgenstern sait que le monde est en pleine mutation et que la société dans laquelle il vit n'est plus qu'en sursis. Il met en scène ce choc culturel entre la bourgeoise viennoise juive, qui s’intègre parfaitement dans la société de l’époque, et le monde traditionnel juif, qui craint que ce processus d’assimilation en cours finisse par déforcer le judaïsme et ses traditions culturelles. Plongeant dans ce maelstrom, Soma Morgenstern met en scène des personnages aussi truculents qu’attachants, tout en maniant avec finesse l’humour et l’ironie. Un premier volet de cette trilogie qui annonce le retour du Fils du fils prodigue des plus réussis et un auteur que je découvre pour la première fois avec beaucoup de plaisir. Et je ne vais certainement pas en rester là !

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