Un petit nuage et autres nouvelles
de James Joyce

critiqué par Débézed, le 28 octobre 2014
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Aigreur et amertume
Il y a bien longtemps déjà, je me suis perdu dans la prose de Joyce, définitivement croyais-je, en errant dans les méandres de « Dedalus » mais une âme charitable, soucieuse de mon inculture, a décidé de me ramener vers le maître irlandais en me prêtant ce recueil de cinq nouvelles extraites de « Dublinois ». J’y ai trouvé un texte beaucoup plus clair que celui que je m’attendais à devoir lire, même si les phrases sont très construites, très élaborées, le style reste fluide et la prose plutôt facile à lire.

A travers ses nouvelles, l’auteur dépeint le Dublin du début du siècle dernier et ses habitants, en l’occurrence surtout des hommes souvent assez jeunes encore pour faire la cour à des femmes plutôt naïves. On rencontre dans les pages de Joyce des dandys joueurs insouciants, des jeunes garçons qui voudraient être des dandys mais qui n’ont pas forcément les moyens de leurs désirs, des jeunes mariés pas aussi bien mariés qu’ils l’espéraient ou pas forcément mariés avec la nymphe qu’ils enviaient, et même un homme qui a refusé les avances d’une femme qui lui fit bien défaut quand il comprit qu’il finirait ses jours seul. Des gens qui croient encore que la vie va leur apporter les joies qu’ils espèrent en recevoir et qui finalement doivent déchanter, la vie n’est pas aussi généreuse qu’ils le croyaient.

James Joyce possède l’art de la nouvelle sur le bout de la plume, il m’a réconcilié avec ce genre que beaucoup ont galvaudé, au point que j’hésite souvent avant d’entrer dans un recueil, le genre sert bien son projet littéraire. Il utilise la nouvelle pour mettre en scène une situation qui lui permet de dépeindre un trait de caractère qui vient étoffer l’idée qu’il se fait des jeunes Dublinois, de l’humanité en général et plus largement de l’existence. Ses héros entrent dans la vie comme dans ses nouvelles, pleins de joie et d’espoir, insouciants, sereins, sûrs d’eux… mais à la toute fin de l’histoire, comme du texte, après un temps plus ou moins long, l’amertume sourd, le déboire s’installe, le héros comprend qu’il est passé à côté de ce qu’il espérait et qu’il est bien loin des espoirs qu’il avait nourris en s’engageant dans son entreprise sentimentale ou autre.