Les égéries russes
de Vladimir Fédorovski, Gonzague Saint Bris

critiqué par Nathafi, le 23 octobre 2014
(SAINT-SOUPLET - 57 ans)


La note:  étoiles
Dans l'ombre des grands hommes...
Gonzague Saint-Bris et Vladimir Fédorovski ont enquêté pendant 17 ans sur les égéries russes, réunissant sur elles une importante documentation, et rencontrant certaines d'entre elles.

La toute première est Anne de Kiev, qui, après près d'un an de voyage pour rejoindre son promis, subjugue Henri de France au XIème siècle.

Le siècle le plus riche est le XXème. Là, les égéries se multiplient, se croisent, se connaissent parfois. Les artistes tombent sous le charme de ces femmes énigmatiques, sensibles, sulfureuses parfois ou aux moeurs légères , de ces âmes slaves qui les enchantent et les grisent.

Rilke, Picasso, Pasternak, Eluard, Dali, Aragon, Rolland, Sartre, Maillol, Matisse et d'autres encore trouvent l'inspiration auprès de ces compagnes qui ne vivent que par eux et pour eux et atteignent une apothéose artistique. Chaque histoire est passée en revue, plus ou moins détaillée, étayée par des documents, des témoignages, des interviews des égéries elles-mêmes.

On se demande comment ces artistes peuvent à ce point être aveuglés. Les peintres sont séduits par leur irréprochable plastique, promenant à leur bras une très jolie femme, comme si elle pouvait apporter un cachet supplémentaire à leur sens de l'esthétisme et à leur art. Les auteurs sont totalement hypnotisés, épousent la cause Soviétique, sont endoctrinés à cause de ces femmes qui les accompagnent. Elles semblent dotées d'un tel pouvoir, liées à leur pays d'origine et donnant l'impression d'accomplir une mission, parfois voulant se réaliser elles-mêmes au travers de leur homme. En fait elles se nourrissent de leurs relations avec ces hommes exceptionnels, elles donnent au monde l'image de celles qui restent dans l'ombre, prêtes à tout pour contenter leur compagnon, mais opèrent pour leur propre bien. Sentiments forts, puis moins intenses, certaines les quittent pour un autre, Gala par exemple, celle que j'ai trouvée moins sincère que les autres, moins authentique, et beaucoup plus calculatrice.

De ces égéries russes il restera des oeuvres magnifiques, portant leurs prénoms souvent, créées par des artistes qui les ont aimées. Mais demeureront-elles pour la postérité ? Les peintres et auteurs, nous les connaissons. Mais les Lou, Olga, Marina, Gala, Elsa, Maria, Lena, Dina ou Lydia, qu'évoquent-elles en nos esprits ? Quelques-unes viennent parfois se rappeler à notre mémoire, concernant une collection de tableaux dont elles font don ou avec laquelle elles ouvrent un musée, encore présentant des lettres intimes des auteurs qu'elles ont fréquentés. Mais aucune n'aura pu détrôner ces grand hommes...