Naissance de Yann Moix

Naissance de Yann Moix

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Lectrice passion, le 17 octobre 2014 (Auch, Inscrite le 16 octobre 2014, 45 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (40 886ème position).
Discussion(s) : 1 (Voir »)
Visites : 4 893 

Du lourd

Du lourd et dans le bon sens du terme. Cette oeuvre de 1142 pages est tout simplement géniale. Bien sûr, le style est particulier. Bien sûr, on aime Yann ou on le déteste. Moi je l'aime, pour son écriture profonde et décortiquée. J'invite les courageux lecteurs, ceux qui aiment donner un VRAI sens aux choses, à découvrir ce livre : NAISSANCE.

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Une bonne moitié.

6 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 26 mars 2016

J'ai beaucoup aimé les 300 premières pages mais... curieusement arrivé à ce stade l'abondance de tout m'a cloué sur place. J'étais comme assommé.
Au lieu de mal lire j'ai préféré interrompre. Un jour peut-être le hasard me remettra sur les rails de cette lecture.

Content quand même d'avoir appris que La Sainte Trinité de la religion chrétienne avait un point commun avec Les Pieds nickelés !

Ce qui est excessif est insignifiant

1 étoiles

Critique de Radetsky (, Inscrit le 13 août 2009, 81 ans) - 13 septembre 2015

Pourquoi faut-il qu'on m'adresse périodiquement ces cadeaux empoisonnés...surtout sous la forme de "pavés" m'ôtant l'opportunité de lectures plus substantielles ?

J'ose une contrepèterie digne du "carnet de la Comtesse", cher au Canard Enchaîné :
Ce type (l'auteur), est arrivé à pied par la Chine.... exploit digne de ce qu'il a commis en 1142 pages de délire verbal.

On pourrait en appeler à Rabelais, à Perec, aux ruminations de Thomas Bernhard, que sais je ? Mais ce n'est sûrement pas en y accumulant des tombereaux d'effets hypnotiques (les litanies, mantras, énumérations interminables) qu'une œuvre se justifie. L'ironie est noyée, le pathétique dégradé en pathos asséné en rafales est indigeste, le tragique confine au ridicule et les quelques bribes d'universel sombrent dans un écroulement cataclysmique : autant vaut dynamiter les Galeries Lafayette pour savourer la vaine immensité de la marchandise accumulée. Trop c'est trop.
On espère nous fasciner ? On nous écoeure, un peu à la manière d'une randonnée au long cours sur une décharge à ciel ouvert aux dimensions titanesques, où tout se mêle, le bon et le mauvais, la perle et la sanie ; on en est réduit à inventorier les camions défilant pour décharger leur comptant de signes typographiques rangés par catégories ou par caprice...
Indigestes très rapidement, les effets cumulatifs, redondants, d'ironie à bon marché ou d'érudition réelle ou fictive, d'inventions sémantiques qui eussent été drôles à petites doses et en des moments choisis, rendent vite insupportable la lecture.

Alors, on finit par oublier, si ce n'est détester vraiment, les existences décrites avec l'obsession clinique d'un mythomane bavard.

Monsieur Moix regretterait sa naissance ? Rien de nouveau sous le soleil... d'autres en ont donné des preuves avec autrement plus de talent et de sobriété.
Mais il semble exister une mode de la boursouflure, de l'explosion logorrhéique, peut-être due à la vacuité générale des temps.

Les prix littéraires (judicieusement répartis entre grosses maisons d'édition) ne font plus qu'accorder l'imprimatur à n'importe quoi. En l'occurence, le "Renaudot" a dû être une bonne affaire aussi pour l'imprimeur, le marchand de papier, les transporteurs, etc.
Le talent se mesure désormais à la tonne métrique.

"Naissance" de Yann Moix

10 étoiles

Critique de Poctoy (, Inscrit le 2 novembre 2014, 53 ans) - 2 novembre 2014

bonjour,
je suis nouveau sur le site, voici donc ma toute première critique, et je commence par le pavé de Yann Moix, "Naissance", livre qui ne peut laisser personne indifférent, pour le meilleur ou pour le pire.

Voici le menu :
• L'objet
• L'auteur
• Le sujet
• Les personnages
• De quoi ça parle ?
• Ce que j'en pense


1. L'objet :
Un Livre ? Oui mais pas que. Pavé d'abord. Pavé quand vous le prenez en main la première fois chez votre libraire. 5,5 centimètres d'épaisseur, 24 centimètres de haut, et une largeur plus convenue de 15 centimètres, le tout pour abriter les 1143 pages, 41 lignes par page, soit en moyenne 500 mots pour une page pleine. Voilà pour les mensurations du pavé. Pavé quand vous le lisez, qui vous rend toute lecture au-dessus la tête bras repliés impossible, à moins de vouloir substituer votre séance quotidienne de musculation de biceps. Non, ce pavé ne peut se lire que couché, sur le côté, à plat ventre, à la limite en position assise, mais quelle que soit la position retenue, l'objet devra rester bien à plat, pour écraser de son poids et de ses mots votre esprit plutôt que vos muscles. Car sa lecture est une lutte avec les mots, avec le sens, avec soi.

2. L'auteur :
Deux mots sur l'auteur d'abord. Yann Moix ? Pour ceux qui connaissent passez ce chapitre. Pour les autres, vous le connaissez probablement sans le savoir. Peut-être l'avez-vous entendu à la radio, en tant qu'invité de plusieurs émissions cette dernière année (ou à la TV mais je ne peux pas vous aider sur ce point). Mais plus certainement car vous avez peut-être lu, ou vu, son roman et le film qu'il a lui-même réalisé "Podium", gros succès (plus au cinéma qu'en livre évidemment), histoire héroïco-pathétique d'un sosie de Claude François tentant de gagner un dernier concours de sosie. Plutôt classé comme comédie, cette œuvre littéro-cinématographique classe probablement Yann Moix dans la catégorie des auteurs "légers". Oubliez ça, d'abord parce qu'à y regarder de plus près "Podium" recouvrait déjà des questionnements sur la personnalité, l'égo, le "moi", ensuite parce qu’avec Naissance c'est une véritable plongée dans des eaux profondes que même Narcisse n'aurait pas osé regarder !

Yann Moix est surtout et avant tout un romancier dont les écrits sont déjà nombreux. C'est aussi un critique littéraire (au Figaro pendant 5 ans), et un intervenant radios dans plusieurs émissions (Ex-Ruquier, Les Grandes gueules RMC), ce qui malheureusement peut le maintenir dans une certaine catégorie de chroniqueur léger et superficiel du PAF. En tant que critique, Yann Moix n'a jamais été tendre. Il aime dire que critiquer "c'est maintenir en vie un livre, ou au contraire, s'il est mauvais, le tuer". Déjà le souci de vie et de mort. Et cela ne lui a pas rendu service, car Yann Moix est souvent la cible des critiques qui lui rendent bien sa sévérité. Souvent vilipendé, accusé, Moix a déjà été cloué au pilori dans le PAF. Dans son livre il s'en amuse. Dès les premières pages, il auto-raconte les critiques assassines qu'il a subi après la sortie de son dernier livre "Naissance". La boucle de la fiction est formée, on est au centre d'une narration qui décrit quelque chose d'anticipée alors qu'on est nous-mêmes en train de le lire. Première étape du jeu moixien. Les dés de mots sont jetés, le cerveau est en éveil, le décor fermé.

3. Le sujet :
Alors c'est quoi ? Il est écrit sur la première page "Naissance", roman. Roman certes. Mais c'est aussi une biographie fictive, c'est aussi un essai, un pamphlet, une pièce de théâtre, un discours philosophique, un précis d'histoire et de géographie, une fiction, un récit, une étude comparée des religions, un recueil poétique en prose, bref, c'est un peu tout ce que la Littérature a pu inventer comme style au cours des siècles. On y trouve de tout, on y trouve tout. Et rien. C'est un livre sur rien, un livre sur tout, ou l'inverse. Bien sûr il y a un début, une volonté d'histoire, celle de Yann Moix, personnage principal, atome de vie autour duquel tout tourne, puisqu'il s'agit de raconter son enfance martyre. Histoire de sa naissance, au sens propre, et au sens figuré. Naissance de parents biologiques, qui n'ont jamais voulu de lui, d'un père dont on ne sait s'il veut plus le renier que le tuer, d'une mère aux ordres d'un apprentissage du rejet. Dans les 400 premières pages (environ…), Yann Moix a de 0 à…3 jours. L'accouchement à lui seul dure une dizaine de chapitres, et rien n'est épargné. Chaque phrase glace, coupe le souffle. Chaque mot est un coup de poing, chaque idée une abjection morale et physique. Une souffrance. On comprend pourquoi chaque virgule et chaque point sont successivement des ponctuations respiratoires, chaque fin de chapitre une sieste apaisante, juste après avoir toujours subi la dernière phrase et le dernier mot toujours marqué du choc d'un marteau sur une enclume. Et pourtant on y retourne sitôt réveillé. Car ça vibre. Au bout de 100 pages on est déjà à terre, mais on espère que la lumière va arriver. Elle arrive par instants, à travers la virtuosité du style, des styles, des inventions de mots, de phrases, d'idées, de propos, de mélange, de diversions. Je te donne un coup de poing mais après je te mets un onguent. Je te plaque à terre mais après je te tends la main. Une idée chasse l'autre, un pansement sur une saignée, de l'eau sur du feu, du sucre sur du sel, du doux sur de l'amer.

Et puis quand malgré tout on est au bord du gouffre, qu'on pense ne plus pouvoir tourner une page de plus, on se laisse emporter par d'autres envolées. On laisse l'abject pour entrer dans le burlesque, la grossièreté, on se résigne, on accepte, on abandonne, on s'abandonne, on arrive (car on se force) à oser penser que cela ne peut être la réalité, on espère que ce n'est pas la réalité, et Yann Moix nous aide dans nos efforts démesurés en rendant les personnages totalement loufoques, caricatures d'eux-mêmes. Il nous endort, pour nous entraîner avec lui encore plus profondément, pour fouiller avec lui tout ce qui le préoccupe, l'assaille, le torture.

4. Les personnages :
- Le père, tortionnaire, accessoirement professeur de mathématiques et philosophe de l'enfance et de l'art

- La mère, la tortionnaire, témoin complice et consentante
On y croise deux frères jamais nés (infrères) mais assoiffés de vengeance

- Marc Astolphe Oh, l'inconnu amoureux transi futur parrain et mentor de Yann Moix, un "brin" mytho et transi amoureux (on apprendra plus tard qu'il convient de dire et d'écrire "Marc-Astolphe?" surtout sans espace avant le point d'interrogation), qui se décrit ainsi : "Chez Ranx Xerox, il est proféré, cher et vigoureux maître, que je descends de Crassus, indubitablement, pour les gains démoniaques, par mes furieuses victoires sur le chaland. Des cataractes de bile, formées par toute une jalouse tectonique, éclaboussent ma rigoureuse personne quand, rentrant au bureau parmi les dédaigneuses gueules de l'épisodique piétaille du microsalariat, couvert de contrats fraîchement signés comme Kikkiya roi d'Assur de son châle prodigieux, le grand patron me balbutie les procellaires râles d'admiratives congratulations que lui inspirent mes exorbitantes compétences".

-Boule-touchée, gynécologue obstétricien accoucheur de Mme Moix

- Bart-Grönstein, l'administrateur de la clinique,
- L'infirmière aux gros seins

- L'autre infirmière

- Grillon, préposé fonctionnaire à l'Etat civil,

- L'abbé chacoupé,

- Le rabbin Shapiro,

- Bras-de-Mort, assistant du Rabbin,

- Pichoff Walter, ex petit ami de Mme Moix, et son acolyte Castagnette

- Popperman, talmudiste

- M.Babinaux-Vayroult, directeur (ou gentil organisateur) du salon de l'enfance battue

- M.Orvolo, spécialiste en noeuds

- M.Zurbaran, représentant d'accessoires de l'entreprise Doulorama

- M.Théotokos, formateur de l'APEB (Association pour la
Préservation de l'Enfance Battue)

- Franz-André Burguet, écrivain

- Françoise Manamana, nounou

- André Richard, voisin

- Geerk (alias Patrick), autre voisin indisposé par les bruits d'accouplement, mort puceau

- Plusieurs couples de parents et leur(s) enfant(s) martyrs

- Madame Shatki, institutrice

- Gean-Gérôme Yteulaire, professeur , maître spirituel de Marc-Astolphe, historien spécialiste d'Hugues de Lionne, Pinay, Tokugawa Ieasu, Umar Khayyam, des Peuls, Iaroslav le Sage, Raban Maur, Enguerrand Quarton, Murasaki Shikibu, de multiples ouvrages érudits, d'autant de monuments de par le monde et au-delà, de la glaciation de Riss, de la numération décimale d'Aryabhata, des traités de Tordesillas, des chansons de Josquin des Prés, Sotatsu, ancien professeur de métaphysique alternative, de philologie congruente, d'éthique probabiliste, de nazisme hyperbolique, de dualisme austro-nègre, de lutte homologique, de marquetique hilbertienne, etc etc etc…

- M.Mol-fendu, professeur du professeur Yteulaire en désallemand

- Gaston-Sosthène Vuitton, vénérable PDG de la maison Louis Vuitton

- Lila Wessel, Juliette de Marc-Astolphe Oh?

- Rabbi Silberschmidt et Rabbi Aloab respectivement rabbi ashkénaze (Juifs faisant remonter leurs origines à des ancêtres établis dans toute l'Europe du Nord-Ouest au début du Moyen Âge) et rabbi séfarade (origines liturgiques portugaises et espagnoles), tous deux chargés de la conversion de Marc-Astolphe Oh?

- Et "quelques" autres…

5. De quoi ça parle ?

Mais ça parle de quoi à part ça ? De rien on a dit ! Ou plutôt, puisque Yann Moix apprécie les longues énumérations, rendons-lui hommage en se prêtant à l'exercice. On y parle de tous les noms de matrice et de fonctions linéaires (souvenirs de classe préparatoire scientifique), de la loi de Mariotte (sur les gaz parfait), de Jessica 1,2,3,4,5, de Tarzan, de Zorro, de Littérature, du salon de l'enfance battue (pour y trouver tous les trucs et astuces pour mieux battre son enfant, du placard acoustique garanti 100% 0 décibel pour couvrir les hurlements des enfants à la combinaison à picots inversés), de l'évolution de l'usage des mots au fil des éditions du dictionnaire Larousse depuis le début du siècle et finalement de leur mort (toujours) ,du déhanché de Mick Jagger et du plongeon dans la piscine de Brian Jones, de la littérature sonore, du monopole du coeur que Mitterrand n'avait pas lors du débat télévisé de l'élection présidentielle de 1974, de l'importance de Oui-Oui et de Tarzan dans la compréhension des choses de ce monde, de qui fait le père et de qui fait le fils, et donc de qui fait Dieu et de qui fait Jésus, de l'anatomie du martyre (ou du bon usage des os et des organes comme autant de cibles), des écrivains, du déclin de la littérature, de pluies de catégories de morts de par le monde dont (parmi tant d'autres évoqués, tous les personnages incarnés par Fernandel), le travail quotidien, de soi et des autres, des rues d'Orléans un 17 mars 1964, de haïku, de sexes (du simple coït reproductif à la feuille de rose tout y passe), quelques propositions pour insulter l'enfant maudit pour la version orale du martyre, et d'autres propositions (plus nombreuses) pour passer à l'acte, de la beauté d'un pli de robe qui se pose sur un banc, des noms de fleurs qui ornent les pierres tombales, d'Orléans et des rives la Loire, de musique, de poésie, de jazz, des destins (si cela existe ?) qui se croisent et des douloureuses conséquences, des techniques de grand-mère pour savoir si une femme est enceinte (et le cas échéant des techniques d'avortement), de la vie qui va (et de la mort qui vient), des arbres, des plantes, des insectes, de la télévision, de nos (espérées) vies géniales (et donc) remplies de (vaines) espérances, de l'impossibilité de certaines positions sexuelles pendant 9 mois (au moins les 3 derniers), de la primauté du sexe sur l'art, du lien entre vendredi 15 mars 1965 et mardi 2 février 1913 (pardon ce ne sont peut-être pas les bonnes dates…) et de leur réelle existence, de pourquoi il faut se pincer le testicule gauche pendant le coït, de l'étymologie du mot "rat", des feuilles de papier Canson et boîtes Caran d'Ache, des nuances de bleu et de rouge (mais rien à voir avec le bleu des coups, et le rouge du sang, c'était un piège !), du concerto pour piano en la mineur op.54 de Schumann, de la Corée du Nord et de la Corée du Sud pour savoir réellement laquelle est au Nord et laquelle est au Sud, des mille et une façon de décrire un corps, un sexe, une rue, une seconde, une vie, une mort, du Messie et du messianisme, des magnifiques lettres épistolaires de Marc Astolphe Oh à Aurore (sur 25 pages !), des articles consacrés dans la presse locale à la catastrophique et affreuse naissance de Yann Moix, futur écrivain, de la double césarienne pour l'expulser, de la longueur de l'attente dans une chambre un dimanche chaud à Orléans, et de l'effet d'un rayon oblique du soleil venu frapper chaque jour un parpaing, une tuile, une gouttière qui "contient l'impossibilité du moindre bonheur", de la différence entre photocopie et reprographie, la conjecture de Fermat, du Goncourt, des camps d'extermination, du procès d'un fils, de l'almanach Spirou de 1944, des romantiques, de la volonté d'encyclopédie des trous (anus, bouche, vagin) de Marc Astolphe Oh, de la condition de "juif à l'envers" ou achéropite (personne née sans prépuce), de toutes les associations, fédérations, comités, conseils, syndicats, sociétés et autres structures plus ou moins représentatives dont Marc Astolphe Oh est le président, de géopolitique, de molécules d'irréfutabilité, de l'invention de l'individu parmi la communauté des êtres et du lien avec la création, du hasard, de ce que l'on trouve au 126 faubourg Saint Jean à Orléans, de l'amour, des non-encore-mère et non-encore-père, de divers destins tragiques d'anonymes individus, de galaxie et de voie lactée autour du discours de politique générale de Laurent Fabius en 1983, de la cathédrale Sainte-Croix d'Orléans, du bonheur, de l'idée de voyage, des mères (après leur état de non-encore-mère), des mathématiques (fonctions linéaires, suites arithmétiques et matrice entre autres), de mai 68, des mots en "isme" (capitalisme, structuralisme, relativisme, pointdevutisme, coupdegueulisme, opinionisme, lèchebotisme, courrier-de-lecteurisme, témoignanisme etc etc etc…), de la transpiration des forêts, de la bataille du 22 septembre 1914, des non-choses et non-évènements non-arrivés à des non-personnes, des voyelles gidiennes, des os et organes du corps humains, de ce qui constitue la mort d'une date, de ce qui peut être tout à la fois : vert, jaune, rouge, orange, bleue, violette, noire, blanche, ronce, parallèle, perpendiculaire, graduelle, exponentielle, pression, temps, espace, oblongue, pointue, qui peut distribuer gel et neige ou boules de soleil, qui peut établir des connexions, qui est au four et au moulin etc (réponse : la douleur), du monde dans lequel on trouve la plus complète solitude (réponse – décidément je suis sympa je vous aide beaucoup – le corps), du mardi 17 mars 1964, de la libération des mathématiques, de la société de consommation, des collections de Marc-Astolphe Oh, de la supériorité de la douleur sur la souffrance, du journal intime de Yann Moix, de la gravitation, d'un dialogue entre Yann Moix 1989 et Yann Moix 2013, des "Que sais-je" consacré à l'arroseur oscillant, de celui consacré à Maurice Cocovic et bien d'autres "Que sais-je" dans le "que-sais-je-land", des marques composées de 2 noms (Black et Decker, Mark et Spencer…), du concert des Pink Floyd à Chantilly en 1995 (j'y étais moi aussi), du rapport entre The Velvet Underground et Jean Jaurès, de la chose, des choses, du Petit chose, des jeunes filles en fleurs, de l'éternité, de ce qui précède à ce qui succède et inversement, de la senteur magnifique des fleurs, des 100 œuvres musicales préférées de Marc Astolphe Oh (intégralement listées), puis des 100 meilleurs livres, des 100 films, des 100 œuvres d'art, de l'âge relatif, de la vitesse d'incinération des organes du corps (des oreilles à l'anus en passant par le cerveau), de la variété des coups, des effets de la canicule de 1976 sur les corps matériels et humains, des cellules et leurs dérivés (souches, cibles, de crises, cancéreuses, terroristes, téléphone cellulaires etc…), des virus donc aussi, du droit de vote (ou pas), du rôle et de pourquoi des écrivains (et donc de la littérature), de Paris, d'un projet de livre "Le 20è siècle par ses vendredis", de l'ADN, des triptyques "célébrité-cocktail-musique" pour soirées en bonne compagnie féminine, des travaux dans l'appartement de Marc-Astolphe Oh et de sa location de l'ascenseur en guise d'annexe de son appartement, de la collection (parmi d'autres) de disques rayés du même Marc-Astolphe, du rôle de l'importance des seins (et de leur beauté), d'une vente aux enchères baroque, de la géométrie et de la dynamique des temps (passé, présent, avenir), de l'importance du bain chaud, de la bonne façon de porter la cravate (ou pas), de la stéréosexualité, et "quelques" autres sujets "plus ou moins abordés et énumérés…
On parle avec Gide, Emmanuel Signoret, Peguy, Georges Bataille, on croise Martin Luther King, Napoléon, Liszt, Dickens, Joyce, Rosselini, Kennedy, Heidegger, Lacan, les beatles, Alphonse Daudet, Cioran, Kafka, Balzac, Carole Laure, Goethe, Malraux, Bach, Alain-Fournier, Jimi Hendrix, Robert Brasillach, Ronsard, Nietzche, Jim Morrison, Johnny Hallyday, De Gaulle, Hitler, Françoise Hardy, Louis XIV, les célébrités noires américaines dont le nom se termine par "on" (Slide Hampton, Bill Dixon, Alan Dawson …), Mozart, U2, Jackson Pollock, Rabelais, Cyrano de Bergerac, Méliès, Tintin et le capitaine Haddock, Gaston Gallimard, Freud, Saint-Simon, Galilée, tous les patronymes "Davis" célèbres, Neil Armstrong, Laurel et Hardy, Rimbaud, Eddy Merckx, Pascal, Superman, Louis Aragon, Jimmy carter, Œdipe, Mona-Lisa, Sartre, Stefan Zweig, Truman Capote, Franck Zappa, Moïse et la Vierge Marie, Jaurès, James Bond, Rousseau, Hobbes, Hegel, Kiekergaard, Jean Cavaillès, Albert Jacquart, Muddy Waters, Conlon Nancarrow, Harry Partch, Pierre Boulez, Gulliver, Malthus, Pol-Pot, Joséphin Soulary, Dominique Rocheteau, Balzac, Marat, Spirou, William Faulkner, et "quelques" dizaines ou centaines autres célébrités réelles ou imaginaires (il faudra deviner ou chercher…) énumérées, évoquées, expliquées, dans "quelques" phrases, chapitres ou pages …

6. Mais encore, ce que j'en pense…

Dès les premières pages de "Naissance", on sent, on ressent, qu'on a à faire un quelque chose qui va secouer. Et ça secoue sec. Ca vous prend aux tripes dès les premiers mots, aussi surement qu'une accélération d'un manège sur-vitaminé des grands parcs d'attraction. Ca remue. Ca retourne. Ca vibre. Ca fouette. Ca frappe. Ca plaque. Ca choque. Ca ébranle. Ca tue. Personnellement ils sont rares les livres qui m'auront autant demandé d'investissement, qui m'auront autant fait réagir, qui m'auront autant enthousiasmé, qui m'auront autant emporté en Littérature.

Mais ne croyez pas que "Naissance" s'en prend uniquement à Yann Moix lui-même ou à ses parents, ce qui placerait le lecteur comme simple témoin d'une enfance affreuse et d'un adulte-écrivain tourmenté. Ce serait trop facile. On se contenterait d'approuver ou désapprouver, de compatir, de soulager, d'accuser. Mais c'est bien plus que cela, et c'est tout l'intérêt (le malaise?) du livre, de nous placer au cœur du débat. Que l'on soit enfant, fils, fille, père, mère, "papa", "maman" (vous comprendrez la nuance au fil de la lecture), parrain, ami, voisin, ingénieur, ouvrier, gourmand ou gourmet, écrivain, artisan, sportif du dimanche ou de haut niveau, médecin, prêtre ou engagé dans une quelconque foi, orléanais, Parisien ou Provincial, piéton, amant/maîtresse, mari/femme, frère/sœur, croyant/incroyant, on est forcément, on est toujours, on est irrémédiablement impliqué et acteur du livre. Moix fait de nos quotidiens, de tous les quotidiens, un labyrinthe sans issue, asphyxiant de problématiques, de points de vue, de parti pris, de pistes, d'options et de possibles face auxquelles on est forcé de se positionner, de réagir, de s'interroger. Rien ni personne n'échappe aux mâchoires acérées des mots, des phrases, du rythme. On cherche son souffle, un point de ravitaillement. Heureusement les chapitres sont courts (en moyenne 2 pages), ce qui nous laisse libre d'interrompre provisoirement la lecture. C'est un feu d'artifice d'idées, une explosion de mots (réels ou inventés). Un mot anodin peut nous entraîner dans plusieurs lignes ou pages de digressions faussement hors-sujet. Un autre nous plaque vers la réalité du récit. Deux pages nous assomment. Les deux suivantes nous enivrent de poésie. Un chapitre nous entraîne à droite, le suivant nous fait repartir à gauche. Le lecteur est un yo-yo, un punching-ball réceptacle des coups littéraires en échos de ceux que l'auteur a pris sous les mains de ses bourreaux. Moix mêle la bouffonnerie à la violence, le baroque au gothique, l'érotisme au porno, le café du commerce à la poésie, le vinaigre et le champagne… On se râpe sur un mot et on glisse sur un autre. On s'écorche au sang sur un chapitre et on se fait masser par des doigts délicats dans un autre. Il repousse tout à la fois les limites des micro-histoires dicibles et de l'écrit. On exècre l'horreur des propos tout en étant saisi par la profondeur et la force des mots. Rien n'est épargné dans l'effroi, mais tout est offert en fluidité, éloquence et invention littéraire et en idées. Les mots tuent notre humanité regardante d'un côté, les mots éveillent notre émotivité de l'autre. On est choqué, ébloui, anéanti, rétabli, écœuré, enivré, refroidi, réchauffé, perdu, éveillé, assommé, réanimé, annihilé, vivifié. Les mots peuvent porter le plus horrible propos au sommet de l'abject (jusqu'à mettre en poésie de quatrains le martyre), tout en nous faisant réaliser que l'ascension éprouvante, exténuante, suffocante, ouvre dans le même temps des paysages et des rivières de mots inédits en se retournant. Malaise ? Moix nous laisse choisir, agir, digérer, libre à nous de faire demi-tour, de redescendre, d'abandonner, ou de poursuivre notre ambiguë position : le lecteur est-il complice s'il poursuit la lecture ? Est-il coupable de trouver une source de satisfaction en acceptant de passer par-dessus les coups, les corps, les menaces, les insultes, pour chercher de ci de là les fulgurances ? Est-il joueur volontaire ou témoin impuissant du labyrinthe émotionnel dans lequel l'auteur l'a placé dès le début ? Chacun vivra (encore la vie…) cette expérience et répondra à sa manière, à condition de pouvoir et vouloir s'extraire de la simple lecture linéaire et plaquée sur les mots ! Il faut s'extirper, se lever, se soulever, sortir des griffes et cordes des propos, et c'est ce qui fait l'effort et le plaisir permanent de la lecture.
On y parle donc (et surtout) de 1000 morts et de 1001 vies. Des 1000 morts et des 1001 vies de toutes choses. Des 1000 morts et des 1001 vies de Yann Moix, l'unième et dernière étant celle par laquelle l'auteur survivant a libéré sa pensée en repoussant les limites de ce qu'il est possible d'écrire sur presque tout. Car si on n'adhère pas au contenu, si on est trop dégoûté, choqué, bouleversé, outré, scandalisé, il y a une chose qu'on ne peut pas enlever au livre, c'est la beauté du style, son inventivité, son génie. Et c'est quelque chose de rare d'avoir entre les mains un tel objet littéraire non identifié, qui restera probablement non identifié jusqu'à ce que peut-être il entre au rang des "classiques" de la littérature. En attendant il a déjà obtenu le Renaudot 2013.
Un livre absolu. Un livre apocalyptique. Un livre démiurge. Un livre total, étourdissant, virevoltant, foisonnant, effrayant, choquant, attendrissant, perturbant, époustouflant, envahissant, drôle, mais surtout essentiel dont on sort épuisé avec un sentiment d'avoir traversé un tsunami littéraire qui rase tout ce que vous avez pu lire jusqu'alors, et qui vous laisse avec cette angoissante question "qu'est ce que je vais bien pouvoir lire maintenant ?".
En espérant vous avoir donné envie de le lire, quoique comme toute critique, celle-ci ne peut être bonne que si elle donne envie de lire le livre à ceux qui voulaient déjà le lire, ou si elles confortent l'idée de ne pas le faire pour ceux qui n'en avaient déjà pas envie ! Mais la meilleure façon de parler de ce livre, c'est peut-être de reprendre une phrase de Jules Renard au sujet de Mallarmé "Mallarmé, c'est intraduisible, même en français"… no comment ! Mais n'oubliez pas, on n'est grand qu'à la hauteur de ce que nous ignorons. On ne grandit que par ce que nous découvrons de nos ignorances… Et puisque Moix a visiblement détient sur moi, on peut aussi dire : on ne naît grand qu'à la hauteur de ce que nous ignorons…

A déconseiller aux parents (présents et futurs).
A déconseiller aux futurs papas-mamans.
A déconseiller aux femmes enceintes.
A déconseiller aux enfants (présents et futurs).
Mais alors il est pour qui ce livre ? Pour tout le monde !
Un livre à fermer 1000 fois pour le faire mourir 1000 fois, puis l'ouvrir 1001 fois pour le faire revivre 1001 fois.

bonne lecture !

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  Critique principale? 10 Myrco 17 octobre 2014 @ 23:15

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