Le complexe d'Eden Bellwether
de Benjamin Wood

critiqué par Sentinelle, le 10 octobre 2014
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
Le génie de la folie
Manipulation ? Envoûtement et sortilège ? Génie ? Folie ?

Le doute plane tout au long du roman, qui met en scène un groupe de cinq étudiants du campus de Cambridge, issus de familles très aisées. Le meneur, l’organiste virtuose Eden Bellwether, allie la passion pour la musique baroque à d’étranges conceptions sur l’usage hypnotique de la musique. Ce n’est pas le jeune aide-soignant Oscar Lowe qui le contredira, lui qui fut irrésistiblement attiré par la puissance de l’orgue provenant de la chapelle dans laquelle joue Eden. Il y rencontrera la jeune sœur de ce dernier, Iris, dont il tombera amoureux. Et il subira malgré lui la fatale attraction qu’Eden Bellwether suscite sur son entourage, même si Iris commence sérieusement à se poser des questions sur l’état mental de son frère, lorsque celui-ci prétend pouvoir guérir grâce à sa musique…

Benjamin Wood questionne notre rapport à la foi, à la suggestion, à l’irrationnel, tout en nous faisant éprouver un mélange de sentiments fait de répulsions et d’attractions envers ce jeune gourou aussi intelligent qu’imbu de sa personne. Eden Bellwether est-il quelqu'un d'exceptionnel ou quelqu'un d'anormal ? Le génie a toujours côtoyé de près la folie, et ce roman explore la frontière floue existante entre la démence, l’affabulation, l’illusion d’un côté et l’espérance et la lueur d'espoir de l’autre, quand bien même cet espoir serait sans fondement.

« Ma théorie est que l'espoir est une forme de folie. Une folie bénigne, certes, mais une folie tout de même.»


Si je n'ai pas été particulièrement passionnée par le traitement du sujet, ce premier roman reste de belle tenue et demeure maîtrisé de bout en bout, laissant présager le meilleur pour la suite.
Qui est Eden? 7 étoiles

La musicothérapie : soigner des malades par la musique ! Peut-on prendre au sérieux une telle démarche, surtout lorsqu’elle est exclusive ? Bien sûr, la musique, dans la mesure où elle apporte apaisement et réconfort, peut être un allié précieux dans un processus de soin. Personne n’en doutera. Mais quant à en faire un instrument de fanatisme, c’est autre chose…
Or, c’est ce qui se produit dans ce premier roman publié par Benjamin Wood, roman écrit comme un conte à la fois moderne et presque hors du temps par certains de ses aspects, conte hypnotique rédigé avec un soin, un souci de la précision qui, même si le récit semble parfois s’étirer plus qu’il ne faudrait, crée une sorte d’envoûtement qui fait qu’on ne le lâche pas.
L’impression d’étrangeté véhiculée par l’histoire proposée par Benjamin Wood vient, entre autres, de son cadre et du milieu social dans lequel évoluent la plupart des personnages. Nous sommes à Cambridge et tout commence le jour où Oscar, jeune homme de milieu modeste travaillant dans une maison de retraite, alors qu’il passe par le campus de la fameuse université, perçoit les sons puissants d’un orgue et des chants provenant d’une chapelle. Subjugué, il y entre pour être aussitôt happé par quelque chose comme une extase. Mais ce n’est pas seulement la musique qui fait effet sur lui, c’est également la silhouette d’Iris, jeune fille qui n’est autre que la sœur de l’organiste virtuose.
C’est ainsi qu’Oscar, déjà amoureux, est introduit dans un milieu qui n’est pas le sien, celui d’un groupe d’étudiants et étudiantes de la bonne société et, à l’occasion, de leur famille. Chez ces gens-là, et Benjamin Wood se plaît à le répéter, pour ne donner qu’un exemple, on fume des cigarettes à clou de girofle ! Mais surtout, et c’est ce que perçoit rapidement Oscar, ce groupe semble s’être constitué en une sorte de cénacle ayant comme chef Eden Bellwether, l’organiste féru de musique baroque.
Ce dernier se révèle bientôt, aux yeux d’Oscar, comme une personnalité trouble, énigmatique, inquiétante et manipulatrice. Sa passion pour l’orgue, il l’utilise pour des séances pour le moins étranges, voire carrément dangereuses. On l’a compris, c’est lui, Eden, qui veut persuader son monde que la musique peut guérir tous les maux. Oscar, de son côté, se confie volontiers au Dr Paulsen, un des résidents de la maison de retraite où il travaille, ainsi qu’à Hebert Crest, un spécialiste des troubles de la personnalité.
Mais jusqu’où peut aller la folie d’Eden, jusqu’à quelles extrémités ? C’est ce que narre ce roman qui met en présence, en somme, deux êtres antinomiques : Eden, jeune homme imbu de lui-même et de ce qu’il considère comme ses pouvoirs, âme noire qui détruit son entourage, et Oscar, jeune homme troublé, déstabilisé, mais s’efforçant de garder sa droiture et de soigner vraiment les gens, de leur faire du bien. Une dualité que Benjamin Wood s’est gardé de rendre trop rudimentaire, préservant ainsi la complexité de chacun des personnages du roman, y compris des deux personnages principaux. Jusqu’à la fin, par exemple, on se demande si Eden est réellement fou ou si l’on a affaire à un homme qui cache habilement son jeu. C’est tout l’art d’un bon conteur que de maintenir son lecteur en haleine.

Poet75 - Paris - 67 ans - 7 novembre 2020


Très bon ! 10 étoiles

Il y a Eden, le frère aîné. Il tient son monde sous sa coupe. Il écrase sa famille et ses amis de ses multiples talents, de ses connaissances sans limité et de sa répartie talentueuse.
Puis Iris, sa jeune soeur. Elle est sous la grâce de son Seigneur mais elle commence parfois à douter.
Le père, Théo, richissime, fantaisiste. La mère, Ruth, si fière de son beau rejeton à qui elle pardonne tout.
Autour de ce petit monde, les amis. La cour : Jane, Marcus, Yin.
Tous viennent de ce monde où l'argent ne se compte plus ; les meilleurs vins, les meilleures universités, les belles limousines.
Et puis Oscar, le brave Oscar, aide-soignant dans une maison de retraite, il vit chichement, sans grandes joies mais en se satisfaisant de sa vie.
Un jour, attiré par une musique provenant d'une chapelle, il rencontrera Iris dont il tombera follement amoureux.


Pour un premier Roman, Benjamin Wood fait très fort. Pour ceux qui ont lu "Le Maître des illusions" de Donna Tartt, il ne faudra que quelques pages pour capter cette même ambiance délicieusement décrite par des plumes de qualités. (et que dire de l'excellente traduction).
Un gros pavé certes mais une très belle surprise.

Monocle - tournai - 64 ans - 2 mars 2016


Eden, Iris, Oscar et les autres… 9 étoiles

Ce roman a été une de mes meilleures lectures de l’été et je n’ajouterai rien au résumé qu’en a clairement fait Marvic .

Un roman qui a du souffle et dont l’intérêt essentiel est qu’il sollicite sans cesse l’interrogation du lecteur .

En outre, il mêle habilement et de façon équilibrée l’étude d’un cas psychiatrique et celle du pouvoir hypnotique de la musique, la relation d’une relation amoureuse , et la découverte par l’œil neuf d’un jeune homme issu d’une classe modeste de trois univers qui lui sont étrangers : ceux de la musique, de la vie universitaire à Cambridge et d’un milieu social privilégié.

Il a pris pour moi un relief particulier car je l’ai découvert en même temps qu’une enquête parue sur l’hypnose et sur ses usages actuels dans le milieu hospitalier . Son auteur a su s’appuyer sur des données médicales et musicologiques , et les rendre accessibles sans être trop didactique ni pesant .

Le premier roman d’un auteur à suivre !

Alma - - - ans - 31 août 2015


"Le fol espoir" 10 étoiles

Oscar Lowe est un jeune homme tranquille. 20 ans, célibataire, aide-soignant auprès de personnes âgées à Cedarbrook, il ne s'attendait pas à voir sa vie basculer alors qu'il rentrait tranquillement chez lui. En passant devant la chapelle du King's college, il est subjugué par la musique de l'orgue qu'il entend. Il ne peut s'empêcher d'entrer et d'assister à l'office alors même qu'il est athée. Il remarque alors une jolie jeune fille blonde. Il vient de rencontrer Iris Bellwether.
Commencera alors une belle et pourtant improbable histoire d'amour tant leurs origines sociales sont différentes. Iris est issue d'une famille fortunée à qui la vie a toujours souri.
Mais Iris est aussi très proche d'Eden son grand frère. C'était Eden qui jouait de l'orgue ; c'est aussi Eden qui va pratiquer l'hypnose à ses dépens.
Oscar hésitera à poursuivre sa relation avec le groupe d'amis autour des deux Bellwether, Jane, Marcus et Yin. Est-il la « bête de foire », jeune homme sans études, exerçant un métier non qualifié au milieu de ces jeunes gens riches et cultivés, étudiants dans des cursus longs et difficiles.
Qui est Eden ? Un être génial, doué de capacités et de connaissances hors du commun ? Un malade, un manipulateur narcissique adulé par son entourage ?

Oscar fera appel au meilleur ami d'un de ses patients le Docteur Paulsen, qui, quand il est d'humeur, partage ses lectures avec Oscar.
Cet ami, le Docteur Herbert Crest est un psychologue réputé, spécialiste de la personnalité narcissique. Mais c'est aussi un homme atteint d'une grave tumeur au cerveau.
Oscar obtiendra la rencontre des deux hommes ; le plus âgé acceptant l'intervention du plus jeune pour suivre des séances de musicothérapie. Mais dans quel but ? Étudier le jeune homme ou espérer une guérison ou à défaut une rémission ?

Voilà la force de ce roman. Le lecteur est "baladé" comme le héros entre certitude et doute, s'interrogeant perpétuellement sur cet étrange et condescendant jeune homme, sur l'emprise qu'il exerce sur son entourage et particulièrement sur sa sœur, s'interrogeant sur la sincérité de l'amour de celle-ci, sur l'amitié, la limite entre folie et normalité, sur ses choix de vie.

J'ai trouvé exactement tout ce que j'aime dans ce roman. Une intrigue originale, un contexte spécifique et précis permettant une plongée dans un univers inconnu, (le milieu étudiant à Cambridge, la musique baroque), un vocabulaire érudit sans être pédant, des personnages complexes et attachants.
Un livre que j'ai eu du mal à quitter et pour moi, une véritable réussite.

Marvic - Normandie - 65 ans - 28 août 2015


Très déçu 3 étoiles

Je me suis accroché jusqu'à un peu plus de la moitié, mais je n'ai pas pu le terminer.
A aucun moment je n'ai été touché par les personnages, et je ne suis jamais complètement rentré dans l'histoire non plus (trop de longueurs).
Je suis déçu car les critiques ci-dessus m'en faisaient attendre beaucoup.

Dommage.

Vigneric - - 54 ans - 1 avril 2015


Sans complexe 6 étoiles

Si je me suis penché sur ce roman, c'est pour deux raisons: une jaquette plaisante aux éditions Zulma (la fameuse Lettre à Helga de Begsveinn Birgisson) et puis un prix décerné, le prix du roman FNAC 2014.
Et puis je me suis plongé dans cette lecture avec un certain engouement: le prélude est particulièrement alléchant avec deux corps morts qui sont donnés à retrouver aux médecins tandis qu'une ambulance emmène le survivant qui est Eden Bellwether. "C'est terminé maintenant" écrit l'auteur. Et bien non, ça commence...
Nous sommes à Cambridge, lieu très fréquenté par les privilégiés anglais et les étudiants de bonne famille mais Oscar Lowe qui est le véritable héros du roman, est plutôt éloigné de ce milieu. Il a vingt ans et est aide soignant à la maison de retraite de Cedarbrook. Dans son quotidien, il est particulièrement attaché au vieux docteur Paulsen, homme érudit chez qui il puise de nombreux livres pour parfaire l'éducation littéraire qu'il n'a pu connaître dans sa jeunesse, venant d'un milieu très populaire.
Un soir, rentrant de Cedarbrook, alors qu'il n'avait que l'envie de se coucher, en passant devant la chapelle de King's College, Oscar entend une musique lithurgique qui l'interpelle. Fasciné, Oscar entre dans l'église, écoute et alors... il y découvre une ravissante jeune femme prénommée Iris. Elle lui présente son frère qui est l'organiste et éminent musicien: Eden Bellwether. Puis Oscar retrouve Iris lors d'une soirée et où il peut mieux faire connaissance de ce jeune homme très hautain qu'est Eden. La différence sociale entre les Bellwether et Oscar est nette mais l'attrait entre Iris et Oscar certain. Peu à peu, Oscar intègre le groupe d'étudiants amis d'Iris, -Yin, Marcus et Jane-, qui se regroupent autour du charismatique Eden lors de soirées musicales ou culturelles.
Un jour, Oscar accepte de se livrer à un jeu en présence du groupe et sous le contrôle d'Eden qui semble doué de pouvoirs étranges. En effet, Oscar est hypnotisé par la musique que joue Eden et se retrouve avec un gros clou planté dans le doigt... aucune douleur cependant. Il décide de ne plus jamais revoir Eden, le prend pour un véritable "malade"... mais il est amoureux d'Iris et accepte pour elle de chercher à comprendre voire à aider son frère dément, anormal, génial?...
Parallèlement à ce début de roman inquiétant, Oscar accompagne le docteur Paulsen à un rendez-vous à l'extérieur de la maison de retraite. Paulsen doit retrouver son ancien compagnon, Herbert Crest, un spécialiste en psychologie qui a écrit de nombreux livres, notamment sur les cas de narcissisme sévère, un trouble peut-être proche du cas Eden Bellwether. Malheureusement Crest est en petite forme, atteint d'une grave maladie, un glioblastome multiforme dont il n'a aucune chance d'en réchapper.
Le deal qui vient à l'esprit d'Oscar est donc de proposer une thérapie de la dernière chance à Herbert Crest en échange de l'analyse que celui-ci pourra faire d'Eden Bellwether... Crest qui est prêt à jouer le tout pour le tout va donc suivre les conseils et soins prodigués par le prodige lors de moments musicaux relevant du sacré... va-t-il sauver Herbert Crest par ses dons d'hypnotiseur?
Voici donc le décor planté du premier roman de Benjamin Wood. Je ne peux pas dire qu'il m'a particulièrement plu, même si je lui reconnais des qualités, notamment pour l'écriture. Mais après un bon départ, ce roman traîne un peu, il ne s'y passe finalement pas grand-chose et une sorte de froideur mystérieuse due au contexte et au personnage particulier d'Eden Bellwether m'a laissé sur ma faim. Eden est certes très désagréable, mais il est trop effacé à partir du milieu de l'histoire. Et on ne s'attache pas vraiment non plus à Oscar, ni à Iris et pour aucun d'entre eux je n'ai pu avoir une véritable empathie... Quant au dénouement, il manque de panache et de piment. ceci n'est bien sûr qu'un humble avis puisque les critiques générales autour de ce roman sont plutôt très positives
Pour finir sur une bonne note, j'ai tout de même aimé la très grande originalité des sujets abordés: les thèmes du génie et de la folie, du narcissisme, de la guérison par les médecines alternatives, de l'effet psychologique que peuvent avoir certaines personnes ou certaines thérapies (Eden avec la musicothérapie), le tout dans une atmosphère so british !!!

Laugo2 - Paris - 57 ans - 26 décembre 2014


Original et envoûtant 8 étoiles

Cambridge, de nos jours. Oscar, aide-soignant dans une maison de retraite, fait la rencontre d’Iris, étudiante en médecine, violoniste et pleine de vie. Il tombe rapidement amoureux et se joint à son petit groupe d’amis venu d’un monde bourgeois auquel il est étranger : Iris, Yin, Marcus, Jane et Eden, le frère d’Iris, incroyable manipulateur. Personnage difficile à cerner, il a une personnalité narcissique et charismatique qu’Oscar a du mal à accepter. Eden est convaincu qu’il peut guérir les blessures ou maladies par l’hypnose et la musicothérapie et tentera de le prouver à maintes reprises. Si la musique peut avoir une influence sur les émotions, il est difficile de croire qu’elle permet de panser les blessures, mais on en vient à douter. La frontière entre génie et folie est justement exploitée, la fin permettant de savoir qui des deux a triomphé.
Bon premier roman de Benjamin Wood ayant obtenu le prix Fnac 2014, il est original et sait nous tenir en haleine ! Pour avoir une idée de l’ambiance de cette histoire machiavélique, je pense au mot préféré d’Iris : Petrichor, le mot qui désigne l’odeur de la terre après la pluie. Ajoutez-y une bonne dose de musique baroque envoûtante dans un univers british et inquiétant et vous aurez un aperçu de l’atmosphère qui vous attend, les sens en éveil.

Psychééé - - 35 ans - 11 octobre 2014