La nuit recommencée
de Leopoldo Brizuela

critiqué par Pucksimberg, le 2 octobre 2014
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un roman sur les heures sombres de l'Argentine.
L'écrivain argentin Leonardo Bazan se souvient brutalement d'un épisode traumatisant qu'il a vécu en 1976 lorsqu'il assiste à une effraction chez ses voisins en 2010. Tout d'un coup, c'est l'angoisse, la peur, les doutes qui l'assaillent et qui vont réveiller de vieux souvenirs familiaux en lien avec les vagues de disparitions qui ont assombri le ciel argentin durant la dictature. Ce coup monté par une bande dans une voiture de police fait écho à ce qu'il a vécu enfant, souvenir douloureux auquel ses parents sont mêlés ... Mais pour quelle raison ? Que signifient ses souvenirs ? Il se voit jouer du piano alors que des hommes élégants sont entrés dans la maison familiale, il voit son père sortir avec ces hommes, sa mère paniquée ... Comment remettre tout en ordre ? Cet épisode de 2010 l'oblige à remettre en place toutes les pièces du puzzle de sa mémoire pour mieux comprendre la situation.

Le roman s'organise en plusieurs chapitres, qui ne sont pas numérotés mais classés selon l'ordre des lettres de l'alphabet. Avant d'arriver à la lettre Z, le lecteur aura droit aux interrogations du narrateur sur son passé, aux scènes auxquelles il a été confronté contre son gré, aux confidences et récits de personnes ayant été enlevées et torturées afin qu'elles gardent le silence ... L'on a le sentiment que le narrateur ressasse ses souvenirs. Et plus il les revisite, plus ils se précisent. Il y a du suspense dans ce roman et l'on s'interroge sur le passé de cet écrivain qui le hante. Il parle constamment d'une certaine gêne ou d'une culpabilité. Pourquoi ?

Leopoldo Brizuela n'a pas rédigé un roman déconnecté du réel. Non seulement l'ancrage est bien dans cette Argentine qui a connu des heures sombres, mais il puise aussi dans son vécu. Dans un long article publié chez Libération ( http://liberation.fr/livres/2014/… ), l'on prend conscience qu'il s'est inspiré de son vécu, de ses craintes et d'expériences horribles qu'il a bien vécues.

Ce roman interroge le lecteur sur l'Homme, sur ses faiblesses et sur ses actes. La peur et la menace peuvent pousser tout être humain à l'irréparable. On a le sentiment que cette fiction a permis à l'écrivain d'y voir plus clair, de mettre de l'ordre dans le chaos de l'Histoire.