Le passé simple
de Driss Chraïbi

critiqué par Romur, le 27 septembre 2014
(Viroflay - 50 ans)


La note:  étoiles
Toujours présent, et loin d'être simple
Dans ce récit à la première personne, Driss Ferdi, second fils du riche et puissant Haj Fatmi Ferdi (surnommé le Seigneur) nous raconte quelques jours de sa révolte de jeune adulte. La rébellion du fils contre le père, schéma classique...

Mais lorsqu’elle s’inscrit dans la société musulmane traditionnelle (j’ai bien dit traditionnelle, pas intégriste) elle prend un tout autre tour que dans nos romans du XIXème siècle français. Car elle s’exerce contre un père tout puissant, appuyé sur la dignité d’une pratique stricte de la religion même si dans le fond il n’est qu’un Tartuffe, dans une société où il a tous les droits vis-à-vis de ses enfants, où la femme n’est rien et peut être victime de toutes les violences. C’est dire le séisme destructeur que déclenche Driss dans sa famille et le risque personnel qu’il prend dans cette partie d’échec.

Ce livre permet aussi de prendre conscience de l’écart quasi-irréductible qu’il peut y avoir entre la société et les valeurs occidentales et le monde musulman. Driss est profondément écartelé et déstabilisé, la littérature, la religion et la philosophie apprises au lycée français lui donnant les clés d’un regard critique, une aspiration à l’émancipation vis-à-vis des traditions et pratiques les plus abusives de son pays, sans qu’il puisse se sentir à son aise ni d’un côté ni de l’autre. Cette lecture-là est éclairante et instructive pour comprendre peut-être un peu mieux les tensions entre pays occidentaux et musulmans et le malaise de la communauté immigrée.

En toile de fond du roman, la pauvreté, la corruption, la violence... Un livre dur et pesant, écrit dans un style dont la dureté reflète le propos (en tant que français, j’aimerais maîtriser aussi bien ma langue maternelle).

N’ayez pas peur d’être bousculé, osez lire ce passé difficile qui est encore le présent de nombreuses personnes.