Zócalo
de Adonis

critiqué par Septularisen, le 23 septembre 2014
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
LE SOLEIL AIME LES CHEMINS DES MAYAS
Zócalo est tout d’abord un lieu. C’est la Grande Place centrale de Mexico-City, également connue sous le nom de Place de la Constitution. Mais le Zócalo d’ADONIS, c’est le journal du voyage que le poète a fait en avril 2012, au Mexique . Le poète libanais y raconte, en 96 textes très courts, son séjour sur les pas des Mayas, leur culture, leurs traces, leur vie, leur passé…

C’est une série de textes plus ou moins mystico-religieux «Quel intérêt à trouer le ciel avec les clous de nos prières ? », parfois très différents les uns des autres, où dans des envolées lyriques d’une grande musicalité (mes félicitations en passant à la traductrice, Mme. Vénus KHOURY-GHATA, pour son immense traduction qui a su si bien restituer les merveilleux sons arabes), il nous raconte tout simplement le Mexique.

On peut l’assimiler à une série d’images instantanées, de sensations, où il proclame, toujours avec sa grande humanité, mais aussi son extrême modestie, son amour de la vie, «l’homme est l’aurore de l’univers », du métissage, «L’unicité n’est que cendre » ; de la culture « Beaucoup de livres sur la même stèle / Beaucoup de tombes dans le même livre. », des corps, de la beauté, "Mes yeux dans la rose qui s'entrouvre devant moi" ; de la nature, « Les montagnes marchaient autour de moi, nuages serrés dans leurs mains. » ; de l’art, "Cette nuit je saurais comment l'eau et le feux partagent le même oreiller"...etc etc…

On y découvre tour à tour les visites qu’il réalise : le musée anthropologique de Mexico : « Je me déplace entre ses salles comme si je lisais le ciel et la terre dans un même livre » ; les vestiges, "Versez les vivants dans les jarres des morts" ; les lieux "Je ne fus jamais l'ami d'un lézard qui se moque du ciel et fraternise avec les crevasses de la terre", les légendes : « Pourquoi les Mayas offraient leurs enfants en sacrifice aux dieux. / Parce que les dieux étaient des enfants… » ; les rues "La où nous marchons, le temps se vêt d'une blessure béante" ; les maisons « Dans la maison, j’ai vu une guitare ruisseler de sueur / J’ai entendu des arbres l’applaudir. », les sculptures, "Des dessins, des statues, des masques et des murs surgissent des langues qui font appel à la mienne et l'emportent vers d'autres directions du monde..." ; les objets les plus communs comme des chemises "Des chemises s'envolent telles des ailes. / Le temps s'en habille. / les minutes et les heures les tissent", ou un lit "La tombe est l'autre nom du lit"...
Sans oublier un hommage à quelques illustres mexicains, ainsi voit-on défiler Octavio PAZ, Frida KAHLO ou encore Léon TROTSKY...

Ainsi, si vous visitez Mexico-City, vous direz que vous avez visité la capitale du Mexique, ADONIS, avec le talent immense qui est le sien, dit ceci :

Mexico-Musée en plein air. Mélange d’arbres, d’hommes et/
de pierres.
Le soleil est une forêt de lances acérées comme des aiguilles.
L’air est étincelles volantes.
Les choses, les jours, les dates historiques vont et viennent.
Des roses assises sur des vieilles chaises respirent.
Des poussières marchent à quatre pattes, montent,/
descendent.
Sur l’escalier du soleil ; le temps boite et l’oiseau lit les/
branches d’un œil à moitié flétri.
Ô Grand’mère, fenêtre qui dévore l’horizon, il paraît que le/
sommeil non suivi de réveil t’emmène dans sa maison.
Et que veux-tu que je dise aux tourterelles que tu recevais/
chaque jour ?
Pour les célébrer, je débarrasserai la terrasse de ses pots de/
fleurs et la couvrirai de maïs et de blé.

La poésie d'Adonis, toujours aussi simple, aussi sobre, aussi lucide, aussi diverse, aussi entière, aussi riche est ici à son summum de beauté, je ne peux que la recommander au plus grand nombre !