Le médecin bleu
de Paul Féval

critiqué par CC.RIDER, le 22 septembre 2014
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Drame cornélien
A Saint Yon, dans la Bretagne profonde et traditionnelle, les derniers Chouans livrent leurs tout derniers combats. Une terrible guerre civile dans laquelle se retrouvent face à face connaissances, voisins et même amis ou famille est sur le point de s'achever sur la victoire écrasante des « Bleus ». Sainte est la fille de Saulnier, un médecin républicain surnommé « le médecin bleu » car il a toujours été volontaire pour traquer impitoyablement les Chouans et participer l'arme à la main aux « pacifications révolutionnaires ». Pour tous les braves gens du village, sa fille apparaît comme une sorte d'ange de miséricorde descendue du ciel. Partout, elle porte aide et protection aux pauvres et aux malades des deux camps. Sa meilleure amie, Marie Brand, fille du bedeau du village et meneur des insurgés, bon coeur mais mauvaise tête est aussi royaliste que son père. Tout comme René, le frère de Sainte, qui quitte la maison le fusil à la main pour rejoindre les maquisards par dégoût des exactions de la Convention et pour échapper à la conscription qui le ferait basculer dans un camp qu'il abhorre. Une situation aussi dramatique qu'explosive qui risque de déboucher sur un ultime massacre.
« Le médecin bleu » est un court roman historique illustrant une des périodes les moins glorieuses de l'histoire de France, celle où des Français se livrèrent à un véritable génocide de Français, une guerre civile longtemps cachée et qui commence seulement à être reconnue comme telle. Si l'on devine aisément de quel côté penche le coeur de l'auteur, celui-ci a l'intelligence de se cantonner à une description clinique de faits peu reluisants qui renvoient dos à dos les deux camps. L'absurdité de la situation, l'affrontement des individus et l'enchainement des évènements amènent très vite cette histoire au niveau du drame cornélien qui tourne rapidement en machine infernale quasiment impossible à désamorcer. Inutile de préciser quelle est la morale de cette sinistre affaire car ce serait déflorer la fin qui est magnifique. Un très beau texte plein de personnages positifs (le martyre consenti de Jean Brand, le bedeau rebelle, a quelque chose d'héroïque et de christique) et de bons sentiments, un classique à cent mille lieues des tendances actuelles. Certains pourront trouver cela édifiant voire pontifiant cet ouvrage magnifiquement écrit. D'autres apprécieront à sa juste valeur la beauté de ce classique un peu oublié.