Histoires de famille, Histoires de guerre
de Marc-Alain Wolf

critiqué par Libris québécis, le 18 septembre 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Au jardin des ronces mortelles
Marc-Alain Wolf est un juif né en France. Installé à Montréal, il est devenu psychiatre en plus de manier la plume avec bonheur. Ce recueil de nouvelles est sa quatrième œuvre de fiction. Une œuvre qui ressemble à un roman parce qu’il s’agit d’histoires familiales reliées à la Deuxième Guerre mondiale.

La photo de couverture montre ses grands-parents entourés de leurs huit enfants dont il est issu. La vie les a fortement malmenés quand le petit moustachu a décidé que les juifs étaient à l’origine des problèmes de l’Allemagne. Il fallait les exterminer en les envoyant dans les camps de la mort.

Marc-Alain Wolf, en bon psychiatre, a évité les accusations, d’ailleurs inutiles parce que les faits ont été reconnus depuis longtemps. Sauf une poignée d’antisémites refusent de les reconnaître comme certains Américains refusent de croire que la terre est ronde. L’auteur ne condamne pas plus le peuple allemand pour leurs exactions. Au contraire, il relève les gestes empathiques des soldats, qui ont fermé les yeux sur les juifs en fuite. En dehors d’un contexte de belligérance, les mariages mixtes se seraient multipliés. Les juifs n’engendrent pas seulement des laideronnes. D’ailleurs, plusieurs jeunes femmes se sont servies de leurs charmes pour éloigner les suppôts affamés du loup hitlérien, qui rôdaient autour des bergeries destinées aux abattoirs d’Auschwitz, de Buchenwald…

L’auteur a contourné la pitié pour s’attacher à la solidarité de la fratrie des Wolf qui a favorisé leur exil. Il évite aussi de faire de sa famille, un cas d’exemplarité. Ce ne sont pas des personnages plus grands que nature. Ils partagent avec tout un chacun défauts et courage. Il reste que la guerre comporte son lot de dommages collatéraux. La maladie, les phobies, voire la folie ont trouvé dans la belligérance des terrains propices pour ravager un peuple disséminé aujourd’hui à travers le monde, voire jusqu’au Québec où habite l’auteur, qui s’est construit une réputation enviable.

Chaque nouvelle est consacrée à un membre de la famille et à son entourage. Elle précise comment le petit clan s’est dépatouillé avec son jardin de ronces aux odeurs de mort. L’élément déclencheur est évidemment le même pour tous. Il s’agit de fuir la guerre. Et les dénouements sans être toujours renversants tombent à point. À la lecture du recueil, on a l’impression de tourner les pages d’un album de photos sépia. C’est une œuvre écrite avec une belle simplicité et une belle complicité, desquelles transparaît l’amour de l’auteur pour les siens. Ce dernier maîtrise si bien sa plume et l’art du genre que l’on croirait lire un roman.