Ecrits de guerre, 1939-1944
de Antoine de Saint-Exupéry

critiqué par Radetsky, le 29 août 2014
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Saint-Ex., de la guerre à la guerre
On ne cherchera pas "d'effets" stylistiques dans ce volume rassemblant lettres, articles, entretiens, commentaires, souvenirs ou témoignages extérieurs (Werth, Gide). C'est la chronique des jours douloureux vécus par un écorché qui tient par toutes les fibres de son corps à cette qualité des relations et des attachements avec les siens, tous les siens qu'ils soient parents ou amis et camarades de combat, tout comme avec les moments de perfection qu'il lui a été donné de vivre dans l'irremplaçable univers vers qui son coeur penche : la France.

C'est donc l'honnête compilation des heures douloureuses vécues par un Français, entre Munich (1938) et la dernière mission dont il ne reviendra pas en 1944. On sait ce que furent chez lui la probité et cette forme d'innocence stupéfaite devant la vacherie du monde qui l'a souvent fait définir par ses détracteurs comme un boy-scout attardé. Saint-Ex, la synthèse de cette foi en l'homme inébranlable dont il est inutile de rappeler les expressions au travers de tous ses livres.
Il traverse la guerre perdue de 39-40, puis l'inaction aux Etats-Unis s'usant en efforts acharnés afin de retrouver une place au combat, qu'il va retrouver enfin en 1943 au Maroc puis en Corse après avoir franchi une multitude d'obstacles mis sur son chemin... car il a dépassé quarante ans ! et de plus il n'est pas un gaulliste inconditionnel - à ce titre la préface de Raymond Aron, sans ambages ni détour met les choses au point sur cette désaffection de St-Exupéry - car, faut-il le rappeler, le gaullisme, à Londres ou dans ses variantes émigrées, donna lieu à la formation de clans, de coteries, d'une camarilla aux rivalités féroces chez qui la longueur des canines l'emportait largement sur le nombre d'actes concrets de résistance. Pour St-Ex, les vrais Résistants étaient "dans les caves" ou dans les maquis, en France.
D'où la méfiance, le scepticisme de notre homme quant à une affiliation à quiconque, alors qu'il s'agissait pour lui en priorité de délivrer notre pays des barbares, et donc de se battre, par des actes, des actes concrets, qui vous engagent corps et âme avec cet "accent invincible de la fraternité" dont parlait Malraux dans "L'Espoir".

Comme toujours, Antoine de Saint-Exupéry mit ses actes en conformité avec sa pensée. Et mourut au combat.