La Der des ders de Alain Roué

La Der des ders de Alain Roué

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre

Critiqué par JulesRomans, le 8 octobre 2014 (Nantes, Inscrit le 29 juillet 2012, 65 ans)
La note : 4 étoiles
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Mon arrière-grand-père, mort pour la France, s‘en retourne dans sa tombe !

"La Der des ders" d’Alain Roué est une pièce de théâtre en cinq tableaux dédiée aux soldats armoricains de la Grande Guerre et en particulier aux 80 qui sont morts pour la patrie sous le nom de famille de "Roué". Il aurait été bon, qu’en marge de sa tâche d’écriture, que l’auteur lise l’ouvrage "Les Bretons et la Grande Guerre" paru aux Presses universitaires de Rennes en 2013 (présentation sur CL). Cela nous aurait évité ce que Nivelle n’a jamais dit : « Ce que j’ai pu consommer de Bretons ».

L’ouvrage débute par un avant-propos dont l’essentiel est contenu ici :

« Dans cette horreur pour moi, seuls les hommes comptent, pas les gradés, pas les généraux, les maréchaux, ou les politiques dont les livres d’histoire bien aseptisés de la République nous ont rabattu les oreilles tout au long du XXe siècle. Ceux qui comptent, ce sont ceux qui ont fait cette guerre sans l’avoir voulue et qui l’ont terminée sans en avoir retiré du prestige et des avantages, les hommes, les vrais, les tués, les estropiés, les rescapés » (page 13)

Le premier tableau montre un village au bord de la Marne, pas loin de Paris, le jour où l’on sonne le tocsin afin d’annoncer la mobilisation générale. La deuxième situation nous transpose près de deux mois après (en donner la date au calendrier n’aurait pas été inutile), on fête la victoire de la Première bataille de la Marne. Des soldats arrivent, ils chantent "la Madelon" et le maire (en vertu des pouvoirs que lui confère Alain Roué) en décore une petite dizaine de l’ordre de la patrie (sic).

Pour le troisième tableau, dans les tranchées, outre le fait qu'on joue à la bataille avec des cartes (il faut rire), on discute sérieusement de façon assez surréaliste :

« Être propre et présentable pour aller tuer les Boches, c’est, il me semble, la moindre des politesses. Il y a quand même de l’image de la France qu’ils emporteront avec eux dans l’autre monde ! » (page 68)

La quatrième scène se passe au carré militaire du cimetière militaire avec la mère et la femme de Léon, ainsi que d’autres femmes, on leur demande d’identifier deux victimes et comme aucune ne reconnaît l’être qui lui est cher, on jette les corps dans la fausse commune. Plus tard les mêmes militaires reviennent et la famille identifie Jules. Ils reviendront pour d’autres. Ce tableau est ubuesque, il est évidemment le fruit de l’imagination de l’auteur, jamais l’identification des morts pour la France s’est faite dans ses conditions.Personnellement j'ai été plus choqué, que je n'ai ri, par cette phrase:

"Soldat Crotoir ! Puisqu'il en est ainsi, veuillez présenter les dépouilles!"

Le dernier tableau est celui où est inauguré le monument aux morts. Et des petits coups d’humour pour la Voie sacrée, du type :

« Si nous avons affaire à une grippe étrangère, c’est bien sûr tout à fait différent ! Notre glorieux maréchal Piteux est effectivement mort du fait de l’ennemi » (ceci à propos de la grippe espagnole, page 122)

Alain Roué l’ignore peut-être mais tous ceux qui sont décédés de la grippe espagnole (ou d’autre chose) avant la fin 1919, en ayant combattu auparavant, ont le titre de mort pour la France. Parmi ceux-ci le poète Apollinaire, mentionné sous son nom de famille Kostrowitzky, voir http://memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/…

Ce contenu provocateur serait mieux passé dans le cadre d’une guerre imaginaire ressemblant fortement à la Première Guerre mondiale par certains aspects. Il faut alors construire une autre dimension fictive et on aurait rendu une atmosphère sans pour autant accumuler les anachronismes.

Lorsque l’on choisit la Grande Guerre comme cadre, il y a situations imaginaires à travailler en connaissant certaines réalités. Cela demande un énorme travail, il est vrai. Ici on a l’impression que l’auteur a choisi la solution de facilité. Et sous prétexte de faire de l'ironie vis-à-vis de l'armée et des autorités (ici le maire), il n'est pas loin de manquer de respect pour les familles des victimes et les victimes elles-mêmes auxquelles il prétendait vouloir rendre hommage.

Faire dire à un soldat que son lieutenant est en général loin derrière lorsqu'on monte en ligne, c'est totalement ignorer que la proportion de ceux qui sont morts avec les grades de sous-lieutenants, lieutenants, capitaines ou commandants est bien plus élevée que celui chez les simples soldats surtout bretons (on a très sérieusement revu cette idée de la Bretagne et de la Corse comme les régions les plus touchées en matière de morts pour la France).

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