Le chien d'ombre de Rachel Leclerc

Le chien d'ombre de Rachel Leclerc

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 25 août 2014 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 7 étoiles
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Si les cercueils pouvaient parler

Après La Patience des fantômes, Rachel Leclerc a continué, avec Le Chien d’ombre, à dresser le tableau de la généalogie des Levasseur de Rimouski. De la capitale du Bas-Saint-Laurent, la famille a essaimé jusqu’à Montréal en passant par Notre-Dame-du-Portage.

Les jeunes rejettent parfois ceux dont ils sont issus. Seul l’aval leur importe. Mais pour naviguer avec « le chien d’ombre », la grande faucheuse qui décime les clans, il faut un amont nourricier pour échapper au spectre de la tourbière. L’auteure examine justement la source, voire la nappe phréatique, à laquelle les Levasseur se sont abreuvés. Une fois identifiée, la stupéfaction attend souvent ceux qui limitent leur origine à un noyau peu fissuré. Intrigues et secrets noient plutôt la genèse familiale dans un silence opaque pour la protéger des répercussions nuisibles des faits et gestes sur l’image à sauvegarder.

Si les cercueils pouvaient parler, on ne serait pas au bout de ses surprises. Et les morts se tourneraient dans leur bière s’ils connaissaient leurs descendants. Rachel Leclerc s’est appliquée à donner la parole à Joachim, un grand-père qui raconte son parcours à Robert, un petit-fils décédé d’un ACV. Il faut croire que sur leur lit de mort, le temps ou l’audace leur ont manqué pour mettre les points sur les i. Ils se reprennent pour connaître finalement le sommeil du juste. Tout est bien qui finit bien. Ce n’est pas une incartade d’une nuit enflammée qui devrait jeter l’anathème sur une vie, somme toute, riche en générosité. La conversation entre les deux hommes révèle l’existence de Georges, un oncle inconnu du petit-fils. Un oncle né d’un amour illicite, puis abandonné à un orphelinat qui en prit bien soin.

Le roman s’enrichit avec sa trame tissée autour d’un axe fluvial donnant vie à des îles aussi mystérieuses que les Levasseur, à des oies blanches qui refont leur force sur les battures (berges) avant la migration d’automne, à un hôtel luxueux devant lequel les baleines bleues viennent se reproduire. Environnement somptueux d’un peuple qui vit des événements fertiles en sensations avec les guerres meurtrières de la première moitié du XXe siècle, la crise économique et la prohibition de l’alcool chez les Américains, qui s’approvisionnent illégalement au Québec.

La structure s’appuie sur un échange intergénérationnel dans un au-delà d’où émerge le fameux oncle Georges, devenu le propriétaire du célèbre hôtel de Notre-Dame-du-Portage. L’auteure montre ainsi comment la vie ne meurt pas. Elle se perpétue à travers ses membres, parfois les moins connus, voire à travers même ceux dont on ignore l’existence. En somme, tous appartiennent à un grand tout presque indivisible. Avec art, Rachel Leclerc a peint le tableau de toute une famille, dont Robert, le narrateur, est particulièrement visé par sa créatrice, qui lui reproche en douceur d’avoir mal porté l’oriflamme familiale.

Cette œuvre bien écrite s’ajoute sans aura particulier au créneau des familles qui inhument avec les leurs un pan d'Histoire inconnue. C’est beau, mais, parfois, l’écriture se laisse aller à un discours d’une sentimentalité qui n’a plus cours aujourd’hui chez les auteurs bien notés comme Rachel Leclerc.

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