Confession d'un timide
de Philippe Vilain

critiqué par Rotko, le 21 août 2014
(Avrillé - 50 ans)


La note:  étoiles
les conduites paradoxales d'un timide

La timidité rebute, croirait-on, si on en juge par les rares occasions d’études dans le domaine littéraire, ou philosophique. Pourtant, le silence qui entoure le timide et la timidité méritait bien d’être exploré par l’auteur : il connaît bien son sujet, ses conduites paradoxales, ses impasses et ses ouvertures.

Il en mentionne l’origine, « dans une honte d’enfance », il en décrit les symptômes et les comportements imprévisibles dans son propre vécu, et il en tire bénéfice dans l’analyse du cœur humain, et tout spécialement dans la relation aux femmes.

C’est sur ce terrain qu’il me semble le plus convaincant, invitant le lecteur à bien comprendre des attitudes au premier abord surprenantes.

Avec Philippe Vilain, on fait un tour en littérature, comme dans la société, passant de La Bruyère à Proust et Modiano, fréquentant Dostoïevski et Sartre, sans s’attarder sur Rousseau qui aurait mérité, je crois, un regard plus attentif.

Sur le terrain philosophique, la comparaison de la timidité avec la crainte, la honte, ou la pudeur, des cousines plus ou moins germaines, donne lieu à des analyses intéressantes, parfois byzantines. On avance à tâtons, sans rien brusquer, au risque de redites ponctuelles.

Plus que ces aperçus théoriques, les confidences personnelles -« la confession » selon le titre, permettent de bien cerner le phénomène, et loin de faire la timidité un obstacle insurmontable, en soulignent les ressources : le recours à de nouvelles expressions, artistiques ou mimétiques. de l’écriture aux métiers de représentation.

En cela, l’ouvrage motive et stimule, il séduit aussi par la qualité des analyses qu’on retrouve dans « pas son genre », récit d’inspiration proustienne. On apprécie enfin ce qui est dit avec tact et discrétion, comme en filigrane.

"Que mon passé explique pourquoi j’ai été timide ne justifie pas que je le sois demeuré, ni que je conserve après autant d’années le sentiment qui l’a fait naître, celui d’être « inférieur  »

[…]

il ne s’agit pas d’une infériorité réelle mais d’un sentiment d’infériorité - ou si l’on préfère d’un complexe- que je me suis fabriqué tout seul, et qui dans mon cas, n’est ni physique ni intellectuel; […]

Me concernant les humiliations causées par **** ont provoqué un sentiment d’infériorité sociale durable et accablant. Tout mon être s’en est trouvé dévalué ."