Bonhomme de 14
de Eric Chevreau

critiqué par JulesRomans, le 17 août 2014
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
Mamère est né à Libourne et mon arrière-grand-père y a fait son régiment
Cet ouvrage démarre avec la recherche par un arrière-petit-fils d’un poilu des courriers de celui-ci afin de réaliser un travail scolaire. Heureusement ceux entre lui et son fils ont été conservés et dans les deux sens, car à sa mort en décembre 1915 ont été renvoyées les lettres que le poilu gardait avec lui.

On ne sait pas grand-chose du soldat Joseph Bourdaigne, si ce n’est qu’il sert au 57e RI basé à Libourne en tant de paix. Incontestablement Éric Chevreau s’est inspiré des courriers rassemblés par Jean-Pierre Guéno et en particulier de certaines contenues dans "Mon papa en guerre 1914-1918". Ainsi sont authentiques l’idée d’un enfant de réclamer un casque à pointe au père et la réponse de ce dernier de lui demander s’il serait heureux si un soldat allemand ramenait à son propre fils son képi de soldat français (pages 8 et 9). D’autres indications sont intéressantes comme les poupées Nénette et Rintintin, fruits à l’origine de la création de Poulbot; même si l’auteur n’évoque plus que la première page 46, il précise bien sa fonction de porte-bonheur et à la page 31 on a parlé des deux.

C’est avec une grande habileté que sont amenées de façon naturelle des explications autour de la vulnérabilité de ceux qui portent des pantalons rouges, de l’artillerie ou de la boue dans les tranchées… On note que le poilu invente un problème pour que son fils s’exerce à calculer le volume de terre déblayé pour creuser un mètre de tranchée et combien de mètres de tranchées un homme creuse-t-il en une heure (page 22). Par contre est beaucoup moins heureux le prétendu problème qu’aurait posé le maître de l’enfant autour des punitions données par un instituteur allemand. Il aurait été possible en consultant par exemple en ligne les numéros du "Journal des instituteurs" de l’époque d’en proposer un authentique.

Comme presque toujours avec cet éditeur le dossier documentaire qui suit est excellent, il porte en particulier sur la Première bataille de la Marne, Joffre, les tranchées, l’argot des poilus, les loisirs et l’instruction des enfants, et comment l’économie de l’arrière, où femmes et adolescents peinent beaucoup, est orienté vers les besoins militaires. Il est à noter que chez le même éditeur "Moral d'acier et pluie de fer" se présente comme la reconstitution d’un journal de poilu tenu durant l’été et l’automne 1914 (il se clôt en fait au jeudi 31 décembre), ces deux titres "Moral d'acier et pluie de fer" et "Bonhomme de 14" peuvent être lus avec intérêt en prolongement l’un de l’autre.