Poésie, sexe et mélancolie
de Binnie Kirshenbaum

critiqué par Vigno, le 24 octobre 2003
( - - ans)


La note:  étoiles
Une Woodie Allen impudique
Lila Moscowitz, 35 ans, est poète. Dans sa poésie, elle respecte "strictement les formes fixes" tout en utilisant la langue de la rue pour écrire "des obcénités et des grossièretés". Cette recette incongrue lui a valu une page dans People, donc une certaine célébrité dans le milieu. Depuis, elle peine sur son dernier recueil sans parvenir à le terminer.
Lila vient d'une famille juive qui a choisi de gommer tout trait extérieur de son identité (Moskovitch est devenu Morse, ce qui évite bien des problèmes) tout en conservant les traditions familiales. Elle, au grand dam des siens, a repris son nom mais abandonné tout le reste, à commencer par sa famille, qui le lui rend bien d'ailleurs (On oublie de lui dire que sa mère vient de mourir).
Lila vit des hommes. Il y eut Max, un Allemand qui a fui son pays trop rigide, mais qui continue de vivre en Allemand aux dires de Lila. Entre eux, l'amour fusion. Lila en vient à ne plus sortir de l'appartement. Elle finit par "abdiquer toute responsabilité au nom de la passion éternelle." Elle ne vit que pour Max, nue, prète pour l'amour. "J'ai regagné le canapé et attendu que la journée s'achève, que Max rentre à la maison. Nue, affamée, offerte pour lui, parce que c'était ça, ma vie avec Max. J'attendais et je songeais à la reddition qui suivrait quand Max ferait le pas, et aussi ce que signifiait une ligne de démarcation clairement tracée entre ennemi et bien-aimé, et au mot, s'il existait, pour exprimer que l'on a franchi la ligne." Puis un jour la fascination s'estompa : "Max a ensuite traversé la pièce où je me trouvais en marchant les pieds en canard. Comme s'il avait une bedaine de buveur de bière. Ce qui n'était pas le cas. Max était maigre comme un clou. Pourtant il commençait à prendre des allures de bourgmestre et j'avais l'impression qu'il remontait ses pantalons de plus en plus haut, au-dessus de la taille. A croire qu'il devenait ses ancêtres et, en plus, je ne pouvais pas ne pas m'interroger sur moi-même, une Juive, lorsque cette image de max en citoyen de Wiesbaden me semblait sinon séduisante, du moins excitante." Lila dut se résoudre à le quitter.
L'après Max est difficile. Bien sûr, il y a Henry. Mais Henry n'est pas Max. Trop ordinaire, trop prévisible.
Il y a bien Leon, le psychothérapeute transexuel, qui essaie de lui expliquer qu'elle cultive son malheur, qu'elle recherche les situations d'échec. "Vous êtes en train de vous mettre en situation d'être déçue." Il y a aussi l'amie Carmen, les enfants de Henry et les vieilles tantes, Dora et Estella, mortes depuis 100 ans. Bref, beaucoup de personnages pittoresques qui contribuent au charme de cette histoire.
Roman psychologique ? Certes, un peu. Mais surtout un témoignage humoristique sur un personnage qui se cherche.
Traduit de l'anglais par Françoise Cartano